KARIM KEITA CONTRE LE SPHINX AU MALI : Un honneur à laver qui coûte 4 milliards de F CFA
De la première phase du procès en diffamation ouvert le 30 mai dernier à Bamako contre l’hebdomadaire malien d’investigation Le Sphinx, l’on ne retiendra que la faramineuse somme de 4 milliards de francs CFA soit environ 6 millions d’euros que réclame l’auteur de la plainte, le député Karim Keïta, par ailleurs fils du président malien, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Sans prendre parti pour le confrère, l’on ne peut qu’être indigné par le caractère astronomique que le plaignant réclame pour laver son honneur. Car, non seulement on lit l’appétit financier gargantuesque du fils du président, mais aussi et surtout son intention à peine voilée de faire disparaître le journal du paysage médiatique malien. En effet, s’il n’avait voulu que laver son honneur, il se serait juste contenté de demander un franc symbolique ; toute chose qui l’aurait grandi aux yeux de l’opinion. Au-delà de Le Sphinx, c’est un avertissement qu’envoie le fils du président à tous les autres journaux de la place, qui seraient tentés par le malin plaisir de fouiner leur nez dans les affaires de la famille présidentielle, souvent évoquée dans les sales draps de la République. En attendant le verdict de ce procès qui devrait être sans surprise au Gondwana où la justice obéit aux ordres des princes, l’on peut déjà établir deux constats qui ne plaident pas en faveur du fils de IBK. Le premier est que déjà, de forts soupçons pesaient sur lui en sa qualité de président de la Commission Défense de l’Assemblée nationale, dans l’affaire des équipements de l’armée. Le second porte sur l’immixtion de la famille des présidents africains dans les affaires publiques. Karim Keïta aurait été un citoyen Tartempion que l’opinion ne se serait point emballée de cette accusation de trafic d’influence et d’achat d’un immeuble à Bamako qui fait l’objet du procès. Même si l’on ne peut le tenir pour coupable, cette affaire vient rappeler les frasques des fils et frères de nombreux chefs d’Etats du continent impliqués dans des malversations financières.
L’on ne peut que souhaiter la manifestation de la vérité
L’on peut citer le cas de Karim Wade, fils de l’ex-président sénégalais Abdoulaye Wade ou encore celui deTeodorin Obiang en Guinée équatoriale. C’est donc dire si le plaignant a bien la tête d’un coupable, mais gardons-nous de devancer l’iguane dans l’eau. Car, quelle que soit la suite réservée à cette affaire, il faut savoir rendre hommage à la presse malienne qui a souvent débusqué et levé le lièvre dans bien des affaires louches dans le pays. On pourrait même se poser la question de savoir ce que serait devenu le Mali sans sa presse, tant la contribution de celle-ci a été des plus importantes dans l’édification démocratique du pays et dans la longue traversée du désert qu’a connue et connaît le pays. C’est en cela que si l’on ne peut refuser au député Karim Keïta le droit de se défendre, on doit bien se garder de jeter le bébé avec l’eau du bain. Cela dit, l’on ne peut que souhaiter la manifestation de la vérité. Pourvu que le droit soit dit. Et dans cette perspective, il faut espérer que la sérénité affichée par notre confrère sera implacable, afin de confondre Karim Keïta.
SAHO