INCARCERATION DE L’ANCIEN PRESIDENT BRESILIEN : On s’en moque au Gondwana !
Un hélicoptère se posant, dans la nuit de samedi à dimanche, sur le toit du siège de la police fédérale de Curitiba, la capitale de la lutte anticorruption, avec à son bord, Luiz Inácio Lula da Silva. Tenez-vous bien ! Ce n’est pas pour inaugurer des chrysanthèmes. Cet hélico y a transporté, certes l’ancien président du Brésil, mais sous un autre statut, celui de « prisonnier ». C’est bien Lula, celui-là qui a dirigé la 6e puissance économique mondiale de 2003 à 2010 qui, rattrapé par la Justice pour corruption et blanchiment d’argent, se retrouve désormais au mitard : un ex-président, qui plus est donné comme grand favori à la prochaine présidentielle qui a lieu dans six mois. Il doit purger une condamnation de douze ans et un mois. Malgré la résistance de ses nombreux soutiens au sein des populations et dans des milieux syndicaux où il a fait ses armes, cet ancien cireur de chaussures qui avait ébloui le monde par son ascension à la magistrature suprême, a décidé de se « conformer au mandat de dépôt », après avoir épuisé toutes les voies de recours. Ça se passe au Brésil. Un ancien président qui affronte la Justice pour sa gouvernance et qui se soumet à l’autorité de la chose jugée. Alors, question : quand verra-t-on cela en Afrique ? En effet, sous nos cieux, ils sont peu les chefs d’Etat qui auraient même la force d’imaginer un scénario comme celui de Lula, c’est-à-dire quitter le palais présidentiel pour se retrouver au cachot. Pas qu’ils auraient mieux fait que cet ouvrier métallurgiste, en terme de bonne gouvernance, dont le péché a été d’avoir accepté un luxueux appartement en bord de mer offert par une entreprise de BTP. Mais, ils n’entendent même pas donner cette occasion de rendre un jour compte de leur gestion. Et la stratégie est toute trouvée : taillader leur Constitution pour s’offrir des pouvoirs à vie ou à défaut pour les transmettre à leurs hommes-liges qui devront alors servir de boucliers au cas où.
Sur ce continent, la Justice n’a pas toujours les coudées franches
Pour éviter tout risque de subir un jour le sort de l’ancien président brésilien, les dictateurs ont trouvé un antidote puissant : s’accrocher au pouvoir jusqu’à ce que Dame nature les contraigne à le quitter autrement. C’est fort de cet état d’esprit qu’ils mettent un point d’honneur à tailler les Constitutions à leur mesure et à se faire accompagner par des Raspoutine. Et les exemples sont légion au Gondwana. Du Congolais Denis Sassou Nguesso à l’autre Congolais Joseph Kabila, en passant par le Gabonais Ali Bongo, le Tchadien Idriss Déby, l’Equato-Guinéen Teodoro Obiang Nguema, le Camerounais Paul Biya, le Burundais Pierre Nkurunziza qui vient de se faire élever au rang de «Guide suprême éternel» par le parti au pouvoir, etc. Eu égard aux réformes institutionnelles auxquelles ils s’emploient, tout porte à croire que leurs velléités de verrouiller l’alternance, visent à se mettre aussi à l’abri de la Justice de leurs pays respectifs. C’est dire s’ils se moquent de ce qui arrive à Lula le Brésilien. Nombre d’anciens chefs d’Etat, hormis le cas exceptionnel du Sud-Africain Jacob Zuma, préfèrent prendre le chemin de l’exil si on ne leur trouve pas une porte de sortie sans emmerdes judiciaires. A quand donc l’Afrique ? Un ancien président comme Lula, malgré le fait de pouvoir réaliser le « miracle brésilien » en réussissant à imposer son pays sur la scène mondiale tout en réduisant les inégalités sociales, s’est mis dans une posture de justiciable comme tout autre Brésilien. En Afrique, il ne fait pas rêver. D’autant que sur ce continent, la Justice n’a pas toujours les coudées franches.
Drissa TRAORE