PREMIER SACRE DU SENEGAL A LA COUPE D’AFRIQUE DES NATIONS: Les Lions marquent enfin leur territoire
Après quatre semaines d’une Coupe d’Afrique des nations (CAN) dispersée dans quatre villes du Cameroun, l’on a eu droit hier à une affiche de rêve, pour clôturer en apothéose cette 23è édition. Face à face, il y avait sur la pelouse du stade flambant neuf d’Olembé, les Pharaons du Nil, qui ont dézingué toutes les équipes qui se sont présentées devant eux lors des précédents matchs, et les Lions de la Teranga, impressionnants de maturité et de décontraction depuis le début du second tour de la compétition. L’Egypte, menée par un trio de feu composé de Salah, Trezeguet et Marmoush voulait étreindre sa huitième couronne continentale, alors que le Sénégal, qui possède aussi de solides arguments offensifs avec trois gros porteurs de ballon que sont Mané, Kéita, Dieng et Sarr, espérait enfin mettre la main sur le trophée, après deux finales perdues en 2002 et en 2019. Une rencontre extrêmement serrée entre deux équipes qui savent verrouiller collectivement le jeu, qui a vu la vague sénégalaise déborder régulièrement des Pharaons étonnamment au top sur le plan physique, malgré les trois prolongations jouées en moins de deux semaines. Mais s’ils ont dominé les débats pendant les trois quarts du match avec une rare technicité, les Lions se sont à chaque fois cassés les dents devant le gardien voltigeur de l’Egypte, Mohamed Abou Gabal. L’excellent portier du Zamalek du Caire avait annoncé les couleurs dès la 4è minute, en arrêtant le penalty accordé au Sénégal et puissamment tiré par le virevoltant Sadio Mané. Dès lors, le match s’emballe et aux déboulés de Mohamed Salah répond Bouna Sarr avec ses dribles chaloupés, mais aucune équipe ne trouvera la faille jusqu’à la fin des 90 minutes. Pendant les prolongations de deux fois trente minutes, les hommes d’Aliou Cissé vont tenter le tout pour le tout sans réussite, face à la « Grande Muraille » d’Egypte, formée par des colosses comme Mahmoud Hamdy, Mohamed Abdel Monem et bien évidemment, l’invincible Mohamed Abou Gabal. Il a fallu attendre les redoutables tirs au but et le dernier coup de patte de Sadio Mané pour voir les Lions de la Teranga briser enfin le plafond de verre, en remportant pour la première fois le trophée continental. Une victoire historique célébrée avec des effusions de joie à Dakar bien évidemment, à Zinguinchor, Kaolak, Thiès, Sanit-Louis, Tambacounda et partout au Sénégal, en attendant le retour triomphal dans les prochaines heures des enfants prodiges et la marée humaine qui va déferler dans les rues de Dakar pour les accueillir. Le président Macky Sall s’est déjà fendu d’un message de félicitations, et on imagine qu’il ouvrira largement les portes de son palais pour faire la fête au rythme du Mbalax, du Yelaa ou de la Kora, avec ses invités d’un soir.
Cet arbre de la satisfaction ne doit pas évidemment cacher la forêt de déceptions…
Tout est donc bien qui finit bien pour le Sénégal, mais aussi pour le pays organisateur qui avait des appréhensions par rapport au déroulement de l’événement, notamment en cette période de crise sécuritaire et sanitaire. S’il y a eu plus de peur que de mal, on ne peut s’empêcher de regretter ce drame survenu au stade Olembé en amont du huitième de finale entre le Cameroun et les Comores, dont le bilan est de huit morts et des dizaines de blessés. Par ailleurs, Cameroun 2021 aura aussi suscité beaucoup de controverse, notamment avec les tests du Covid19 dont on ne finira pas de parler de sitôt, et les décisions arbitrales déroutantes comme au cours du match Tunisie-Mali où l’arbitre a de manière rocambolesque sifflé deux fois la fin du match avant le temps imparti. On n’oubliera pas non plus ces cartons rouges distribués à la pelle, ni les pelouses déjà en ruines des stades pourtant flambant neufs, ou encore les incroyables ratés sur l’hymne national de la Mauritanie. Mais du point de vue du niveau de jeu et de la qualité des équipes, même si cette CAN n’a pas été particulièrement prolifique en buts, on peut se réjouir des prestations majuscules des petits poucets et novices comme la Gambie et les Comores, qui ont donné à leurs supporters des choses intéressantes à raconter sur plusieurs générations, en se qualifiant pour le second tour alors qu’ils participent pour la première fois à cette compétition. Cela dit, cet arbre de la satisfaction ne doit pas évidemment cacher la forêt de déceptions enregistrées notamment chez certaines équipes considérées comme les meilleures du continent, qui ont précocement et piteusement été éliminées souvent par des adversaires sans expérience et sans étoffe. On pense là bien sûr à l’Algérie qui avait remporté la coupe en 2019, mais aussi à la Côte d’Ivoire, au Nigéria et au Maroc qui sont tous des habitués et vainqueurs de la compétition. On espère qu’ils se remettront vite de cet échec pour le bonheur du football africain, car parmi eux il y en a qui iront peut-être en coupe du monde en juin prochain pour représenter tout le continent, sans oublier que la prochaine CAN, c’est dans un an et demi, en terre d’Eburnie. Le football étant un jeu et un diffuseur de joie, on ne souhaiterait plus en effet revivre de sitôt des scènes émouvantes sur les pelouses après les matchs, à moins qu’elles ne soient comme celles du gardien de but sierra-léonais Mohamed Camara, qui a versé des torrents de larmes quand il a été élu homme du match face à la grande Algérie, ou de l’ivoirien Max Alain-Gradel qui s’est étranglé d’émotion quand il a marqué le but victorieux contre la Guinée Equatoriale, quelque temps après l’annonce du décès de son père. On va croiser les doigts et restés optimistes, tout en sachant que les sélections africaines sont capables plus du pire que du meilleur, à l’image des Etalons du Burkina Faso qui se sont fait humiliés par le Cameroun samedi dernier, au cours d’une rencontre qui passera certainement à la postérité.
Hamadou GADIAGA