OPERATION WUAMBUSHU A MAYOTTE : Un compromis est-il possible entre Moroni et Paris ?
L’évacuation de bidonvilles à Mayotte, dans l’océan indien, baptisée ‘’opération Wuambushu’’, continue de faire des grincements de dents. Bien que suspendue le 25 avril 2023, par la Justice qui a constaté « l’existence d’une voie de fait », relative aux conditions d’expulsion jugées « irrégulières » par les personnes concernées, les Comores appellent à l’annulation pure et simple de l’opération lancée par la France. Le ministre comorien de l’Intérieur, Fakridine Mahamoud, qui dénonce l’unilatéralisme de la France dans la conduite de l’opération, a été on ne peut plus clair. « Aucun expulsé ne rentrera dans un port sous souveraineté comorienne ». Et pour joindre l’acte à la parole, les autorités comoriennes ont refusé, le 24 avril dernier, l’accostage d’un bateau transportant des migrants en provenance de Mayotte. C’est dire si l’opération a pris du plomb dans l’aile. Or, les tractations menées la semaine dernière, avaient laissé entrevoir la possibilité d’un accord entre les deux pays. Mais l’évolution du dossier laisse croire que ce n’est pas demain la veille que les deux parties accorderont leurs violons. On est d’autant plus perplexe que les Comores disent n’avoir pas les moyens pour accueillir un flux de migrants. Pourtant, la France qui a déployé 1800 policiers et gendarmes sur le terrain, semble déterminée à mener l’opération. Et sa détermination est d’autant plus claire que l’objectif est de lutter contre l’immigration illégale, la délinquance et l’habitat insalubre dans son département d’outre-mer qu’est Mayotte. Un compromis est-il possible entre Moroni et Paris ? Les jours à venir nous le diront.
Paris aurait tort d’opérer un passage en force
Mais une chose est évidente, les Comores et la France ont des intérêts communs à défendre. C’est d’autant plus vrai que les Comores ont signé, en 2019, un accord pour coopérer avec la France sur les questions d’immigration. Ce qui, en échange, lui a permis de bénéficier d’une aide au développement de 150 millions d’euros.
Cela dit, il convient de saluer l’esprit républicain dont a fait preuve la France en se soumettant à la décision du tribunal judiciaire de Mamoudzou qui a suspendu l’opération Wuambushu. Sous d’autres cieux, on aurait foulé au pied cette décision de justice. Preuve, s’il en est, que l’Hexagone se montre favorable au dialogue. C’est dire si les deux parties devraient pouvoir parvenir à un accord. Moroni a d’autant plus intérêt à œuvrer pour un dénouement heureux de la situation qu’elle ne peut contraindre Paris ni par la force, ni par influence, bien que le président Azali Assoumani soit président en exercice de l’Union africaine. Au-delà, il s’agit, pour les Comores, de ne pas fermer la porte à ses propres ressortissants en situation irrégulière puisque parmi les nombreux migrants, se trouvent des Comoriens d’origine. En fait, tout porte à croire que le bras de fer entre Moroni et Paris est plutôt lié à la vieille querelle qui les oppose au sujet du rattachement de Mayotte à la France. En vérité, les Comores n’ont jamais digéré le fait que les Mahorais aient décidé de se séparer d’eux depuis 1974 et de reconnaître, en 2011, la souveraineté de la France sur l’île. Cette affaire, on le sait, empoisonne les relations entre les deux pays. Toutefois, la France doit faire preuve d’humanisme en se gardant d’expulser par la force, ces habitants de bidonvilles dont certains ne demandent qu’à vivre en paix. En tout cas, Paris aurait tort d’opérer un passage en force malgré l’opposition des mouvements de droits de l’Homme et des associations de droit au logement. Plutôt que de contribuer à apaiser les tensions dans ce petit archipel de l’océan indien, cela renforcerait à coup sûr, la fracture sociale déjà béante.
Dabadi ZOUMBARA