INVESTITURE DE GBAGBO PAR LE PPA-CI POUR LA PRESIDENTIELLE DE 2025 : Le tout n’est pas d’être candidat…
Après avoir été désigné porte-étendard du parti par le Comité central quelques semaines plus tôt, c’est ce 10 mai 2024 que l’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo, sera formellement et solennellement investi par le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), comme son candidat à la présidentielle de 2025. Et ce, à la faveur d’une convention qui se tient dans la capitale économique ivoirienne et qui verra la participation de pas moins de 2000 délégués venus des quatre coins du pays. Le moins que l’on puisse dire, c’est que quelque trois ans après son retour au bercail dans les conditions que l’on sait, l’ex-prisonnier de La Haye est loin de renoncer au combat politique pour la reconquête du pouvoir. Et si pour bien de ses partisans, Laurent Gbagbo apparaît comme le « candidat naturel » de son parti à la présidentielle à venir, il reste que cette candidature à la candidature est loin d’être gagnée d’avance. Car, entre sa radiation des listes électorales et l’épée de Damoclès de la Justice toujours suspendue sur sa tête suite à sa condamnation à 20 ans de prison dans l’affaire du casse de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), le chemin du retour du Christ de Mama au palais de Cocody est tellement parsemé d’embûches que l’on se demande à quoi répond cette investiture.
Une éventuelle candidature du président Alassane Dramane à un quatrième mandat n’est pas à exclure
C’est dire si le tout n’est pas d’avoir l’onction de ses partisans pour la course à la magistrature suprême. Encore faudrait-il pouvoir prendre le départ. Et de cela, Laurent Gbagbo sait qu’il est encore loin et qu’en l’état actuel des choses, il ne remplit pas les conditions pour valider sa candidature à la présidentielle à venir. C’est pourquoi cette façon, pour le Woody, de répondre favorablement à l’appel de ses partisans, ne paraît pas anodine. Et l’on se demande si sa stratégie visant à mettre les gens devant le fait accompli, si ce n’est à exercer une certaine pression sur le pouvoir, sera payante. La question est d’autant plus fondée qu’au regard de la situation actuelle, la réhabilitation du leader de l’opposition ivoirienne ne semble pouvoir se faire que dans le cadre d’un compromis politique. Et sachant qu’une éventuelle candidature du président Alassane Dramane Ouattara (ADO) à un quatrième mandat n’est pas à exclure même si elle pourrait faire des vagues, on se demande si le leader du PPA-CI n’est pas dans l’anticipation dans l’espoir de se réinsérer dans le jeu électoral à la faveur d’un hypothétique dialogue de marchandage politique qui verrait l’ouverture de la compétition électorale à tous les prétendants. C’est dire si cette investiture de Laurent Gbagbo par son parti, pourrait en appeler d’autres comme celle de Charles Blé Goudé qui ne cache pas son ambition de briguer la magistrature suprême, au-delà de celle du président ADO qui a toujours conditionné son retrait à celui de ses deux principaux rivaux qu’étaient feu l’ex-président Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo.
Avec cette investiture de Laurent Gbagbo, la Côte d’Ivoire n’est pas encore sortie de l’auberge
Et aujourd’hui que le fondateur du Front populaire ivoirien (FPI) manifeste à nouveau des velléités de retour au pouvoir, tout porte à croire qu’au-delà du débat juridique que ne manquera pas de susciter la question, la Côte d’Ivoire est partie pour vivre les mêmes tiraillements sociopolitiques qui ont causé son malheur, il n’y a pas si longtemps. Attention donc au retour des vieux démons ! Car, la Côte d’Ivoire revient de loin et doit savoir tirer leçon de son passé récent dans un contexte où les plaies de la crise postélectorale de 2010-2011 peinent encore à cicatriser. C’est pourquoi, sans dénier à Laurent Gbagbo quelque droit que ce soit, on se demande si son investiture à la présidentielle de 2025 est un choix judicieux. D’autant que la bérézina de son parti aux élections locales et sénatoriales de septembre dernier, n’augure rien de bon face au rouleau compresseur du Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) d’Alassane Dramane Ouattara, qui a tout écrasé sur son chemin. A moins que cette investiture ne réponde d’une autre stratégie dont Laurent Gbagbo et ses partisans ont seuls le secret. En tout état de cause, après la réélection contestée, en 2020, du président ADO pour son troisième mandat dans les conditions de tensions que l’on sait, et la disparition de Henri Konan Bédié, l’on avait espéré que l’heure du passage de témoin générationnel était venue en Côte d’Ivoire pour apaiser les tensions sociopolitiques dans un pays qui peine à se remettre de la profonde déchirure de la crise des années 2010. Mais avec cette investiture de Laurent Gbagbo, tout porte à croire que la Côte d’Ivoire n’est pas encore sortie de l’auberge, avec les appels des partisans d’ADO à une nouvelle candidature de l’enfant de Kong. A quoi tout cela va-t-il aboutir ? On attend de voir.
« Le Pays »