VISITE DE BRICE OLIGUI NGUEMA A PARIS : Quand l’Elysée déroule le tapis rouge à un putschiste
Il a été le bienvenu à Paris et à l’occasion, les autorités françaises lui ont déroulé le tapis rouge. Lui, c’est le Général Brice Clotaire Oligui Nguema, le président de la transition gabonaise qui a effectué du 28 mai au 2 juin 2024, sa première visite officielle en France où il a été reçu par le président français, Emmanuel Macron. Au menu du tête-à-tête avec le patron de l’Elysée, les relations bilatérales, la transition en cours au Gabon et d’autres sujets d’intérêts communs. A côté, s’est tenu un forum économique avec les hommes d’affaires français, visant à présenter les opportunités contenues dans le plan national de transition. C’est dire si au-delà des questions diplomatiques, c’est à une véritable opération de charme que répondait cette visite de l’homme fort de Libreville en terre française. Une visite qui n’a pas manqué d’intérêt d’autant qu’elle est intervenue dans un contexte où la France est en perte de vitesse et d’influence sur le continent noir où le sentiment anti-français a connu une montée vertigineuse, ces dernières années, sur fond de retour en force des coups d’Etat dans ce qui passait pour être son pré-carré en Afrique. Toujours est-il que de Bamako à Niamey en passant par Ouagadougou, Paris est en délicatesse avec les régimes militaires en place qui en sont arrivés à demander et obtenir le départ des troupes françaises dans les conditions que l’on sait.
Le deux poids deux mesures de la France, dans ses relations avec les régimes militaires en Afrique
C’est pourquoi ce rapprochement de la junte gabonaise avec le régime de Macron, revêt un enjeu particulier. D’abord, pour les autorités intérimaires de Libreville en quête de reconnaissance internationale et de soutiens politiques. Ensuite, pour l’ancienne puissance coloniale qui trouve dans cette visite du Général-président gabonais en terre française, une occasion de renforcement des relations avec une ancienne colonie qui abrite, du reste, l’une des bases françaises sur le continent noir. Et ce, au moment où d’autres pays africains, surtout en transition, tendent à prendre des distances mesurées avec Paris. C’est dire si la visite du président de la transition gabonaise en France, a de quoi réjouir à plus d’un titre, les deux parties. Comment peut-il en être autrement quand on voit l’aménité dont la France a fait preuve vis-à-vis des tombeurs d’Ali Bongo dont elle a à peine condamné le coup de force, alors que quelques mois plus tôt, elle était prête à donner un coup de main à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour déloger militairement du palais présidentiel les tombeurs de l’ex-président nigérien, Mohamed Bazoum, afin de réinstaller ce dernier dans son fauteuil ? C’est dire le deux poids deux mesures de la France, dans ses relations avec les régimes militaires qui ont pris le pouvoir dans ses anciennes colonies en Afrique. C’est dire aussi si au-delà de toutes considérations, le port du treillis n’est pas rédhibitoire à l’admission à l’Elysée même si en la matière, Paris semble faire le distinguo entre putschistes fréquentables et putschistes non fréquentables. De quoi se convaincre que seuls les intérêts guident les Nations.
Le Gabon a toujours été un partenaire sûr et stratégique pour la France en Afrique
Du reste, ce n’est pas la première fois qu’un président africain, arrivé au pouvoir par des voies anticonstitutionnelles, est reçu à bras ouverts à l’Elysée. Ce fut le cas de l’ex-président de la transition tchadienne, le Général Mahamat Idriss Deby Itno, reçu successivement en juillet 2021 et en octobre 2023. En tout état de cause, en plus d’un demi-siècle de dynastie Bongo, le Gabon a toujours été un partenaire sûr et stratégique pour la France en Afrique. Et avec cette visite du successeur d’Ali Bongo en France, c’est l’axe Paris-Libreville qui se renforce. Au grand bonheur des dirigeants des deux Etats qui ne sont pas loin de trouver leur intérêt dans une relation qui résiste au temps et aux vicissitudes de l’histoire. Ceci étant, l’autre question que l’on peut se poser, est de savoir si la visite du président de la transition gabonaise en France, aura un impact sur l’adhésion du Gabon au Commonwealth, après que les relations diplomatiques entre Libreville et Paris se sont quelque peu détériorées sous l’ex-président Ali Bongo qui avait fait ce choix de rapprochement avec la communauté anglophone. L’histoire sans doute le dira. En attendant, quels que soient ses choix et ses objectifs, il appartient au Général Nguema de se montrer en phase avec son peuple et de s’en tenir aux gages qu’il lui a donnés : ceux de défendre ses intérêts en tout lieu et en toutes circonstances. C’est ce qui fait la gloire des Hommes d’Etat.
« Le Pays »