HomeA la uneRESTITUTION DES DEPOUILLES DE VICTIMES DE LA CRISE DE 2011 A LEURS FAMILLES, EN RCI : A pas forcés vers la réconciliation  

RESTITUTION DES DEPOUILLES DE VICTIMES DE LA CRISE DE 2011 A LEURS FAMILLES, EN RCI : A pas forcés vers la réconciliation  


Quatorze! C’est le nombre de corps et de restes humains de victimes de la crise postélectorale de 2011 qui ont été rendus à leurs familles respectives, le 5 juin dernier, à Abidjan en Côte d’Ivoire. Ces corps avaient été exhumés en 2015, pour les besoins des enquêtes sur les différents affrontements qui s’étaient produits lors de cette crise qui avait fait, selon les chiffres officiels, près de trois mille morts. On se rappelle qu’une cérémonie similaire au cours de laquelle 47 corps  et de restes humains de victimes de cette crise avait été rendus à leurs familles, avait eu lieu le 8 mars 2024. Elle concernait les localités de Guiglo, Blolequin et Toulepleu, dans l’Ouest du pays, qui avaient été le théâtre de violents affrontements. Un acte qui entre dans le cadre de la réconciliation nationale dont le président Alassane Dramane Ouattara (ADO) semble avoir fait son cheval de bataille pour rectifier le tir de son premier mandat qui l’a vu essuyer de nombreuses critiques dans ce sens. Depuis lors, le chef de l’Etat ivoirien multiplie les gestes de bonne volonté à travers des actes qui se veulent de bonne foi, pour tenter de rabibocher les Ivoiriens avec eux-mêmes et avec leur histoire récente faite de déchirures et de meurtrissures qui peinent encore à se cicatriser.

 

La cérémonie de restitution de ces restes devrait permettre aux habitants de ces localités, de « faire le deuil » de leurs proches

 

  C’est dans ce sens qu’il a facilité, en juin 2021, le retour au bercail de l’ex-président Laurent Gbagbo, son rival de la fameuse crise électorale de 2011, après que ce dernier a été acquitté par la Cour pénale internationale (CPI) où il avait été extradé dix ans plus tôt pour y être jugé. Il en est de même de nombreuses autres figures emblématiques de l’ex-parti au pouvoir, le Front populaire ivoirien (FPI), qui étaient autant de proches et de soutiens du Christ de Mama, que d’exilés politiques dont il a facilité le retour au bercail, dans le cadre de sa politique de rapprochement des Ivoiriens. Le dernier en date et le plus emblématique est Charles Blé Goudé, le truculent ex-ministre de la Jeunesse de Laurent Gbagbo, connu pour son rôle dans la crise et qui a été acquitté en même temps que son mentor dans le procès de La Haye. Ce dernier semble aujourd’hui décidé à rompre avec sa détestable image de « Général de la rue » qui a fait sa triste renommée, à travers des appels à la cohésion sociale depuis son retour au pays natal en novembre dernier. Et la cérémonie de restitution de ces restes devrait permettre aux habitants de ces localités en général et à leurs familles en particulier, de « faire le deuil » de leurs proches, selon les termes mêmes du porte-parole du gouvernement. Autant dire que la Côte d’Ivoire est engagée à pas forcés vers la réconciliation nationale. On est d’autant plus fondé à le croire que depuis un moment, les autorités ivoiriennes n’ont non seulement d’autre discours que celui de la réconciliation nationale sur les lèvres, mais aussi, concernant ces tueries, elles se sont engagées dans un processus de dédommagement des familles des victimes à travers différents programmes dont certains ont déjà connu un début d’exécution.

 

Il appartient aux Ivoiriens de se regarder dans la glace

 

Seulement, dans le cas d’espèce des victimes des massacres de ces trois localités de l’Ouest du pays, le fait de ne pas communiquer les rapports d’autopsie aux familles des victimes, peut paraître comme une fausse note qui ne manque pas d’interroger. Surtout si le processus devait reposer sur le principe du triptyque qui prendrait aussi en compte la vérité et la justice, même si l’on peut regretter que jusque-là, les poursuites n’aient été engagées que dans un seul camp, celui des vaincus. Et que plus de dix ans après les faits, les partisans d’ADO qui sont pourtant aussi comptables des trois mille morts de cette crise, n’aient pas été inquiétés.  Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que la cérémonie du 5 juin dernier marque une volonté des autorités ivoiriennes, de tourner la page de cette sombre histoire de leur pays. Et rien ne dit que le fait de tenir au secret, les résultats des autopsies des corps, ne procède pas d’une volonté de ne pas retourner le couteau dans la plaie encore moins de réveiller les vieux démons. En tout état de cause, il appartient aux Ivoiriens de se regarder dans la glace et de tout mettre en œuvre pour tirer les leçons d’une crise qui a sérieusement ébranlé les fondements de la cohésion sociale au pays d’Houphouët Boigny. La Côte d’Ivoire n’a pas besoin de revivre cela. C’est le seul défi qui mérite aujourd’hui d’être relevé par l’ensemble du peuple ivoirien.

 

« Le Pays » 

 


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