APPEL A UNE JOURNEE VILLE MORTE EN GUINEE : Il en faut plus pour faire plier Doumbouya
L’éruption tant redoutée du volcan, est-elle sur le point de s’opérer ? Sans jouer les Cassandre, c’est la question que de nombreux observateurs de la scène politique guinéenne, connue pour être l’une des plus incandescentes d’Afrique, se posent après l’appel lancé par les principaux partis d’opposition et des organisations de la société civile. En effet, dans un communiqué rendu public, mardi dernier, les Forces vives de Guinée (FVG) « demandent aux citoyens d’observer une ville morte le 12 août de 6h à 18h (locales et GMT) dans toute la capitale et ses environs ». Dans ledit communiqué, le collectif annonce également son intention de reprendre incessamment les manifestations sur l’ensemble du territoire national, sans toutefois donner de date précise. C’est dire si la météo politique au pays de Sékou Touré annonce de violents orages dans les jours à venir. Et à vrai dire, les signes précurseurs de cette tempête au-dessus de Conakry, étaient déjà bien perceptibles.
On se souvient, en effet, qu’il y a moins d’un mois, soit précisément le 16 juillet dernier, les avocats avaient déserté les prétoires dans la capitale et dans les autres juridictions du pays pour « protester contre les arrestations arbitraires et autres kidnappings suivis de détentions au secret, de citoyens guinéens ».
Si l’homme renâcle à organiser les élections, c’est bien parce qu’il entend conserver le pouvoir
Ce trop-plein de vase du Barreau était consécutif à l’arrestation, le 9 juillet, de deux responsables d’un mouvement citoyen réclamant le retour des civils au pouvoir, Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah. L’arrestation des deux leaders de la société civile n’était, il faut le rappeler, que la dernière manifestation de ce que l’on dénonce comme étant le mode de gouvernance du Général Mamadi Doumbouya. En effet, le pouvoir kaki en Guinée réprime toute voix discordante, surtout si elle tend à mobiliser les citoyens pour un retour des civils au pouvoir. Toutes les forces organisées dans le pays en ont fait les frais. C’est cette chape de plomb qui rappelle les heures sombres de la dictature de Sékou Touré avec ses sinistres camps de détention comme le camp Boiro, qui menace à nouveau de faire exploser la cocotte-minute avec l’entrée annoncée dans la danse, des FVG qui ne font que reprendre le flambeau de la lutte que les hommes en robe noire menaient par procuration. Toutefois, le collectif, dans ses revendications, va plus loin que la question des atteintes aux libertés individuelles et collectives pour exiger le retour des civils au pouvoir avec comme date buttoir, le 31 décembre, fin présumée de la période de transition. La question que l’on peut se poser, est la suivante : les manifs annoncées feront-elles fléchir Doumbouya ?
On peut en douter, car si l’homme renâcle à organiser les élections, c’est bien parce qu’il entend conserver le pouvoir au-delà du délai imparti à la transition alors que, contrairement aux États de l’Alliance du Sahel qui luttent contre des groupes armés terroristes (GAT), aucun péril sécuritaire ne plane sur l’organisation et la tenue des élections en Guinée.
Les regards sont désormais tournés vers la CEDEAO et son médiateur
Il n’y a plus de doute que l’on s’achemine donc vers le scenario préétabli et bien connu sous les tropiques des officiers balayeurs de maison qui finissent par y déposer armes et bagages. Mais l’on peut se demander si ce scenario s’adapte à la scène guinéenne. Il y a lieu d’en douter et cela, pour deux raisons principales. La première est que la classe politique guinéenne et le peuple guinéen qui se sont forgé un mental d’acier dans les luttes contre les régimes qui se sont succédé à la tête de l’État, ne s’avouent jamais vaincus. Même si cette témérité a parfois été payée au prix fort comme ce fut le cas le 28 septembre 2009 au Stade de Conakry. Toutefois, il faut attendre de voir si les Guinéens tiendront cette réputation en répondant à l’appel à la ville morte des FVG. La seconde raison est l’histoire récente du pays où le capitaine Dadis Camara et ses compagnons d’armes dont le procès vient de connaitre son épilogue avec de lourdes condamnations, ont fini par rendre compte de leurs crimes contre les Guinéens. Et cela devrait servir de leçon à Doumbouya qui aurait tort de penser que cela n’arrive qu’aux autres. Mais comme le dit Aldous Huxley, « le fait que les hommes tirent peu de profit des leçons de l’Histoire, est la leçon la plus importante que l’Histoire nous enseigne ». Qui donc pour empêcher le pire en Guinée ? Les regards sont désormais tournés vers la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et son médiateur désigné qu’est Yayi Boni. Mais que peut réellement l’organisation sous- régionale ? Il faut le dire, la voix de CEDEAO se fait de moins en moins entendre en raison de ce qui se passe au Sahel. Si bien que dans la crise guinéenne, elle donne l’impression de marcher sur des œufs ; consciente que tout excès pourrait pousser la Guinée à emboîter le pas aux pays de l’AES.
« Le Pays »