REFERENDUM CONSTITUTIONNEL AU PAYS DU GENERAL OLIGUI NGUEMA : Le salut du Gabon passera-t-il par un régime hyper- présidentiel ?
Ce 16 novembre 2024 est jour de référendum au Gabon où environ huit cent mille électeurs sont appelés aux urnes pour se prononcer sur le projet de nouvelle Constitution proposé par le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), du Général Brice Clotaire Oligui Nguema, quelque dix-sept mois après le renversement d’Ali Bongo par un coup d’Etat. Une consultation populaire pour l’adoption d’une nouvelle loi fondamentale, qui marque une étape importante dans le retour à l’ordre constitutionnel et qui est censée d’autant plus tourner la page des 56 ans de règne du clan Bongo que les enjeux résident dans le type de régime proposé par les militaires au pouvoir à Libreville. Un régime hyper-présidentiel qui verra, entre autres, la suppression du poste de Premier ministre, avec pour conséquence, la concentration de l’essentiel des pouvoirs entre les mains du chef de l’Etat. L’autre changement majeur est la durée du mandat présidentiel qui passe de cinq à sept ans et est renouvelable une seule fois. Des réformes qui vont dans le sens de la refondation du pays et des institutions et qui visent à donner une nouvelle orientation à la Nation qui se remet péniblement du long règne de la dynastie Bongo. La question qui se pose est de savoir si le salut du Gabon passera par un régime hyper- présidentiel. La question est d’autant plus importante que le refondateur en chef qu’est le président de la Transition, le Général Oligui Nguema, est juge et partie dans cette révision constitutionnelle censée mettre le pays sur la ligne d’un nouveau départ. En ce sens qu’aux termes de la Charte de la transition, le nouvel homme fort du pays depuis le 30 août 2023, est éligible comme président de la République ; ce qui est impossible pour les tous autres dirigeants de la transition. Une exception qui est loin d’être un détail, et qui convainc plus d’un que dès le départ, le tombeur d’Ali Bongo a balisé le terrain pour mieux légitimer son pouvoir à la fin de la transition. C’est pourquoi d’aucuns voient déjà dans ces réformes constitutionnelles, un costume taillé à la mesure du Général putschiste. Et, au regard de la campagne où les opposants à la nouvelle loi fondamentale ont eu de la peine à se faire entendre, tout porte à croire que tout est mis en œuvre pour que le « Oui » l’emporte au soir du scrutin référendaire du 16 novembre. Ce qui mettrait le chef de la junte au pouvoir à Libreville, dans une position confortable pour afficher ses intentions au moment opportun. Et cela d’autant plus que sa candidature pour les élections de fin de transition devant signer le retour du pays à l’ordre constitutionnel, semble moins une éventualité qu’une question de temps. C’est dire si en se maintenant dans le jeu électoral, le Général cherche à rester au pouvoir. Et cela contribue d’autant plus à biaiser le jeu qu’il y a des raisons de croire que cet ancien homme du sérail des Bongo n’a pas fait son coup d’Etat pour installer quelqu’un d’autre au pouvoir. Toujours est-il que cette façon de concentrer davantage les pouvoirs entre les mains d’un seul individu, fût-il le chef de l’Etat, ne manque pas d’interroger dans ce petit pays d’Afrique centrale qui a déjà expérimenté le même type de régime présidentiel sous les Bongo. C’est à se demander si le Général Brice Clotaire Oligui Nguema ne marche pas sur les pas de ses illustres devanciers. Auquel cas, le référendum du 16 novembre ne serait qu’une première étape dans la légitimation d’un pouvoir qui serait parti pour durer entre ses mains. Car, rien ne dit que s’il parvenait à ses fins, l’ex-patron de la garde républicaine d’Ali Bongo ne succomberait pas à la tentation d’un tripatouillage constitutionnel pour prolonger son bail à la tête de l’Etat. En tout état de cause, maintenant que les dés du référendum sont jetés, on attend de voir ce qui sortira des urnes par rapport à cette consultation populaire. Une consultation qui n’a pas que des partisans au Gabon où d’aucuns prônent la séparation des pouvoirs pour assurer un minimum d’équilibre. Ces derniers seront-ils entendus ? Rien n’est moins sûr ; tant le jeu semble déjà fait dans un Gabon où l’ignorance et le manque de culture politique de l’électorat qui se voient un peu partout en Afrique, peuvent constituer un frein à un vote responsable et mûrement réfléchi. Dans ces conditions, il ne reste plus qu’à prier le Ciel pour que l’heureux élu qui héritera de ces pleins pouvoirs, soit habité par la sagesse. Car, le danger de ce genre de régime hyper-présidentiel, est que cela peut conduire à des dérives autocratiques, quand le prince régnant ne se fixe pas de limites.
« Le Pays »