SORTIE POLEMIQUE DU MINISTRE BRUNO RETAILLEAU SUR LA CATASTROPHE A MAYOTTE : Macron pourra-t-il éteindre l’incendie?
Ce sont des propos susceptibles de provoquer une crise diplomatique entre Paris et Moroni dont les relations n’ont pas toujours été amicales. Il s’agit des déclarations du ministre démissionnaire français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, à propos du très délicat sujet de l’immigration clandestine à Mayotte. En effet, quatre jours seulement après le passage destructeur et meurtrier du cyclone Chido dans le 101e département français, qui a fait une trentaine de morts et une quarantaine de blessés, selon un bilan encore provisoire, ce membre du gouvernement dissous, au lieu d’exprimer sa compassion aux Mahorais endeuillés, n’a pas trouvé mieux que de charger les Comores au sujet de l’immigration clandestine à Mayotte. Cette sortie, pour le moins polémique, n’est véritablement pas une surprise; tant l’homme est coutumier du fait. Ce qui est, en revanche, surprenant et incompressible à la limite, c’est le timing de cette sortie. En effet, tenir de tels propos dans un tel contexte où des familles entières meurtries, pleurent toujours leurs morts qu’elles n’ont pas encore enterrés, paraît, pour le moins, inconséquent pour ne pas dire inapproprié.
La voie de l’apaisement est toujours meilleure à celle des guéguerres
Ces propos, au regard du contexte et de leur teneur, donnent l’impression d’imputer la responsabilité de la catastrophe naturelle aux Comores, comme si c’était ce pays qui avait provoqué le cyclone Chido. En tout cas, c’est la conclusion tirée par les autorités de Moroni qui sont entrées dans une colère noire après les propos du ministre démissionnaire de l’Intérieur. Aux Comores, on estime que ce discours est non seulement indigne d’un ministre régalien d’une république comme la République française issue du siècle des Lumières, mais aussi incohérent avec la responsabilité qui est celle de Paris dans la gestion de Mayotte. En tout cas, une chose est certaine. C’est qu’en prenant ainsi à partie les Comores dans des termes diplomatiquement incorrects, sur la question de l’immigration clandestine à Mayotte, le ministre Bruno Retailleau attise le feu dans les relations déjà tendues entre Paris et Moroni. L’eau versée ne pouvant plus être ramassée, la question que l’on se pose est la suivante : le président français, Emmanuel Macron, qui s’est envolé dans la matinée du 19 décembre, pour Mayotte pour constater l’étendue du drame causé par le cyclone Chido, pourra-t-il éteindre l’incendie déclenché par les propos provocateurs de son ministre démissionnaire? Jupiter a plutôt intérêt, pourrait-on dire. Lui dont la gouvernance pour son second quinquennat est rendue difficile par les nombreuses contestations ; en témoigne la dernière censure de son gouvernement par l’Assemblée nationale ; lui qui voit son pays perdre du terrain dans ses anciennes colonies, notamment au Sahel, n’a pas du tout besoin d’une nouvelle crise.
La France ne doit pas se tromper de combat
Toujours est-il que la voie de l’apaisement et de la conciliation des positions est toujours meilleure à celle des guéguerres et de la radicalisation. En tout état de cause, la France ne doit pas se tromper de combat. La solution face au drame de Mayotte réside moins dans des propos belliqueux sur fond d’accusations, que dans la prise de mesures urgentes pour secourir ce peuple plongé dans la détresse. Certes, l’immigration clandestine est un problème réel. Mais tout le malheur des Mahorais ne saurait provenir de ce phénomène que l’Hexagone s’efforce de combattre à travers des mesures musclées et drastiques. Si aujourd’hui, les populations de ce dernier département français, sont au bord du désenchantement, parce que manquant de tout jusqu’aux services sociaux de base, c’est parce que, quelque part, la métropole n’a pas assumé les responsabilités qui sont les siennes. C’est dire si elle gagnerait à investir davantage dans cette région au lieu de faire des Comores, un bouc-émissaire. Pour autant, on ne saurait absoudre à bons comptes Moroni qui ne semble pas assumer son indépendance proclamée et revendiquée à cor et à cri. Si les autorités comoriennes ne veulent pas être accusées par Paris de ‘’déverser leurs déchets’’ sur Mayotte sous le couvert de l’immigration clandestine, elles doivent résolument s’engager à lutter contre ce fléau. En d’autres termes, c’est dans l’entente cordiale et dans la collaboration que les dirigeants des deux pays pourront venir à bout de ce phénomène dont les conséquences dévastatrices ne sont plus à démontrer.
« Le Pays »