HomeA la uneADAMA BADOLO, DGI A PROPOS DE LA FACTURE NORMALISEE : « Nous voulons lutter contre le faux et la fraude »

ADAMA BADOLO, DGI A PROPOS DE LA FACTURE NORMALISEE : « Nous voulons lutter contre le faux et la fraude »


Le monde des affaires et l’Etat burkinabè font de plus en plus face à du faux, à de la contrefaçon. Des fausses factures à des factures falsifiées, les fraudeurs ne manquent pas d’ingéniosité pour arnaquer l’Etat et des entreprises sérieuses. En vue de lutter plus efficacement contre le faux et la fraude, la Direction générale des impôts (DGI) a décidé d’instaurer la facture normalisée. Pour connaître les raisons de l’instauration de ladite facture, les avantages qu’elle offre et les entreprises et personnes qu’elle concerne, nous avons rencontré le Directeur général des impôts (DGI), Adama Badolo, le 23 janvier 2017, en son bureau à Ouagadougou. Et c’est avec  assurance que ce dernier conseille aux entreprises d’accueillir favorablement la facture normalisée, car elle vise à sécuriser leurs opérations en les protégeant contre les faussaires. Lisez plutôt !

 

« Le Pays » : Qu’est-ce que la facture normalisée?

 

Adama Badolo : La facture normalisée est une facture qui respecte les conditions de forme et de fond de l’article 373 du Code des impôts et de la loi sur la concurrence. C’est une facture sur laquelle il y a des mentions obligatoires, notamment l’identité complète de celui qui émet la facture et celle de celui qui achète. Dans l’identité complète, il faut voir les nom,  prénoms, numéro fiscal, numéro du registre du commerce, etc. Cette facture comporte également le détail de tout ce qui est acheté ou vendu. En parlant de facture normalisée, c’est surtout la sécurisation de la facture qui est mise en évidence. Je dois préciser qu’avec la facture normalisée, nous ne changeons pas les factures qui étaient déjà émises ou celles qui respectaient les normes. Ce qui est nouveau, c’est que les factures seront désormais sécurisées par un sticker qui y sera apposé.  Ce sticker est un élément de sécurité qui fait qu’on saura exactement qui a émis la facture, pour quelle entreprise et pour quel acheteur.

 

Pourquoi a-t-on jugé nécessaire d’en arriver là ?

 

Depuis quelque temps dans notre pays, on assiste à une résurgence du faux. Les gens falsifient les documents administratifs, les factures, les quittances, etc. Il y a des secrétariats publics et des faussaires qui sont spécialisés dans cette pratique. En ce qui concerne en particulier les impôts, nous avons remarqué qu’il y a, sur le marché, des factures fictives qui ne représentent aucune opération.

 

« La facture normalisée entrera en vigueur au cours du premier trimestre de 2017 »

 

Il y a des gens qui sont spécialisés dans cette pratique. Ils créent des factures qui ne correspondent à rien. En réalité, ils vendent ces factures qui permettent à des entreprises de déduire des charges, de déduire la TVA qu’elles doivent reverser à l’Etat. Certaines entreprises utilisent l’en-tête d’autres  entreprises qui existent légalement pour faire des factures. Or, quand vous vous rendez dans l’entreprise dont l’en-tête figure sur la facture et que vous lui dites qu’elle a vendu telle ou telle chose à telle personne, elle vous rétorque qu’elle n’est pas au courant. Et cela, parce que des faussaires ont scanné son en-tête pour faire de fausses factures. Donc, il y a du faux, de fausses factures qui circulent, d’où l’importance de sécuriser les factures. Outre cela, les factures normales répondent à des conditions de forme et de fond. Malheureusement, il y a un système illégal de factures. Il n’est pas rare d’entrer dans un magasin et de vous entendre dire : « Vous voulez avec TVA ou sans TVA ?». Cela signifie qu’il y a un système de facturation parallèle. Il y a également bien des commerçants qui ne délivrent pas de factures correctes, mais juste des reçus sur lesquels figurent votre nom et le montant de l’opération réalisée. Cela n’est pas non plus correct. C’est pour lutter contre tout cela, rendre les opérations conformes aux textes, que nous avons décidé d’instituer la facture normalisée.

 

Quels sont les avantages qu’offre la facture normalisée?

 

La facture normalisée offre beaucoup d’avantages. D’abord pour l’Etat, parce qu’elle permet de réduire le faux et la fraude. Et en le faisant, on augmente du même coup, les recettes fiscales. Ensuite, pour les entreprises, la facture normalisée permet de sécuriser leurs opérations. Et pour celles qui sont bien organisées, qui paient correctement leurs impôts, qui ne font pas du faux et de la fraude, quand quelqu’un va rencontrer leur facture quelque part, il saura que c’est leur facture. Il y aura une application qui permettra de vérifier l’authenticité d’une facture à l’aide d’un Smartphone. Il y aura aussi le site web de la DGI qui permettra de vérifier si une facture est authentique ou pas. Autant d’éléments qui permettront de sécuriser les opérations des entreprises. Autre avantage : la facture normalisée permet d’éviter les discussions lors des contrôles fiscaux.  Parfois, il y a des discussions entre les inspecteurs de la DGI et certaines entreprises lors des contrôles fiscaux, parce qu’ils n’arrivent pas à s’entendre sur la nature de certains éléments. L’entreprise peut dire que telle ou telle chose représente une charge alors que le contrôleur n’est pas du même avis. Mais si l’entreprise dit : voici mes charges, et présente des factures sécurisées et authentiques, l’inspecteur des impôts ne va plus douter de leur fiabilité, il va les prendre. Mais si ce n’est pas le cas, il faut que l’inspecteur des impôts aille vérifier auprès de l’entreprise qui l’a facturée si ce qu’elle dit est exact. Donc, en instituant la facture normalisée, il y a un avantage certes pour l’Etat, mais c’est aussi un avantage pour les entreprises.

 

Quelles sont les entreprises et personnes concernées par la facture normalisée?

 

A terme, c’est tout le monde, tous ceux qui vendent. Mais nous irons progressivement.  Dans la première phase, nous allons nous intéresser aux grandes et moyennes entreprises, celles que nous appelons entreprises du réel normal d’imposition, celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions de F CFA hors taxe. Elles comptent 6 000 à 7 000 entreprises. Mais, nous allons, en fonction de notre capacité à administrer la facture normalisée, voir s’il faut l’étendre dès 2018 à tout le monde ou pas.

 

A quand l’entrée en vigueur de la facture normalisée?

 

La facture normalisée entrera en vigueur au cours du premier trimestre de 2017. Les premiers stickers seront mis sur le marché à partir de la mi-février 2017.

 

Certains citoyens se plaignent des longues files d’attente qui les empêchent de payer leurs impôts. Qu’est-ce qui sera fait pour améliorer la situation?

 

Les longues files d’attente au niveau de certains de nos guichets, sont une réalité que nous déplorons. Notre système fiscal est un système déclaratif avec une échéance, date limite de paiement à partir de laquelle il y aura des pénalités. A titre d’exemple, pour la TVA du mois de janvier, les gens ont jusqu’au 20 février prochain, c’est-à-dire du 1er au 20 du mois, pour payer. Mais comme c’est une affaire d’argent, les gens attendent jusqu’au 18, 19 et 20 du mois pour venir payer. Ce qui, naturellement, crée de longues files d’attente. Toutefois, nous en avons pris conscience et pour cette année déjà, nous allons travailler à améliorer cette situation de la façon suivante. D’abord, nous voulons que les gens puissent payer leurs impôts dans n’importe quel service des impôts, comme cela se fait avec les factures d’eau ou d’électricité. Ensuite, nous voulons aussi moderniser notre système de paiement, afin que les gens puissent payer leurs impôts par virement bancaire, et cela a même déjà commencé.

 

« En matière de paiement de l’impôt, il faut reconnaître que les gens ne déclarent pas spontanément leurs impôts »

 

Nous comptons aussi mettre en œuvre le paiement électronique, c’est-à-dire sur Internet. Enfin, notre souhait est de permettre également aux petits contribuables de pouvoir payer leurs impôts par le système de transfert d’argent comme Airtel money, etc. Notre devoir,

c’est d’offrir plusieurs possibilités aux usagers, afin qu’ils ne viennent pas s’aligner pendant plusieurs heures pour payer leurs impôts. Et en 2017, nous allons travailler à trouver des

alternatives pour permettre aux contribuables de payer facilement leurs impôts.

 

Les Burkinabè paient-ils leurs impôts?

 

(Rire…) Les Burkinabè peuvent faire mieux et doivent faire mieux. En matière de paiement de l’impôt, il faut reconnaître que les gens ne déclarent pas spontanément leurs impôts.  Ce faisant, nous avons un effort à faire pour promouvoir le civisme fiscal. Car, payer son impôt, ce n’est pas la chose la mieux partagée au Burkina.  C’est dommage car ailleurs, c’est devenu culturel. Les gens sont conscients que le paiement de l’impôt est une obligation à laquelle ils ne peuvent pas échapper. Mais chez nous, quand quelqu’un réussit à dribler le fisc, au lieu de le dénoncer, on le félicite plutôt.   Alors qu’ailleurs, quand quelqu’un drible le fisc, il a honte, parce que cela voudrait dire qu’il a driblé tous ses compatriotes. Donc, je lance un appel à plus de civisme pour que les gens acceptent de payer l’impôt, car c’est grâce aux efforts des citoyens que des pays se sont développés ou ont émergé.

 

Les Burkinabè se plaignent qu’il y a trop d’impôts. Que leur répondez-vous?

 

C’est une perception, parce qu’en réalité, quand on regarde dans la sous-région ou même dans l’espace CEDEAO, le taux de pression fiscale qui est le volume des impôts collectés sur la richesse nationale, c’est-à-dire sur le Produit intérieur brut (PIB) du Burkina, est l’un des plus faibles. Nous avons un taux qui tourne autour de 16 à 17% alors que dans la sous-région, des pays comme le Ghana, le Nigeria, le Sénégal sont à plus de 20%. Le taux minimum qu’on nous demande dans la sous-région, est de 20%, que nous n’avons pas encore atteint.  Au Burkina, notre fiscalité continue d’être une fiscalité des entreprises. Ce sont elles qui paient les impôts. Même les impôts des particuliers,  comme notre IUTS, sont retenus et payés par les entreprises.  Donc, nous sommes dans un système où les gens ne paient pas réellement l’impôt, mais ils ont cette impression qu’ils paient beaucoup. C’est vrai qu’en plus de l’IUTS, les fonctionnaires paient l’impôt indirect tel que la TVA, en achetant certains articles ou produits comme la bière, le ciment, etc. Ceux qui ont des maisons en location ou donnent des cours moyennant un salaire, paient également l’impôt. C’est ce qui fait qu’on a l’impression qu’on paie beaucoup d’impôts. Par exemple, en France, le système est tout autre. On y a  un impôt général sur le revenu. Donc, en début d’année, chacun déclare tous ses revenus (salaire et petits revenus) et on lui fait payer un impôt sur la base desdits revenus. Mais si on fait cela chez nous, personne ne va payer. C’est pourquoi on est obligé de retenir l’impôt à la source.

 

 Votre mot de fin?

 

Je voudrais dire aux citoyens que la facture normalisée ne vient pas créer de nouvelles charges, mais vise à lutter contre le faux et la fraude, parce que sur le marché, il y a des fausses factures, des factures fictives et parallèles qui circulent, et cela n’est bon ni pour l’Etat ni pour les entreprises. Donc, en amenant la facture normalisée, il ne faut pas que les gens aient peur en pensant qu’on veut leur rendre la vie difficile. Tout le monde doit nous aider à lutter contre les mauvaises pratiques, car la DGI et ses agents, à eux seuls, ne pourront jamais, quelle que soit leur volonté, lutter contre le faux et la fraude. C’est avec la contribution de chacun, notamment la presse pour la sensibilisation, l’information et l’esprit de veille de chaque citoyen, qu’on  pourra lutter contre ces pratiques dommageables. C’est en refusant les factures non normalisées qu’on pourra réussir l’application du nouveau système de facturation qui, s’il est appliqué convenablement, peut nous permettre d’augmenter de façon considérable le budget de l’Etat. Du reste, étant donné que la DGI, la douane et le Trésor sont suffisamment impliqués dans le financement du Plan national de développement économique et social (PNDES), nous devons réussir la mobilisation des ressources, afin de financer à hauteur de 64% ce plan national.

 

Propos recueillis par Dabadi ZOUMBARA

 

 

 

  

 

 

 

 

 

        

 

 

 


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