HomeA la uneADELINE OUATTARA/OUBDA, NUTRITIONNISTE : « Si un enfant ne bénéficie pas d’une alimentation adéquate, son quotient intellectuel peut être affecté »

ADELINE OUATTARA/OUBDA, NUTRITIONNISTE : « Si un enfant ne bénéficie pas d’une alimentation adéquate, son quotient intellectuel peut être affecté »


Combien de personnes au Burkina connaissent les notions de bonnes pratiques alimentaires de la mère et de l’enfant ? Sûrement, elles se comptent sur les bouts des doigts. Cette nouvelle rubrique sur la nutrition créée par « Le Pays », s’intéresse à cette question en interviewant une des nutritionnistes à la Direction de la nutrition, Adeline Ouattara/Oubda. Lisez plutôt !

 

Qu’est-ce que la fenêtre d’opportunité ?

 

La fenêtre d’opportunité est une période allant de la conception à l’âge de 2 ans. Elle constitue une période cruciale dans le développement d’un individu tant sur le plan physique que sur le plan psychique. Si, au cours de cette période, l’enfant ne bénéficie pas d’une alimentation adéquate, cela peut avoir des répercussions néfastes sur lui à court ou moyen terme et pouvant affecter sa taille, sa capacité d’apprentissage, son quotient intellectuel, etc. S’il s’agit d’une fille, cela peut avoir des répercussions sur les enfants qu’elle mettra au monde. Les conséquences néfastes peuvent inclure également des maladies chroniques non transmissibles liées à la nutrition (surpoids, obésité, diabète, hypertension artérielle). Si au cours de cette période par contre, l’enfant est bien alimenté, alors il a beaucoup de chances de se développer correctement jusqu’à l’âge adulte, pour contribuer au développement du pays et du monde.

 

Comment doit être l’alimentation de la femme enceinte ?

 

Une femme enceinte se trouve dans un état physiologique particulier. Ses besoins nutritionnels sont plus élevés que chez une femme non enceinte. En effet, son alimentation doit couvrir ses propres besoins, mais aussi permettre le développent harmonieux de l’enfant qu’elle porte. C’est pourquoi il est recommandé aux femmes enceintes de prendre un repas supplémentaire en plus des 3 repas habituels journaliers. En cas de nausées ou de vomissements, les repas peuvent être fractionnés. L’alimentation doit être équilibrée, variée et suffisante. De façon pratique, chez la femme enceinte on divise les aliments en 10 groupes de référence. Son alimentation journalière doit renfermer des aliments de 5 groupes au moins, selon le tableau 1 ci-dessous. On dira alors qu’elle a une alimentation variée et équilibrée.

Tableau 1 : Groupe d’aliments pour les femmes enceintes et allaitantes

 

Groupe 1   Aliments à base de céréales (mil, riz, maïs, sorgho, fonio, blé…), tubercules (igname, patate, manioc, pomme de terre, taro…)
Groupe 2  Légumineuses (Haricots, pois, lentilles…)
Groupe 3   Noix et graines (sésame, arachide, soja, soumbala, bikalga, beurre de karité…)
Groupe 4   Produits laitiers (lait, yaourt, fromage, beurre…)
Groupe 5  Aliments carnés (viandes, poissons, volailles, foie/abats)
Groupe 6   Œufs
Groupe 7  Feuilles vertes foncées riches en vitamine A (boulvaka, baobab, épinard, kiénebdo, amarante…)
Groupe 8  Autres fruits et légumes riches en vitamine A (tous les fruits et légumes de couleur jaune orange, rouge, vert
Groupe 9  Autres légumes (chou, chou-fleur…)
Groupe 10  Autres fruits

 

En plus de ces aspects alimentaires, il faut :

effectuer les consultations prénatales. Ces visites permettent de suivre l’évolution du fœtus, de déceler précocement d’éventuels problèmes et de les traiter. Un nouveau carnet de santé de la mère et de l’enfant est conçu et remplacera bientôt celui qui est utilisé actuellement. Ce nouveau carnet est un peu plus volumineux  et renferme des informations utiles souvent illustrées par des images ;

– suivre les prescriptions des agents de santé (prise de comprimés de fer acide folique, de comprimés de traitement préventif contre le paludisme…)

Dans notre contexte, les femmes enceintes courent le risque de tomber dans l’anémie, une cause  de décès maternel. C’est pourquoi une supplémentation est préconisée dès l’apparition des mouvements du fœtus. Certaines femmes ont un dégoût pour le fer à cause de son odeur caractéristique.  Elles doivent se dire que c’est un mal nécessaire, vu les conséquences néfastes que la carence en fer peut engendrer ;

– éviter les travaux pénibles, les longs voyages…;

– éviter le port des chaussures hautes ou des hauts talons. En effet, ce type de chaussures peut limiter l’équilibre et provoquer des chutes. En plus de cela, elles peuvent causer des traumatismes à la colonne vertébrale.

 

Quelle alimentation est-elle préconisée pour les enfants de moins de 2 ans ?

 

Pour parler de l’alimentation des enfants de moins de 2 ans, il faut d’abord  aborder la question des moins de 6 mois.

Les enfants de moins de 6 mois doivent être exclusivement nourris au lait maternel. L’allaitement maternel exclusif consiste à ne donner que le lait maternel au bébé. On ne lui donne ni eau ni aucune boisson ou nourriture, sauf en cas de prescription médicale. Il est conseillé d’allaiter l’enfant à sa demande, de jour comme de nuit, au moins 12 tétées par 24h. Il faut laisser l’enfant vider un sein avant de lui proposer l’autre. Cette pratique assure un meilleur développement de l’enfant, tant sur le plan physique que sur le plan psychique. Le lait maternel est le meilleur aliment pour le bébé. Il contient des éléments indispensables au bon développement du bébé. Les résultats de l’enquête nutritionnelle  nationale 2016 montrent que seulement 55% des femmes pratiquent l’allaitement maternel exclusif les 6 premiers mois.

Dans notre climat qui n’est pas du tout clément, on est tenté de croire qu’il faut absolument donner de l’eau à boire aux bébés de moins de 6 mois. En réalité, le lait maternel contient beaucoup d’eau (autour de 90%). Cela est suffisant pour couvrir les besoins hydriques de l’enfant pendant ses six premiers mois. L’eau peut être source de contamination microbienne, origine de certaines infections telles que les maladies diarrhéiques. De plus, la capacité gastrique du bébé n’est pas grande. S’il prend de l’eau, il ne pourra plus prendre assez de lait. Or, il lui faut une quantité suffisante de lait pour bien se développer.

Le travail est souvent évoqué comme obstacle à la pratique de l’allaitement. Dans ce cas, la mère peut exprimer son lait (tirer le lait), le conserver dans un gobelet propre bien couvert pour qu’on le donne à l’enfant durant son absence. Le lait peut être exprimé manuellement ou à l’aide de tire-lait. Le lait peut se conserver à la température ambiante pendant 8h. Mais, lorsque le lait est entamé, on ne peut plus le conserver. Pour cela, pour nourrir l’enfant, il est préférable de prélever juste la quantité suffisante et le donner à l’enfant à l’aide d’une cuillère.

 

Le lait maternel est pour le nourrisson, le lait de la vache pour le veau, etc.

 

Avantages de l’allaitement maternel

 

Pour l’enfant Pour la mère Pour la famille Pour la communauté
– le colostrum qui est comme un vaccin ;

– le lait maternel est un aliment qui couvre tous les besoins, propre, prêt à utiliser, à la température adéquate, facile à digérer ;

– favorise la croissance, le développement psychomoteur ;

– protège contre les maladies ;

– réduit les risques d’obésité ;

– développe les liens affectifs avec la mère

– l’allaitement maternel exclusif est un moyen contraceptif ;

– la mise au sein dans l’heure suivant l’accouchement favorise l’expulsion du placenta et la montée laiteuse ;

– réduit les risques d’hémorragie, de cancer du sein et de l’ovaire ;

– ne nécessite aucun travail préalable (bouillir le biberon, faire le lait, etc. ;

– développe les liens affectifs avec l’enfant

– le lait maternel est économique ;

– espacement des naissances ;

– réduction des dépenses pour cause de maladies ;

– gain de temps pour l’alimentation de la famille ;

– harmonie dans la famille

– le lait maternel est écologique (pas besoin de bois pour stériliser les ustensiles, pas besoin d’eau pour nettoyer les ustensiles, pas de productions de gaz à effet de serre, etc.) ;

– il est économique pour le budget de l’Etat (réduction du coût des traitements des maladies),

– etc.

 

L’alimentation des enfants de 6 à 2 ans 

 

L’allaitement doit se poursuivre jusqu’à 2 ans au moins. A partir de 6 mois, le lait maternel, à lui seul, ne couvre plus les besoins alimentaires du bébé. Il faut alors introduire progressivement dans son alimentation des aliments liquides, semi-solides et mous. On les appelle des aliments de complément. On peut commencer par des jus, des purées, des bouillies et soupes légères. A partir de 9 mois, il peut prendre le plat familial.

Pour les enfants de 6-8 mois, il est recommandé de leur donner un aliment de complément au moins 2 fois par jour en plus du lait maternel.

Quant aux enfants de 9-24 mois, la fréquence recommandée est d’au moins 3 repas par jour en plus du lait maternel.

L’alimentation de complément doit être diversifiée. Pour cela, de façon pratique, les aliments ont été divisés en 7 groupes. L’alimentation complémentaire journalière doit contenir au moins 4 groupes d’aliments (voir tableau 2 ci-dessous).

Les enfants sont en croissance, donc, ils ont besoin de beaucoup de protéines. On devrait en tenir compte dans la répartition du plan familial. L’enfant peut refuser de manger. Il faut s’assurer qu’il n’est pas malade. Dans tous les cas, on ne doit pas le forcer à manger. Il faut plutôt l’encourager et user de beaucoup de patience. Il faut varier également les plats.  Il finira par trouver un à son goût.

 

Tableau 2 : Groupe des aliments pour la diversification alimentaire chez le jeune enfant

 

Groupe 1 Aliments à base de céréales, racines et tubercules (toute bouillie, pain, biscuit, beignet, galette, riz, mil, blé, fonio, manioc, patate)
Groupe 2 Légumineuses et noix (pois, haricot, lentille, soja, pâte d’arachide ou tourteaux)
Groupe 3 Produits laitiers (lait, fromage, yaourt)
Groupe 4 Aliments carnés (viande, poisson, volaille, foie/abats)
Groupe 5 Œuf
Groupe 6 Fruits et légumes riches en vitamine A (mangue, papaye, citrouille, goyave, courge, carotte, patate douce à chair orange, feuilles vertes)
Groupe 7 Autres fruits et légumes

 

 

Valérie TIANHOUN

 

 


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