ADOPTION DE LA CHARTE DE LA TRANSITION : On attend maintenant les résultats
C’est à une heure très avancée dans la nuit du lundi 28 février, que les 350 délégués convoqués aux Assises nationales ont achevé leurs travaux par l’adoption de la Charte de la Transition. Désormais, Paul Henri Damiba et ses compagnons d’armes disposent, en toute légitimité et en toute légalité, de tous les leviers du pouvoir pour conduire le Burkina Faso vers « l’horizon du bonheur » et l’on peut, à cet effet, féliciter tous les acteurs, à commencer par les membres de la commission technique d’élaboration des projets de texte et de l’agenda de la Transition jusqu’aux participants aux Assises nationales, pour n’avoir ménagé aucun effort pour parvenir à ces résultats. Mais ce satisfecit lié principalement au processus ou à la forme, ne doit pas masquer les problèmes de fond qui apparaissent très clairement dans les textes adoptés à l’issue des débats. En effet, la principale observation que l’on peut faire est que toutes les propositions phares qui avaient été faites par la commission technique qui d’ailleurs, n’a pas été formellement conviée à l’examen et à l’adoption de ses travaux, ont été retoquées par les participants aux Assises.
Il faut craindre que le CNT ne devienne une simple caisse de résonnance de l’Exécutif
Ainsi, la proposition de la durée de 30 mois pour la Transition, a été rallongée à 36 mois tandis que le nombre initial de 51 membres pour le Conseil national de la transition (CNT), est passé à 71 avec une part belle faite aux Organisations de la société civile (OSC) au détriment de partis politiques. Dans ce réaménagement de l’organe législatif, le nombre de parlementaires désignés par le président de la Transition, passe à 21 personnes tandis que celui des Forces de défense et de la sécurité atteint désormais 16. La plus grande déception de certains Burkinabè vient surtout du fait que du mandat gratuit initialement proposé par la commission technique, l’on est passé à un travail rémunéré des membres du CNT. L’impression qui se dégage de tous ces amendements opérés par les participants à ces Assises nationales est que la Commission technique, pourtant composée de personnalités, a été utilisée pour réaliser un passage en force par les putschistes et les OSC qui leur sont affiliées, au profit de leur agenda initial. En effet, en faisant le décompte des membres du CNT à leur solde, la majorité absolue est déjà acquise. Il faut donc craindre que cet organe qui devait être un véritable espace de débat démocratique et constructif, ne devienne finalement une simple caisse de résonnance de l’Exécutif. Par ailleurs, il faut craindre que cet organe ne soit simplement une structure destinée à récompenser des activistes qui ont œuvré à la chute du régime du président Roch Marc Christian Kaboré au lieu d’être le creuset de la réconciliation nationale et de la refondation que l’on a fait miroiter au lendemain du coup d’Etat. Tous ces arrangements sont contraires à la Charte des valeurs que les participants aux Assises eux-mêmes ont votée pour conduire la marche de la Nation.
Il faut vite se mettre à la tâche
Cela dit, la Charte est adoptée mais les regards sont désormais tournés vers les organisations sous-régionales et africaines, notamment la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union africaine (UA) et au-delà, la communauté internationale. La principale question est de savoir si l’agenda des nouvelles autorités coïncidera avec celui de ces institutions qui, on le sait, ne marchandent pas beaucoup sur la célérité du retour à l’ordre constitutionnel normal même si, par ailleurs, l’on sait que la situation d’insécurité au Burkina Faso constitue une singularité. L’autre inquiétude est relative aux forces de l’intérieur qui se sont abstenues de participer à l’adoption de ces textes comme, par exemple, les organisations syndicales et les partis politiques. Connaissant les valeurs intrinsèques de ces structures et leurs capacités, il serait étonnant que ces structures assistent, les bras croisés, à ce qui a maintenant toutes les allures d’un jeu de chaises musicales. Mais le président Damiba a encore la possibilité de sauver la situation. D’abord, dans la formation du nouvel Exécutif prévu dans la Transition, il peut rehausser le niveau de participation et de débats en faisant appel à des personnalités dont les compétences et les valeurs morales ne font l’ombre d’aucun doute. Non seulement il crédibiliserait davantage son pouvoir, mais aussi il bénéficierait de l’accompagnement technique nécessaire à l’exécution des missions qu’il s’est fixées. Ensuite, l’autre solution et de loin la plus importante pour sauver cette situation, ce sont sans aucun doute les résultats. En effet, les Burkinabè n’accorderont pas d’importance à toutes ces manœuvres pouvoiristes si les résultats sont au rendez-vous dans la lutte contre l’insécurité et la mal gouvernance. Et in fine, c’est ce qui est le plus important. Pour l’instant, l’on a déjà perdu assez de temps et il faut vite se mettre à la tâche. Plus tard, ce serait trop tard car pendant que l’armée se perd dans les arcanes du pouvoir à Ouagadougou, les groupes armés, eux, ne perdent pas le temps et continuent de dérouler leur agenda comme en témoigne la récente attaque de Toéni dans la région de la Boucle du Mouhoun
« Le Pays »