HomeGrand angleAFFAIRE DES MOINES DE TIBEHIRINE Un contexte favorable pour la manifestation de la vérité

AFFAIRE DES MOINES DE TIBEHIRINE Un contexte favorable pour la manifestation de la vérité


En septembre 2010, l’émouvant film de Xavier Beauvois, «Des hommes et des Dieux », avait ébloui la France entière, devenant, du coup, l’une des plus spectaculaires réussites du cinéma français. De quoi traitait au juste ce film ? De la sordide et macabre affaire de l’assassinat des moines de Tibéhirine en Algérie, dans les années 90, au moment où  ce pays était plongé dans une dévastatrice guerre civile. L’armée et les combattants islamo-terroristes se livraient une guerre sans merci.

 

Pour les familles des moines, l’Etat algérien cherche à étouffer la vérité sur cette affaire

 

Très vite, les autorités algériennes ont évoqué et imposé la piste de l’assassinat des moines par les islamo-terroristes tout en empêchant la presse et la justice du pays de mener leurs propres enquêtes, de manière indépendante, afin de faire éclater toute la vérité sur cette affaire. Mais pour les familles des moines, l’Etat algérien cherche à étouffer la vérité sur cette affaire, au nom de la raison d’Etat. Elles sont confortées dans cette conviction intime par le fait que les autorités algériennes rejetaient avec  véhémence, toutes les initiatives de la justice française en vue de lever toutes les équivoques sur l’assassinat des moines.

Très clairement, Alger avait refusé catégoriquement de coopérer avec Paris sur cette affaire, sous les présidences Chirac et Sarkozy.

Or, à la grande surprise générale, Alger vient, après des décennies de refus, d’accorder enfin un visa au juge français Marc Trévidic, en vue d’enquêter sérieusement sur l’assassinat des moines.

Cette annonce intervient  avec la récente visite de Laurent Fabius à Alger.

Il faut reconnaître que, depuis l’arrivée au pouvoir en France du président François Hollande, un nouvel état d’esprit politico-diplomatique règne entre Paris et Alger. Le ton des autorités algériennes à l’égard de la France a beaucoup changé. En Algérie, la débâcle militaire des islamo-terroristes a été consommée, et la situation sociopolitique s’est un peu clarifiée. Par conséquent, les passions anti-françaises que la guerre contre l’islamo-terrorisme expliquait aisément n’existent plus aujourd’hui. Dès lors, avec la relance de cette enquête sur l’assassinat des moines, leurs proches qui avaient perdu tout  espoir sur l’évolution de la position algérienne, et qui n’avaient cessé de crier leur rage et leur soif de vérité et de justice, se mettent à espérer. A présent, ce qui compte pour ces familles, c’est l’éclatement de la vérité. Qui a tué les moines ?

 

La contribution d’Alger est essentielle à l’éclatement de la vérité

 

A la piste islamo-terroriste qui s’est vite imposée à tous comme une évidence, il ne paraît pas du tout absurde, au regard de plusieurs sources sérieuses révélées ces dernières années, d’incriminer l’armée algérienne au sujet de l’assassinat des moines. Ainsi, elle aurait monté et exécuté une opération de libération des moines, qui avait très mal tourné. Bref, l’opération se serait traduite par un fiasco total. Dans une telle affaire, il ne faut pas renoncer à la diversité des pistes. Imaginons que les moines aient été effectivement tués par l’armée algérienne. Dès lors, comment la justice française pourra-t-elle secouer les chaînes des mensonges que l’Etat algérien aurait lui-même forgées depuis des décennies ?

Car nous sommes en Algérie, et ici, l’armée se confond avec l’Etat, pour ne pas dire que l’Etat, c’est l’armée. Pourquoi les autorités algériennes ont-elles passé tout leur temps à vitupérer contre la France, chaque fois que celle-ci exigeait de sérieuses enquêtes sur l’assassinat des moines ?

Quoi qu’il en soit, il existe bel et bien un malaise algérien dans cette affaire. Mais il ne faut pas que la justice aboutisse, avec les enquêtes du juge Trévidic, à l’arrivée, à une totale injustice. Laurent Fabius l’a bien compris, en rappelant aux autorités algériennes leurs obligations. Comme l’a si bien vu Patrick Baudouin, l’avocat des familles des moines de Tibéhirine, la relance de l’enquête constitue un peu « l’opération dernière chance ».

C’est dire que tout doit être entrepris par Alger pour éviter aux familles des moines de nouvelles désillusions. Avec le succès retentissant du film de Xavier Beauvois, la majorité des Français reste attachée au bon déroulement de cette enquête. Cela dit, dans une telle affaire, on n’a pas le droit, du fait de l’épais mystère qui entoure cette affaire, de poser cette redoutable question : saura-t-on jamais la vérité ?

Pourtant, malgré le brouillage des pistes durant des décennies, il faudra bien qu’un jour, la vérité éclate aux yeux de tous.

Bien sûr, la relance de cette affaire rappelle toute la tragédie de la guerre civile algérienne, mais aujourd’hui, la contribution d’Alger est essentielle à l’éclatement de la vérité. La fin de « la guerre des nerfs » entre Paris et Alger ne peut également qu’y contribuer, de manière positive. Ainsi, un nouveau cri de colère cessera de monter des cœurs des familles des moines. Non, rien ne condamne la démarche du juge Trévidic à être discréditée à l’avance.

 

«Le Pays »


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