AFFAIRE PATRON DE LA FORSAT AU MALI
Nos tropiques sont connus pour être, parfois, le théâtre d’évènements rocambolesques. Ce qui s’est passé le 3 septembre dernier à la maison centrale d’arrêt de Bamako, en est un. En effet, ce jour-là, le patron de la FORSAT (Force spéciale anti-terroriste), le commissaire divisionnaire Oumar Samaké, est inculpé et déposé à la maison centrale d’arrêt de Bamako par la Justice malienne. En rappel, l’homme a été accusé de « meurtre » et de « coups mortels » dans le cadre de l’enquête sur la répression meurtrière des manifestations anti-IBK de juillet 2020, qui avaient fait 14 morts. Des policiers, visiblement remontés contre cette décision de justice, se sont rassemblés devant la prison pour le faire libérer. Ce qui fut fait immédiatement. La corporation policière a cautionné cela, arguant que ce n’est pas leur collègue qui devait être embastillé pour cela, mais plutôt le donneur d’ordre, c’est-à-dire, le ministre de la sécurité de l’époque. Le syndicat a conclu donc à une « erreur judiciaire ». Comme l’on pourrait d’y attendre, la scène a irrité les partisans du M5 ainsi que le syndicat des magistrats. Pour les premiers, « c’est inadmissible ».
Le pouvoir de Bamako veut à la fois ménager la chèvre et le chou
De ce fait, Oumar Samaké, selon eux, doit purement et simplement retourner au cachot. Les seconds, c’est-à-dire le syndicat des magistrats, sont dans la même logique puisqu’ils exigent la « ré-incarcération » du commandant de la FORSAT. Quant aux autorités maliennes, elles ont attendu le 4 septembre dernier, soit un jour après les faits, pour faire connaître leur réaction. Dans un communiqué, en effet, sans toutefois nommer les policiers, le pouvoir assure qu’il « ne veut leur nuire en quoi que ce soit ». Après avoir exhorté « au respect de l’autorité de l’Etat » et rappelé sa volonté de traquer l’impunité jusqu’au bout, le gouvernement a terminé en martelant ceci : « il ne saurait être question de recul » ou d’ « abandon ». Comme on le voit, l’on peut faire le constat que le pouvoir de Bamako veut à la fois ménager la chèvre et le chou. En effet, tout en tentant de caresser les policiers dans le sens du poil, il a également mis un point d’honneur à prendre en compte les récriminations du M5 ainsi que celles du syndicat des magistrats. On attend maintenant de voir comment le gouvernement va traduire dans les actes ce communiqué, de manière à ne pas mettre davantage en péril la République. Car, dans les principes, il n’est pas permis de tolérer ce que l’on est en droit d’appeler le coup de force des policiers pour contrarier une décision de justice. L’on ne peut pas non plus dénier le droit au gouvernement d’aller en guerre contre l’impunité. Mais dans le même temps, l’on peut se demander s’il était véritablement opportun de s’attaquer à un des plus grands patrons du système de lutte contre le terrorisme. Assimi Goïta n’a-t-il pas d’autres chats à fouetter par ces temps qui courent ? Cette question est d’autant plus pertinente que l’on peut avoir l’impression que la croisade de l’homme fort de Bamako même contre la corruption et l’impunité, se fait selon la tête du client.
On peut être gêné aux entournures d’entendre Assimi Goïta parler d’Etat de droit
Et puis, principe pour principe, les vrais responsables du massacre de juillet 2020, sont tous ceux qui ont donné l’ordre à la FORSAT de gérer la marche des anti-IBK tout en sachant que cette unité est exclusivement dédiée à casser du terroriste. Et ces donneurs d’ordres sont connus. Pourquoi ne leur demande-t-on pas des comptes d’abord ? Le syndicat de la police est dans cette logique. Et sans chercher à justifier son acte, l’on peut se permettre de dire qu’il n’a pas forcément tort. A la vérité, l’on peut être gêné aux entournures d’entendre Assimi Goïta parler d’Etat de droit, de respect de l’autorité de l’Etat, lui qui a réussi l’exploit de fomenter deux coups d’Etat en seulement une année. Et puis, l’acte posé par les policiers n’est pas inédit au Mali. En effet, sous IBK, l’Imam Dicko avait été convoqué par le procureur, pour avoir tenu des propos séditieux. L’imam n’avait pas daigné se présenter devant le tribunal. Ses partisans s’y étaient fortement opposés en scandant les éloges de leur mentor, si fait que la convocation avait été purement et simplement retirée. Mieux, un ministre s’était pointé devant le domicile du religieux pour lui présenter les excuses de la République. Cela dit, Assimi Goïta fait face véritablement à sa vraie première épreuve politique. Et il gagnerait à tout faire pour éviter au Mali une nouvelle guerre de bérets. On se souvient en effet, que sous l’irascible Amadou Haya Sanogo, la guerre entre les bérets verts et les bérets rouges a fait beaucoup de mal au Mali au point que la cohésion de l’armée en a été affectée. Le triste événement qui s’est passé à la maison d’arrêt de Bamako, s’est déroulé dans un contexte marqué par deux événements. Le premier est lié à la visite du nouveau chef d’Etat-major général des armées françaises. Le second est la visite, à Bamako, du médiateur de la CEDEAO pour le Mali, Goodluck Jonathan. Et il y a de fortes chances que ces personnalités l’évoquent dans leurs rapports respectifs.
« Le Pays »