AFFAIRE VOL PRESUME DE FEMME A YAKO : La mise au point de l’Eglise catholique
Dans notre édition du vendredi 15 mai dernier, nous publiions sous la rubrique pot-pourri, un écrit portant sur une affaire de vol de femme qui a failli occasionner le lynchage d’un prêtre. L’article en question a suscité le droit de réponse de l’Eglise catholique que voici.
Dans la presse du lundi 18 mai 2014, nous avons pu lire ou entendre qu’un prêtre catholique a failli se faire lyncher pour avoir « volé une femme ». dans les lignes qui suivent, nous vous proposons le récit tel que vécu sur les lieux où l’événement s’est déroulé.
La genèse d’un récit
Pour parer au phénomène du mariage forcé bien encore en vogue dans certaines régions du Burkina Faso, certaines paroisses construisent des centres d’accueil, qui recueillent les infortunées jeunes filles qui seraient sous le coup. Bien souvent, c’est au prix de fines astuces et aux muscles de leurs jambes que celles-là arrivent à s’affranchir des leurs, pour se refugier dans ces foyers. La paroisse de Téma-Bokin dans le diocèse de Kaya, abrite un foyer pareil, et c’est là que la jeune fille dont a parlé l’auteur du fameux article, a été reçue par les religieuses. nous l’appellerons désormais Pauline pour préserver l’anonymat dans notre récit des faits réels. Pauline y a séjourné quatre ans en compagnie d’autres jeunes filles qui rencontraient la même difficulté.
Durant son temps d’attente, la pratique de ces centres
d’accueil, est de provoquer des rencontres de dialogue avec les parents de la fille et du malheureux mari, afin de trouver au mieux possible un dénouement positif de la situation. Il arrive parfois pour des raisons que seul le cœur peut expliquer, que certaines filles changent de décision et acceptent de repartir avec l’homme qu’elles avaient au préalable refusé. Ce n’est pas le cas de Pauline. Car, après moult tentatives de gestion pacifique de la situation, son refus de céder à ce mariage décidé par ses parents a été catégorique.
Durant donc son séjour de quatre ans au foyer, un jeune homme habitant Ouahigouya et ayant une parente (sa tante) à Téma-Bokin, va tomber sous le charme de Pauline et entreprendre de lui demander la main. Pauline avouera à la police qu’elle aura donné son consentement, quelque peu obligée par la pression exercée sur elle par son prétendant. Toujours est-il, que le jeune homme planifie d’inscrire leur mariage civil et religieux à Ouahigouya, avec le projet de transférer le dossier pour la célébration dans la succursale de Songnaba de la paroisse de Yako. Leur démarche en vue du mariage dura presque une année. La préparation du mariage a suivi les normes établies pour un mariage religieux catholique. Ainsi, à la date du 7 mai 2015, ils en viennent à chercher Pauline en paroisse en vue du mariage civil à Yako. L’instruction devait avoir lieu dans la matinée. Pour de cas pareils, une instruction est faite par les prêtres responsables du foyer, avant que la fille ne sorte du foyer. Mais comme il y avait beaucoup de personnes qui étaient venues pour la même cause, les prêtres renvoyèrent le rendez-vous au soir. malheureusement dans ce laps de temps Pauline s’est enfuie ! Pauline réussira savamment ce qui sera sa deuxième fugue, laquelle la conduira cette fois-ci dans la capitale Ouagadougou. Son séjour ne sera que de courte durée. Elle sera vite débusquée par son prétendant qui la ramènera de force à Songnaba. Voyant le comportement assez étrange de Pauline, qui visiblement manque de fermeté pour avouer à son fiancé qu’elle dédaignait ce projet de mariage, une religieuse (la sœur du prétendant) s’inquiète des capacités mentales de celle à laquelle soupire tant son jeune frère. elle téléphonera alors au curé responsable du foyer d’accueil où était restée Pauline afin de lui demander de reprendre en main le dossier de ce mariage.
Les appels d’une fille en détresse
A partir de ce moment, Pauline entreprend d’appeler à son secours, monsieur le vicaire (prêtre aidant le curé) dont elle avait le numéro. celui-ci en fait le point à son curé qui en définitive, est le premier responsable du foyer qui avait donné l’hospitalité à Pauline. En la solennité de l’ascension célébrée le jeudi 14 mai dernier, alors qu’un jeune prêtre célébrait sa messe d’action de grâce à Bouboulou, village de ses oncles maternels, non loin de Songnaba, le vicaire de Téma-Bokin, entreprend de l’y rejoindre, après avoir lui-même pris part à la célébration d’un jubilé, dans une autre localité. Il ne se sera pas seul dans sa voiture, puisqu’une dame originaire du village où se célébrait la messe d’action de grâce du jeune prêtre, demandera à le suivre pour la fête. A la fin de la journée, et pour le voyage retour, monsieur le vicaire emmène dans sa voiture, le jeune prêtre et sa moto, la dame qui avait fait la route du matin avec lui, ainsi que quatre autres passagers. Il est 20 h et l’équipage chemin faisant, rend une visite de courtoisie aux prêtres de la paroisse de Yako, qui les retiendront pour le repas du soir. Ce n’est qu’à 22h qu’ils reprennent la route pour Téma-Bokin. C’est alors que Pauline appelle avec une insistance répétée le vicaire, à qui elle dit au téléphone qu’elle lui confie son sors. En somme, elle fait comprendre au vicaire qui le dira à son curé que ses jours sont en dangers si ceux-ci ne faisaient rien pour la tirer du bourbier dans lequel elle s’est mise en refusant le mariage. Elle demande aux prêtres avec la gorge serrée, de la récupérer à la gare de la compagnie de transport Staf à Yako. Le vicaire décide de faire demi-tour avec tout l’équipage pour aller à la rencontre et au sauvetage d’une fille désemparée. Arrivés au lieu indiqué, c’est en vain qu’ils rechercheront l’auteur du coup de fil, qui quelque temps après rappelle pour donner un autre lieu où elle pouvait être retrouvée. Vu le déroulement des faits, l’hypothèse d’une fille aux facultés mentales peut-être touchées, se conforte dans l’esprit du vicaire de la paroisse. Alors, bien qu’en pleine nuit, le vicaire décide de continuer la recherche d’une brebis souffrante. Ils reçoivent de nouveau un coup de fil qui donne un autre lieu de rencontre. Pour faciliter alors le déplacement, le vicaire laisse le jeune prêtre et les cinq autres passagers dans un “maquis” de la ville de Yako, puis en compagnie de la dame native de la zone, il s’en va à la rencontre de la fille qui se fait encore plus insistante au téléphone. C’est arrivé sur les lieux qu’ils retrouvent une jeune fille certes, mais qui se trouve être la sœur du jeune homme et malheureux prétendant. Celle-ci jouissait bien de ses facultés puisqu’elle venait ainsi de réussir à tendre un piège dans lequel est tombé le vicaire sauveteur. De partout alors viendront les vrais accusateurs qui insulteront, injurieront, et traiteront le vicaire de tous les noms avant de le traîner auprès du chef du village.
Doit-on se faire justice ?
Après avoir obligé le vicaire et sa guide malheureuse à s’asseoir par terre, durant toute la nuit, c’est une population déchaînée qui procède au jugement et à la condamnation d’un homme qui, à l’instar de son maître n’a voulu aller qu’à la rencontre d’une brebis esseulée. Heureusement, le plan des hommes n’est pas celui de Dieu. La police ayant été saisie, rejoint la cours du chef au matin, d’où ils ramènent le vicaire déjà jugé et condamné pour une autre audition. Ainsi, seront entendus la fille qui refuse le mariage, celle qui a pris sa place pour tendre le piège, la tante du jeune homme, chef d’orchestre du morbide guet apens, le curé et la guide qui l’accompagnait, et bien sûr le jeune homme qui n’a pas pu célébrer son mariage. Devant l’autorité civile, la fille confiera on ne peut plus clairement, son refus de s’engager dans le mariage avec le jeune homme à qui, elle n’aurait jamais donné son accord pour un quelconque mariage. Pour la protection du prêtre, la police le retiendra jusqu’à ce qu’un émissaire de la gendarmerie de Téma-Bokin vienne le raccompagner chez lui dans son presbytère.
Pour des écrits qui éduquent
Voilà ce qui s’est exactement passé, et pour la narration de quoi, le correspondant du journal « Le Pays », a choisi de se dispenser de l’objectivité. Il a sûrement ses raisons, mais vu la délicatesse du sujet, mieux aurait valu qu’il allât jusqu’au bout de l’honnêteté intellectuelle, par respect pour le lectorat et l’audience, vu l’exploitation qu’en font aujourd’hui certains média de la place. A l’heure où tous les chefs de village du plateau central prônent l’éradication du mariage forcé en conformité avec la législation nationale, à l’heure où l’Etat burkinabè encourage les populations à éviter de se rendre justice elles-mêmes, l’auteur aurait pu enrichir son lectorat dans le choix d’un autre angle. Mais lui seul sait le dessein poursuivi dans un tel écrit.
Abbé Joseph Kinda