HomeSur la braiseALTERNANCE EN TANZANIE : Un îlot de vertus dans un océan de dictatures

ALTERNANCE EN TANZANIE : Un îlot de vertus dans un océan de dictatures


En Tanzanie, le parti au pouvoir a désigné ce week-end, son candidat à la présidentielle prochaine, à l’issue de primaires âprement disputées. Sur la quarantaine de postulants, c’est finalement John Magufuli, actuel ministre des Travaux publics et député de son parti, qui a eu l’onction de ses camarades du parti Chama Cha Mapinduzi (CCM), pour succéder au président Jakaya Kikwete qui arrive, en octobre prochain, à la fin de son deuxième et dernier mandat constitutionnel. Et là où la chose présente un intérêt certain, c’est qu’en 51 ans d’indépendance, la Constitution et la durée des mandats ont toujours été respectés en Tanzanie, sans faillir, par les différents gouvernants qui se sont succédé à la tête de l’Etat. Même s’ils viennent tous du CCM qui a toujours gagné les élections depuis l’indépendance du pays en 1964, cela n’enlève rien au mérite de ce pays qui demeure une exception dans cette partie de l’Afrique qui reste le ventre mou de la démocratie sur le continent. C’est pourquoi l’on peut dire sans risque de se tromper que la Tanzanie est un îlot de vertus dans un océan de dictatures dont la partie culminante de l’iceberg est l’actuelle attitude du président burundais, Pierre Nkurunziza, qui est en train d’amonceler les macchabées dans son pays, pour se maintenir de façon indue au pouvoir. L’attitude tout aussi ambiguë des Congolais Denis Sassou Nguesso et Joseph Kabila, qui sont en train de ruser avec les textes dans le seul but de s’accrocher au pouvoir dans leurs pays respectifs, ne traduit ni plus ni moins que la triste réalité d’une Afrique extrêmement malade de sa gouvernance politique. Il n’en va pas autrement du Rwandais Paul Kagamé, soupçonné lui aussi de vouloir tordre le cou à la Constitution de son pays pour briguer un troisième mandat. Quid de l’attitude de l’Ougandais Yuweri Museveni qui a simplement jeté en prison deux opposants qui ont commis un crime de lèse-majesté, en lorgnant le fauteuil présidentiel ?

L’exemple de la Tanzanie mérite d’être suivi

Face à ce sombre tableau, la Tanzanie apparaît logiquement comme une éclaircie dans un blizzard épais, une démocratie qui vit et s’exprime sans peur. Cela est à saluer. Car, il n’y a que cette forme de gouvernance qui peut permettre au continent d’aller de l’avant, en témoigne le rang respectable de ce pays dans cette région. En cela, l’on peut même regretter que ce pays n’ait pas pris le leadership dans la médiation de la crise burundaise, car il présente le profil de l’emploi, au contraire de l’Ougandais Yuweri Museveni qui a été commis à la tâche.

En tout état de cause, l’Afrique a aujourd’hui besoin que le cas tanzanien fasse tache d’huile sur le continent, pour un meilleur enracinement de la démocratie et de la bonne gouvernance, pour rompre totalement avec les dictatures et les pouvoirs à vie qui sont le lit de bien des dérives et des abus préjudiciables à la bonne marche des institutions et à la cohésion sociale.

Et la Tanzanie a d’autant plus de mérite que depuis le premier président, Julius Nyéréré, qui avait montré la voie en passant le témoin, aucun de ses successeurs ne s’est hasardé à briser cette tradition sacrée ni à mettre à mal la loi fondamentale, encore moins à trahir la règle pourtant non écrite qui veut que chrétiens et musulmans se succèdent au pouvoir, en raison de la quasi-parité de leurs populations. C’est pourquoi le consensus s’est fait autour de Magufuli le chrétien, dans son parti, pour succéder à Kikwete le musulman. Et il faut espérer qu’aucun aventurier ne viendra perturber ni vendanger cet héritage semi séculaire que le pays a, jusque-là, su garder jalousement.

En tout cas, le cas de la Tanzanie jure avec beaucoup de cas, dans et en dehors de cette partie de l’Afrique. Et l’on peut dire que ce pays est à l’Afrique de l’Est, ce que le Bénin et le Ghana sont à l’Afrique de l’Ouest : des laboratoires de la démocratie sur le continent.

L’exemple de la Tanzanie mérite d’être suivi. En cela, les Africains doivent apprendre à grandir en s’organisant de telle sorte que ce ne soit pas toujours les Occidentaux qui soient les donneurs de leçons. Pour cela, il faudrait aussi que certaines têtes couronnées du continent fassent preuve de bonne foi, en cessant de prendre les exemples qui les arrangent en tant qu’individus, au détriment de l’intérêt général. C’est à ce prix que l’on pourra construire des institutions véritablement fortes sur le continent.

Outélé KEITA


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