HomeA la uneAN 10 DE L’ATTAQUE DE L’AVION DE SORO A BOUAKE : Veut-on vraiment connaître la vérité ?  

AN 10 DE L’ATTAQUE DE L’AVION DE SORO A BOUAKE : Veut-on vraiment connaître la vérité ?  


 

Côte d’Ivoire, juin 2007. Au plus fort de la crise ivoirienne, le président Laurent Gbagbo aujourd’hui détenu à la Cour pénale internationale, est amené à partager le pouvoir avec ses ennemis jurés, les rebelles du Nord avec pour chef un certain Guillaume Kigbafori Soro, nommé Premier ministre (PM) par le Christ de Mama, trois mois plus tôt. Mais, alors que le nouveau PM se rendait dans son fief à Bouaké, le 29 juin 2007, son avion fera l’objet d’une attaque à l’arme lourde sur le tarmac de l’aéroport de la ville rebelle. Bilan : 4 morts parmi les gens de son entourage, de nombreux blessés, un Premier ministre sous le choc mais vivant, avec un aéronef fortement endommagé. Le processus de sortie de crise venait de prendre un sérieux coup et ce ne sont pas les questions qui manquaient quant à son issue.

Le mystère reste entier

En tout cas, la cohabitation ne s’annonçait pas sous les meilleurs auspices. Au mieux, elle était perçue comme le mariage de la carpe et du lapin avec toutes les incertitudes qui entourent une telle union. Au pire, elle était purement et simplement condamnée à l’échec.  Une chose était certaine, le rapprochement forcé du chef des rebelles avec le président Gbagbo faisait visiblement des mécontents et des malheureux. Mais, qui en voulait tant au jeune leader du MPCI (Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire) au point de vouloir attenter à sa vie, qui plus est, dans son propre fief ? Dix ans après les faits, le mystère reste entier. Et tout porte à croire que ce n’est pas demain la veille que le voile qui entoure cette affaire, sera levé. C’est dans un tel contexte d’opacité que l’ex-Premier ministre de Laurent Gbagbo aujourd’hui président de l’Assemblée nationale ivoirienne sous Alassane Ouattara, a appelé au recueillement en cette date anniversaire, en mémoire de ses compagnons d’infortune qui ont perdu la vie lors de ces événements tragiques. Mais, si l’on peut comprendre l’esprit de la commémoration de ce douloureux événement, on peut en revanche s’étonner que du côté de l’enquête, les lignes n’aient pas véritablement bougé. Aucune procédure n’ayant abouti, malgré le fait que « des enquêtes ont été ouvertes au niveau national comme au niveau international », comme l’a relevé le porte-parole du gouvernement actuel, Bruno Koné. Si fait que l’on se demande si dans cette affaire, l’on saura encore un jour la vérité. A l’analyse, l’on peut même pousser le bouchon plus loin en se demandant si l’on veut vraiment connaître la vérité dans cette affaire. Et pour cause. Pour une affaire d’attentat qui impliquait une si haute personnalité de l’Etat ivoirien, il est étonnant que les auteurs de ce projet macabre, qui ont agi de surcroît sur le sol ivoirien avec des moyens matériels ayant nécessité une certaine logistique, aient pu disparaître dans la nature sans laisser de traces. La chose est d’autant plus étonnante que la principale cible de cette attaque à la roquette, n’est pas n’importe qui. Il s’agit quand même du deuxième personnage de l’Etat ivoirien à l’époque des faits, qui est d’ailleurs resté depuis lors dans les hautes sphères de l’Etat en occupant des postes hautement stratégiques, comme celui de président de l’Assemblée nationale (PAN) qu’il occupe encore aujourd’hui, qui auraient pu permettre de donner un coup d’accélérateur au dossier sur le plan judiciaire. Preuve, si besoin en était encore, que là où Guillaume Soro est, il avait et a encore tous les moyens si ce n’est déjà fait, de savoir réellement ce qui s’est passé, et quels sont les tenants et les aboutissants de cette attaque qui visait ni plus ni moins que son élimination physique.

Les préoccupations de l’intéressé lui-même se trouvent ailleurs

Et si les choses n’ont pas abouti sous Laurent Gbagbo avec qui Bogota n’était véritablement pas en odeur de sainteté, l’on aurait pu s’attendre à ce que sous Alassane Ouattara, son mentor, il en soit autrement. Mais là aussi, force est de constater avec le porte-parole du gouvernement, que les choses piétinent. « Il n’y a toujours pas de vérité autour de ce qui s’est passé », a-t-il notamment fait observer. Cela dit, si le gouvernement ivoirien semble aussi impuissant, qui attend-on pour venir faire la lumière dans cette affaire ? Bien malin qui saurait répondre à cette question. C’est pourquoi il y a lieu de croire que l’attaque du 29 juin restera l’une des nombreuses énigmes de la crise ivoirienne. En tout état de cause, tout porte à croire que dix ans après les faits, les préoccupations de l’intéressé lui-même se trouvent ailleurs, plutôt que dans la manifestation de la vérité autour d’une affaire qui aurait pourtant pu lui coûter la vie. Surtout, au moment où les intentions qu’on lui prête de vouloir briguer la magistrature suprême de son pays en 2020, semblent se préciser. Serait-ce lié comme le pensent certains à la disparition du sergent-chef Ibrahim Coulibaly dit IB dont on dit qu’à l’époque des faits, il entretenait une rivalité féroce avec Guillaume Soro ? Si c’était le cas, il faudrait craindre que ce dernier n’ait emporté avec lui dans sa tombe, une partie du secret. En tout état de cause, l’occasion faisant le larron, bien des observateurs voient dans la commémoration de ce dixième anniversaire, une exploitation politique de la situation par le PAN qui, en se plaçant sous le manteau de la victime qui a risqué sa vie pour la paix dans son pays, voudrait certainement donner la réplique à ses détracteurs suite à l’affaire de la découverte récente d’une cache d’armes au domicile d’un de ses proches, à Bouaké, qui fait actuellement grand bruit. Et si dix ans n’ont pas suffi à faire la lumière dans une affaire dont rien ne laissait penser qu’elle donnerait autant de fil à retordre à la Justice, faut-il donc croire que le mystère qui l’entoure arrange bien des personnes ?

 

« Le Pays »

 


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