HomeA la uneAN II DE BARKHANE : Ombres et lumières d’une force

AN II DE BARKHANE : Ombres et lumières d’une force


 

Barkhane, la force française chargée de la lutte contre le terrorisme dans le Sahel, fête le deuxième anniversaire de son déploiement au Mali. Au tableau de son action, il y a des ombres, mais aussi des lumières. Pour ce qui est des ombres, on note le fait que les mouvements terroristes continuent de se signaler par des attaques meurtrières. A ce jour, le Nord-Mali est loin d’être pacifié. L’activité touristique et économique est des plus moroses dans la région. Si on ajoute à cela les attaques perpétrées dans la sous-région par les djihadistes à partir de leurs bases-arrières du Mali, comme ce fut le cas à Ouagadougou, on peut dire que les terroristes ont conservé une grande capacité de nuisance dans ce septentrion. On peut également souligner que cette force française n’a pas réussi à se faire accepter par toutes les composantes de la société. En effet, certaines organisations de la société civile des pays où opère ce contingent, sont vent debout contre la présence de bases et de troupes militaires étrangères sur les différents territoires.

Barkhane peut avoir des motifs de fierté

Ces forces sont perçues par les contestataires comme des symboles de néo colonisation, des forces d’occupation et la preuve du manque d’indépendance des pays d’Afrique. Cela engendre une méfiance voire une défiance de certaines personnes vis-à-vis de ces troupes. Et une telle méfiance n’est pas de nature à optimiser les efforts de traque des terroristes, surtout à l’heure où il est demandé la collaboration de tous pour appuyer les forces de défense et de sécurité. Qu’à cela ne tienne, Barkhane peut avoir des motifs de fierté. En effet, en dépit des difficultés, cette force aura réussi le tour de force de déjouer des attaques terroristes et de neutraliser leurs auteurs. Et cela a contribué de façon importante à la sécurisation du Nord-Mali, voire d’autres pays. L’importance de ses moyens logistiques et de la formation de ses hommes a permis d’empêcher les djihadistes de se reconstituer en forces capables de reprendre des localités entières, comme ce fut le cas avant l’opération Serval. Pour ce qui est des attaques ciblées, il est évident qu’aucune force ne saurait les éviter complètement. Comme l’attestent les attaques dans des villes de grandes puissances comme la France et les Etats-Unis d’Amérique et ce, en dépit des moyens colossaux déployés pour le renseignement et la prévention des actes terroristes. C’est cela la triste réalité de la guerre asymétrique : le risque zéro n’existe pas. Pour ce qui est de la souveraineté des Etats, le débat devrait plutôt être ailleurs. La vérité est que la présence de ces contingents étrangers au Nord-Mali et au-delà, est illustrative de l’échec des armées africaines en général. Pour ce qui est du Mali, jusqu’à présent, les forces de défense et de sécurité maliennes ne sont pas, à elles seules, en mesure de sécuriser le territoire national. Mais cette réalité n’est pas propre au Mali. En effet, à l’instar de l’armée malienne, bien des armées sur le continent africain ont longtemps brillé seulement par des coups d’Etat et leur excès de zèle mis à la défense des dictateurs. Nombre de fois, des soudards se sont plus illustrés dans leurs capacités à terroriser les populations civiles. A la décharge de ceux qui ont fait serment de défendre l’intégrité du territoire dans les pays africains, leur formation et leur équipement n’ont pas toujours été pris avec tout le sérieux qui sied. La corruption également a fini par installer ses pénates au sein de certaines Grandes muettes ; tant et si bien que le patriotisme qui devait guider chaque soldat, a fini par ne plus exister. C’est en partie, cet échec des forces armées de certains pays africains dans leurs missions régaliennes de défense de l’intégrité territoriale de nos Etats, qui fait le lit des interventions militaires extérieures. En tout cas, on ne peut s’empêcher de se demander ce qu’il serait advenu du Mali et par-delà, de ses voisins, si les troupes françaises n’avaient pas stoppé net les djihadistes qui montaient à l’assaut de Bamako. Une conquête qui avait tout d’une promenade de santé pour ces « illuminés ». Certes, des troupes de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) étaient annoncées, mais au regard de leur peu d’empressement à se déployer, nul doute que ç’aurait été « le médecin après la mort ». Le président par intérim du Mali, Dioncounda Traoré, avait certainement perçu l’urgence de sauver les meubles en faisant appel aux forces françaises.

Il appartient à l’Afrique de se donner les moyens de sa sécurité

Au total,  l’intervention française a permis de sauver l’existence même du Mali dans sa forme actuelle. Cela dit, il y a des voix qui s’élèvent pour déplorer le fait que Barkhane n’a pas de gros effectifs comme Serval. Cela lui aurait sans aucun doute permis d’assurer un meilleur maillage de la zone. Mais, il faut bien admettre que la guerre a un coût qui n’est pas à la portée de n’importe quelle bourse. Les Français sont, du reste, en proie au terrorisme sur leur propre sol et dans un tel contexte, ils auraient sans aucun doute préféré avoir beaucoup plus d’hommes chez eux. Un contingent comme Barkhane, s’il est vrai qu’il n’est pas là seulement pour les beaux yeux des pays où il opère, est un gros sacrifice que la France a dû consentir. D’ailleurs, le Mali peut se féliciter d’avoir bénéficié, à travers Barkhane, d’un service après-vente, après l’opération Serval. La Libye n’a pas eu cette chance et la suite on la connaît. C’est dire combien une force comme Barkhane a son utilité dans le contexte actuel. Le reconnaître n’exclut en rien la nécessité de travailler à une indépendance réelle du continent. Il appartient à l’Afrique de se donner les moyens de sa sécurité. Ce qui passe par des armées fortes, bien équipées et bien formées à l’art de la guerre sous toutes ses formes. Tant que les Africains auront des armées juste bonnes pour les parades, les putschs, ou la protection des princes régnants, ils n’auront que leurs yeux pour pleurer chaque fois que leur pays sera en danger. Tout comme les autres institutions africaines, il est indispensable d’avoir des armées à la hauteur de leurs missions. En attendant, et en l’état actuel des choses, Barkhane se révèle donc un mal nécessaire pour le pays.

« Le Pays »


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