HomeA la uneAN II DE L’INSURRECTION POPULAIRE : « Nous attendons la victoire judiciaire », dixit Franck Sya, porte-parole des parents des victimes et des blessés

AN II DE L’INSURRECTION POPULAIRE : « Nous attendons la victoire judiciaire », dixit Franck Sya, porte-parole des parents des victimes et des blessés


 

La Nation a tenu à marquer d’une pierre blanche le 2e anniversaire de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. En la mémoire des martyrs, tombés, pour l’avènement de la démocratie et des blessés de l’insurrection populaire et du putsch du 16 septembre 2015, elle a organisé le 31 octobre 2016, une cérémonie officielle d’hommage sur le site de l’ex Assemblée nationale. En plus du président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, et des membres de son gouvernement, plusieurs personnalités dont les anciens présidents, Michel Kafando et Jean baptiste Ouédraogo, le président du Conseil national de Transition, Shérif Sy, sont venues s’incliner sur la mémoire des martyrs. Une occasion pour les familles des victimes de réclamer justice pour ceux à qui la Nation rend hommage.

Il est 9h30 lorsque tout se fige aux alentours du site de l’ancienne Assemblée nationale à Ouagadougou. C’était le 31 octobre dernier. La sirène de la mairie centrale de Ouagadougou retentit, pour rappeler à tous que des filles et fils du « pays des hommes intègres » sont tombés pour la patrie. A l’instar de la ville de Ouagadougou, tout le pays observe une minute de silence en mémoire des martyrs de la nation. Ceux-là mêmes qui ont perdu la vie, lors de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, et du putsch du 16 septembre 2015. Un hommage de la Nation qui concerne également ceux qui ont été blessés lors de ces douloureux évènements. La foule qui a participé à la marche en mémoire de ces derniers, avait rallié le site de la cérémonie officielle. Une marche qui a débuté à la place de la Nation peu après 8h30mn. Les marcheurs étaient scindés en 3 vagues. Dans la première, on pouvait distinguer entre autres des membres du gouvernement, des présidents d’institutions. Des véhicules séparaient les différentes vagues. Sur un porte-char, étaient accrochées des cadres présentant les photos des martyrs. Cependant, 7 d’entre eux portaient uniquement les noms des victimes, sans aucune photo. Autour du convoi, les forces de défenses et de sécurité, mobilisées en grand nombre, veillaient au bon déroulement de la marche. Elles étaient également présentes en grand nombre parmi les marcheurs, tout comme les « amazones » de la brigade verte. Plusieurs haltes sont observées par le convoi durant le trajet, et l’hymne nationale entonnée. Chaque vague chantait à qui mieux mieux. Peu après une énième halte, un marcheur, un des blessés de l’insurrection populaire à ce qu’il paraît, s’écroule non loin du rond-point des Nations unies. Il est 9h 16. Visiblement mal en point, il est extrait du convoi et amené sur le bas de la route.  Il sera alors pris en charge par les secours, puis transporté dans un centre de santé par une ambulance de l’Ecole nationale de police. C’est donc peu avant 9h30 que les marcheurs rallient le site de la cérémonie officielle d’hommage. Après la minute de silence, place à la cérémonie.

Justice ! Justice ! Justice !

 Le bâtiment  de l’ex Assemblée nationale a été joliment drapé aux couleurs nationales pour la circonstance. Sur toute sa façade, trône une immense banderole sur laquelle un écrit rappelle l’anniversaire de l’insurrection populaire et rend gloire « au peuple des insurgés ». Des 2 côtés de cette banderole, trônent des photos qui ravivent le souvenir de la lutte du peuple burkinabè. De la tribune officielle située en face du bâtiment, le ministre d’Etat,  Simon Compaoré rejoint le parloir. Il appelle alors de façon solennelle le nom de chacun des 42 martyrs dont la mémoire est célébrée. Tandis que sa diction est entrecoupée par la mention « mort pour la patrie » clamée par une voix off, une partie de la foule crie « justice ». Et chacun veut que sa voix domine l’autre, d’où une certaine cacophonie. Après cet exercice qui a duré une dizaine de minutes, le représentant des familles des martyrs et des blessés de l’insurrection populaire et du putsch manqué, Franck Sya, a rappelé le sacrifice ô combien important des 42 martyrs « lâchement assassinés par les courtisans armés du régime déchu ». Un sacrifice qui a permis d’engranger 2 grandes victoires, notamment la mise en échec du projet de tripatouillage constitutionnel du président Blaise Compaoré et la prise du pouvoir par les armes en septembre 2015.  La seconde victoire, à en croire Sya Franck, est la tenue d’élections libres et transparentes, et l’acceptation des résultats par tous. Mais, a-t-il poursuivi, une 3e victoire se laisse désirer, celle judicaire. Et c’est sous des acclamations fortement nourries de la foule qu’il a exigé la lumière sur tous les dossiers pendants, afin que les innocents soient affranchis, les coupables punis. En attendant, a fait noter Sya Franck, 126 des 439 blessés de ces douloureux évènements attendent une prise en charge médicale adéquate. D’où son souhait que le gouvernement permette à ces derniers de se rendre dans des centres médicaux de référence. Aussi, a-t-il souhaité la mise en place d’un fonds d’accompagnement au profit des victimes.

« Nous souhaitons vivement que l’année prochaine, que nous soyons à mesure de dire merci à Dieu, parce que la justice a été rendue », a dit le ministre d’Etat, Simon Compaoré, après que la foule eut pendant longtemps scandé «  justice pour les martyrs ». Cela, non sans avoir confié que le gouvernement souffrait également des « libérations à droite et à gauche », pointant ainsi du doigt le pouvoir judiciaire. Rappelant la nécessité de marquer une halte pour faire une introspection sur certains évènements pleins d’enseignements tels ceux qui sont commémorés, Simon Compaoré a également rendu hommage à certaines personnalités dont le Chef de file de l’opposition politique Zéphirin Diabré et le président Michel Kafando. La cérémonie a pris fin par une visite du site de l’ex Assemblée nationale, précédée d’un exposé chronologique des faits de l’insurrection populaire.

Thierry Sami SOU

ENCADRE

Quelques réactions après la cérémonie

Michel Kafando, président de la Transition : « Le gouvernement actuel est condamné à ce qu’il y ait justice »

Pour la Justice il faut un certain nombre de procédures. Cela fait plus d’un an qu’il y a eu le coup d’Etat et jusqu’à présent il n’y a pas eu de jugement. C’est parce qu’il faut faire des enquêtes pour être sûr de ce que l’on va avancer. Donc comprenez, une chose est certaine : le gouvernement actuel est condamné à ce qu’il y ait justice, aussi bien pour l’insurrection que pour le coup d’Etat. (…) L’essentiel pour moi, ce n’est pas d’aller très vite mais, d’arriver à avoir une vraie justice qui rétablisse les gens dans leurs droits, qui fasse en sorte que nous ne puissions plus jamais, nous livrer à ce qui s’est passé aussi bien sous l’air du président Compaoré que par le fait du coup d’Etat.

Me Bénéwendé Stanislas Sankara, vice-président de l’Assemblée nationale : « Nous devons nous pardonner »

Nous voulons ce que le peuple veut. Quand nous avons commencé à marcher, nous avons dit que nous voulons que notre pays soit un pays de pardon, de justice pour l’application d’une véritable démocratie. Nous devons donc travailler la main dans la main pour le développement de ce pays. Aujourd’hui, les gens sont sortis pour se rappeler ce qui s’est passé, mais également pour faire des projections pour l’avenir. Nous devons nous pardonner. C’est nous qui avons choisi le président, et élu les députés, alors accompagnons-les. Laissons aussi la justice faire son travail et situer les responsabilités, afin de nous dire où se trouve la vérité.

Luc Marius Ibriga président de l’ASCE-LC : « Ce musée va être celui des luttes du peuple burkinabè »

Nous avons besoin d’une gouvernance d’écoute, de dialogue,  de pédagogie et d’exemplarité. Le projet de faire de l’ancienne Assemblée nationale un musée, est assez avancée parce que les jours prochains, il y aura le lancement d’un appel à idées qui va concerner l’ensemble des Burkinabè. Cela, pour leur demander d’imaginer comment, il voit ce musée et le monument aux martyrs. Cet appel à idées sera primé. Aussi, les éléments de cet appel à idées seront utilisés pour faire les TDR du concours d’architecture qui sera lancé en 2017 et pour faire le plan du musée et du monument. Après que nous ayons eu l’architecture, nous allons lancer un appel à contribution populaire pour la construction de ce musée. Nous pensons que les Burkinabè vont montrer que, s’ils ont pris d’assaut l’assemblée nationale, ce n’était pas parce qu’ils étaient contre la démocratie. Mais au contraire, parce qu’ils voulaient l’approfondir. Nous devons faire en sorte que la mémoire collective n’oublie pas ces journées des 30 et 31 octobre et que ces journées ne tombent pas dans la même amnésie collective que le 3 janvier. Donc, ce musée va être celui des luttes du peuple burkinabè.

Guéwaratou Zongo dit Gue Bless : « Il faut qu’il y ait justice pour ceux qui sont tombés »

J’ai bien aimé que le gouvernement ait songé à nous faire revivre les évènements que nous avons traversés en octobre 2014.  Cela est très important de graver notre histoire. J’apprécie également les actions entreprises par le gouvernement en faveur des familles des martyrs et des blessés de l’insurrection populaire et du putsch du 16 septembre 2015. Pourvu qu’il ne s’arrête pas en si bon chemin, d’autant que plusieurs blessés attendent d’être pris en charge sur le plan médical. Maintenant, il faut qu’il y ait justice pour ceux qui sont tombés pour la liberté. Il faut que les gens reconnaissent les faits et que chacun assume ses responsabilités.

Propos recueillis par AS


Comments
  • C’est très dommage que ni les blessés, ni les autorités n’aient pas pensé à rendre hommage au corps médical lors de la commémoration de l’An II de l’insurrection populaire. Lors de l’insurrection populaire des 30 et 31 Octobre 2014 et du coup d’Etat du 16 septembre 2015,des médecins et plusieurs agents de santé ont pris d’énormes risques en se mobilisant sous des tirs de balles pour se rendre aux CHU Yalgado, Blaise Compaoré, à la Pédiatrie Charles De Gaulle et dans divers CMA de la ville de Ouagadougou pour apporter des soins d’urgence aux blessés de ces deux évènements dramatiques. Cette mobilisation des agents de santé a été aussi effective dans plusieurs autres provinces du pays où les troubles ont causé des blessures. Le personnel médical est très indigné par cette situation qui frise l’ingratitude et se demande si elle doit encore prendre des risques en cas d’une catastrophe du genre. Par ailleurs, si le gouvernement équipe convenablement certains hôpitaux, il sera possible d’y faire ces chirurgies sans nécessité d’évacuations sanitaires couteuses à l’étranger comme en Tunisie. Le devoir de reconnaissance constitue une valeur humaine envers ceux qui se dévouent pour autrui, la nation et pour l’intérêt général

    3 novembre 2016

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