HomeA la uneANNULATION DE LA MARCHE DE L’OPPOSITION AU CONGO : Sassou peut boire son petit lait

ANNULATION DE LA MARCHE DE L’OPPOSITION AU CONGO : Sassou peut boire son petit lait


 

Au lendemain du référendum du 25 octobre dernier devant permettre au président Sassou Nguesso de briguer un troisième mandat, l’opposition congolaise avait appelé à « une marche patriotique et pacifique » dans tout le pays, le vendredi dernier, pour contester les résultats qui donnent la victoire du « oui » à 92,96% des voix, avec un taux de participation de 72 ,44%. Mais contre toute attente, elle annulera, au dernier moment, les marches à Brazzaville et à Pointe-Noire pour consacrer ladite journée au « recueillement », en mémoire aux victimes des violences survenues à l’occasion de cette consultation référendaire. Sans remettre en cause l’opportunité, pour l’opposition congolaise, de rendre hommage aux victimes de la répression meurtrière des sbires de Sassou, l’on continue de se poser des questions sur ce changement brusque de calendrier. Est-ce parce que l’hommage aux martyrs s’imposait plus que les marches ? Est-ce par peur d’une nouvelle répression, après celle qui s’est abattue sur ses militants, depuis qu’ils ont choisi la rue pour se faire entendre ? Est-ce par peur de ne pas réussir une bonne mobilisation ? Ou alors le pouvoir aurait-il réussi à « enfeuiller » les opposants pour briser une  lutte potentiellement dangereuse pour lui ? L’avenir le dira. Mais en attendant, on peut dire qu’en desserrant l’étau autour de Sassou par l’annulation de ces marches qui devaient se tenir au lendemain de la proclamation des résultats, l’opposition congolaise a manqué une belle occasion d’aller au-delà des mots pour montrer, sur le terrain, son  rejet total de la forfaiture du satrape congolais. Et nul doute que si elle avait réussi une bonne mobilisation et une manifestation sans anicroche, cela aurait pu avoir un impact d’autant plus dévastateur pour l’image du pouvoir de Brazzaville, que la communauté internationale, elle-même, prend avec des pincettes, les résultats de ce référendum. L’adage ne dit-il pas qu’«il faut battre le fer quand il est chaud » ? De plus, y a-t-il meilleure manière, pour l’opposition, de rendre hommage  à ses militants tombés sur le champ de bataille pour la liberté et contre l’imposture, que de réussir à faire échec au plan du maître de Brazzaville ? Ces martyrs sont-ils morts pour rien ?

On attend de voir la suite de l’orientation que l’opposition congolaise donnera à sa lutte

A l’opposition de démontrer le contraire.  Et cela passe par le maintien de la pression et des actions énergiques et d’envergure sur le terrain. En tout état de cause, un affaiblissement de sa part donnerait non seulement du répit au pouvoir visiblement gêné aux entournures par la grogne populaire, mais aussi conforterait le président Sassou dans sa position. Par ailleurs, ce revirement de dernière minute laisse paraître une certaine cacophonie qui dénote de l’impréparation de l’opposition à adopter la meilleure stratégie de combat. Dans ces conditions, l’on ne voit pas comment elle pourrait empêcher Sassou de parvenir à ses fins, surtout en l’absence d’une société civile forte qui aurait pu lui être d’un grand soutien, et au moment où Paris joue les équilibristes dans la crise au Congo, après que le patron de l’Elysée eut donné le sentiment, dès le départ, de légitimer le coup de force constitutionnel de Sassou. En tout cas, cette opposition aurait tort de croire que son salut viendra de l’homme au scooter de Paris, car, tout porte à croire que Sassou a minutieusement préparé son coup et que sa visite à l’Elysée n’était pas pour rien. Cela dit, l’on attend de voir la suite de l’orientation que l’opposition congolaise donnera à sa lutte. Elle est attendue au tournant. Elle joue sa crédibilité et l’avenir de la nation congolaise. Si ces manifestations devaient définitivement s’arrêter là, ses leaders auraient bien de la peine à convaincre de leur probité et de leur patriotisme. Dans tous les cas, pour l’heure, c’est Sassou qui peut boire son petit lait. Car il a joué, et tout semble indiquer qu’il a gagné. Sa victoire finale est prévisible, à moins que l’opposition ne réussisse, d’ici là, à opérer le grand sursaut. Cela est malheureux pour la sous-région. Et l’on comprend l’impatience et  la déception profonde des démocrates du continent et surtout des révolutionnaires burkinabè qui croyaient avoir tracé la voie pour la libération des peuples africains, alors que subsistent encore sur le continent, des dictateurs indécrottables qui passent par tous les moyens pour s’accrocher au pouvoir, malheureusement avec, quelques fois, l’accompagnement déguisé, ou l’indifférence de la France. Ce revirement de l’opposition est aussi la preuve que Brazza n’est pas Ouaga. Et si, comme tout porte à le croire, d’autres chefs d’Etat comme Joseph Kabila et Paul Kagamé devaient s’engouffrer avec succès dans la même brèche, la révolution burkinabè ne serait plus alors qu’un souvenir évanescent. Et ce sera tant pis pour l’Afrique, pour le grand bonheur des satrapes et de leurs clans.

Outélé KEITA


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