APPEL A LA LIBERATION DES JOURNALISTES INCARCÉRÉS AU CAMEROUN : Quand le CPJ met la CAF dans l’embarras
La liberté de la presse est un vilain mot au Cameroun. Car, il suffit d’un rien pour que se mette en branle le rouleau compresseur du président Paul Biya, tant et si bien qu’à ce jour, ils sont huit, le nombre de journalistes incarcérés, dans l’exercice de leurs fonctions. Entre autres, l’on peut citer les cas de Lewis Medja et Nestor Nga Etoya, respectivement directeurs de publication de La Détente libre et Le Renard, condamnés à payer 10 millions et 25 millions de F CFA pour avoir, écoutez bien, dénoncé les conditions difficiles de travail des citoyens camerounais ou pour avoir mis en tête d’affiche, des titres jugés trop forts par le pouvoir. Quand au correspondant de Radio France internationale (RFI), Ahmed Abba, il a écopé d’une peine de 10 ans de prison ferme assortie d’une amende de plus de 50 millions de F CFA, pour avoir commis le péché irrémissible d’être entré en contact avec des membres de la secte islamiste Boko Haram, sans en informer les autorités. Et ce n’est pas tout. Sont dans le box des accusés, trois autres journalistes à savoir Baba Wame, Rodrigue Tongue et Félix Cyriaque Ebolé Bola, accusés de n’avoir pas, en temps de paix, averti les autorités militaires, administratives ou judiciaires de toute activité de nature à nuire à la défense nationale. Vous avez donc compris. Au pays de Biya, la critique est sévèrement punie et la dénonciation passe pour un crime de lèse-président passible d’une lourde peine d’emprisonnement. C’est pour cette raison que le Comité de protection des journalistes (CPJ), dans une correspondance adressée au président de la Confédération africaine de football (CAF), Ahmad Ahmad, lui demande de ne pas récompenser les Etats pour « la répression qu’ils exercent », mais plutôt de les inciter à se conformer aux principes de bonne gouvernance, de démocratie et de respect des droits de l’Homme défendus par l’Union africaine (UA).
Le CPJ cherche à protéger les siens
En d’autres termes, le CPJ souhaite que l’on retire l’organisation de la prochaine CAN au Cameroun parce que, dit-il, « le football doit être un vecteur pour promouvoir les valeurs positives ». Or, le Cameroun est connu pour être un Etat prédateur des droits humains, notamment en matière de répression des journalistes. En témoigne son classement mondial en terme de liberté de la presse : 130 sur 180 pays. En tout cas, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’appel que vient de lancer le CPJ embarrasse au plus haut niveau les premiers responsables de la CAF. Faut-il retirer l’organisation de la CAN au Cameroun de Biya en signe de protestation contre les violations massives des droits de l’Homme ? En le faisant, la CAF créerait ainsi un précèdent dangereux puisqu’il faudrait désormais introduire le critère de bonne gouvernance dans le choix des pays devant abriter la fête africaine du ballon rond. Or, très peu de pays africains, en la matière, sont éligibles. Surtout pas le Maroc et l’Algérie qui rongent déjà leurs freins, espérant un désistement du Cameroun à la dernière minute. En tout cas, quoi qu’il en soit, le CPJ aura eu le mérite d’avoir attiré l’attention de la communauté internationale sur un problème réel et récurrent au Cameroun : l’embastillement des journalistes. Certes, d’aucuns y verront sans doute une démarche corporatiste dans la mesure où il n’y a pas que des journalistes qui sont en prison au Cameroun, mais comme le dit l’adage, « quand on lance une pierre en l’air, chacun cherche à protéger sa tête ». Donc, le CPJ cherche à protéger les siens. Et c’est de bonne guerre.
Boundi OUOBA