APPEL D’UN OPPOSANT RWANDAIS AU RESPECT DE LA CONSTITUTION : David engage le combat contre Goliath
La vague de contestations populaires qui trouble actuellement le sommeil du président burundais, Pierre Nkurunziza, est en train vraisemblablement de gagner les autres pays des Grands Lacs, à commencer par le Rwanda de Paul Kagamé.
L’opposition rwandaise, enhardie par les événements en cours à Bujumbura, a décidé, en effet, de donner de la voix pour condamner les manœuvres du Front patriotique rwandais (parti au pouvoir) visant à amputer de la Constitution rwandaise la clause qui limite les mandats présidentiels à deux.
Pour mémoire, aux termes de l’article 101 de la Constitution de 2003, le président du Rwanda est élu pour un mandat de 7 ans renouvelable une seule fois. Si cette disposition de la loi fondamentale est respectée, le président Paul Kagamé, élu en 2003 puis réélu en 2010, sera en fin de course en 2017.
Mais rien n’est moins sûr quand on sait que celui grâce à qui le Rwanda a pu se relever de l’horreur du génocide, a toujours fait preuve de frilosité voire d’animosité vis-à-vis de ses contempteurs à chaque fois qu’il s’est agi de tracer les sillons de l’alternance au sommet de l’Etat. Et c’est en cela que la sortie, la semaine dernière, du parti d’opposition Ishema par la voix de son Secrétaire général, l’Abbé Thomas Nahimana, appelant les Rwandais à faire barrage à l’instauration de ce qu’il qualifie de « monarchie républicaine », est courageuse et porteuse d’espoir pour tous ceux qui rêvent de voir se produire l’effet domino dans la chute des dictateurs qui, il faut bien le dire, pullulent encore en Afrique.
L’appel de l’opposition qui a été lancé depuis Bruxelles, pour des raisons évidentes, a toutefois peu de chances d’être entendu ou, à tout le moins, d’être suivi à Kigali où, émettre le plus petit avis dissonant peut valoir au mieux un exil, au pire l’échafaud.
Si on ajoute à ce caractère répressif du régime, la pétition qui aurait été signée par environ deux millions de Rwandais demandant une réforme constitutionnelle pour permettre in fine à Paul Kagamé de jouir d’un pouvoir ad vitam aeternam, on est en droit de se demander si le combat de l’opposition politique n’est pas perdu d’avance.
Il serait contre-indiqué de laisser Kagamé refuser toute idée d’alternance démocratique au Rwanda
Mais faut-il pour autant baisser les bras et laisser le peuple rwandais boire la coupe de la dictature jusqu’à la lie ? La réponse est évidemment non et il revient donc à la Communauté internationale de hausser le ton et de rappeler à Paul Kagamé que tous les peuples du monde aspirent à la liberté et qu’aucune application à géométrie variable des principes universels de la démocratie ne saurait être acceptée.
En attendant que les maîtres du monde daignent se départir de leur duplicité et de leur incurie face à un Paul Kagamé réfractaire à toute critique, d’où qu’elle vienne, l’opposition rwandaise, même laminée par la répression, ne doit guère désespérer de poursuivre la lutte car l’histoire, encore récente, nous enseigne que les peuples finissent toujours par triompher de leurs dictateurs.
En tout état de cause, il serait contre-indiqué de continuer à laisser Kagamé s’abriter derrière le bouclier du génocide pour refuser toute idée d’alternance démocratique au Rwanda. A l’instar d’Israël qui exploite à fond la Shoa pour s’imposer à la conscience des Occidentaux, le Napoléon des Grands lacs se complaît dans le passé génocidaire de son pays qu’il n’hésite pas à utiliser pour intimider l’Occident, quelque part pris au piège d’une culpabilité dont il n’est jamais arrivé à s’affranchir.
Certes, Kagamé peut se prévaloir aujourd’hui d’être l’initiateur du renouveau économique et social rwandais. Mais, sans aucun doute, cela ne lui confère pas le pouvoir de dénier à son peuple le plus précieux des biens : la liberté.
Hamadou GADIAGA