APPEL A L’ARBITRAGE DES BURKINABE SUR L’ARTICLE 37:Un peuple affamé et ignorant n’est pas souverain
Jean-Jacques Rousseau est l’un des premiers philosophes à présenter le peuple comme la source unique du pouvoir et par conséquent, le titulaire de la souveraineté. C’était en 1762, dans son ouvrage intitulé « Du contrat social ». Les idées de Rousseau ont été reprises en 1789 par les révolutionnaires français avec à leur tête Robespierre, dans l’intention bien précise de mettre fin à l’héritage féodal.
Dans l’absolu, personne ne peut s’insurger contre le principe
Historiquement donc, le concept de « souveraineté populaire » a été conçu et utilisé pour favoriser l’intérêt général plutôt que les intérêts particuliers, et pour faciliter la marche de la société vers plus de liberté et de démocratie. Aujourd’hui, ce concept est brandi par les députés du groupe parlementaire CDP à l’occasion de leurs deuxièmes journées parlementaires tenues les 18 et 19 septembre derniers, pour justifier leur volonté de soumettre la question de l’article 37 à l’arbitrage du peuple. Dans l’absolu, personne ne peut s’insurger contre le principe, mais dans le cas du Burkina, l’on peut simplement se poser la question de savoir à qui ou à quoi pourrait profiter la tenue d’un référendum sur la révision de l’article 37, avant d’apprécier sa pertinence. Relativement à la question «à qui ? » , tout indique que la seule personne qui pourrait en profiter, c’est Blaise Compaoré. En effet, c’est lui seul qui est au centre de ce grand ramdam politique qui a plongé tout le pays dans une angoisse qui va grandissante. Il suffit d’un renoncement de sa part pour que toutes les peurs, toutes les interrogations s’estompent. Or, visiblement, l’homme n’est pas prêt à opérer cette sublimation. Cette attitude est d’autant plus incompréhensible que le même Blaise Compaoré, de par le passé, avait mis en garde l’ancien président du Niger, Mamadou Tandja, contre le tripatouillage de la Constitution de son pays, dans la perspective de s’accrocher au pouvoir. Son collègue avait passé outre et la prophétie de « l’enfant terrible de Ziniaré s’était réalisée ». Tandja est « allé droit dans le mur » et il s’est fait déposer. Blaise Compaoré s’en souvient-il ? Ou pense-t-il que la prophétie qu’il avait faite à l’endroit de son voisin, n’est valable que pour les autres ?
Quant à la 2e question qui est de savoir à quoi pourrait profiter la modification de l’article 37 par le recours au « peuple souverain » du Burkina, l’on ne doit pas craindre de répondre de la manière suivante : « à tout sauf à la démocratie ». Tous ceux qui s’agitent aujourd’hui pour le référendum, quitte à brûler le pays, savent qu’ils n’ont pas intérêt dans une quelconque alternance au Burkina.
Le peuple souverain, en proie à la faim et à l’ignorance, ignore les enjeux liés à la tenue d’un référendum
Ils ont tellement de privilèges avec le système Compaoré qu’ils n’hésiteront pas à user de toutes les arguties pour préserver la poule aux œufs d’or. Et le fait de servir aux Burkinabè l’idée selon laquelle la question de la modification de l’article 37 de la Constitution doit être réglée par le peuple souverain, en est une. Les tenants de ce discours facile savent que le peuple souverain dont ils parlent est une masse d’anonymes en proie à la faim et à l’ignorance, qui ignore royalement les enjeux politiques liés à la tenue d’un référendum à propos de l’article 37. A ce sujet et dans une autre république de nos tropiques, la RDC pour ne pas la nommer, des populations en sont arrivées à croire que le référendum dont il est aussi question dans ce pays, est une personnalité qui allait leur rendre visite pour améliorer leurs conditions d’existence. Cette anecdote en dit long sur l’étendue de l’ignorance de nos populations sur les questions d’ordre politique. Les princes qui nous gouvernent en sont d’ailleurs conscients. C’est pourquoi ils n’hésitent pas à s’en servir sans scrupules pour conquérir le pouvoir, le conserver, pour finalement le confisquer avec très souvent le soutien actif d’intellectuels ou prétendus tels qui ont choisi de vendre leur âme pour préserver leurs intérêts.
SIDZABDA