HomeA la uneASSASSINAT DU MAIRE D’ADERANBOUKANE AU MALI : Encore un couteau planté dans le dos de la paix

ASSASSINAT DU MAIRE D’ADERANBOUKANE AU MALI : Encore un couteau planté dans le dos de la paix


C’est une grande voix pour la paix et un grand bâtisseur de sa région qui vient de faire les frais du terrorisme au Nord-Mali. Aroudeiny Ag Hamatou, maire de la commune d’Aderanboukane dans le Nord du Mali, dont le véhicule est tombé dans une embuscade, a succombé à ses blessures dans l’avion des Nations unies qui l’évacuait vers Bamako pour des soins. Le défunt maire est réputé avoir été un homme de paix dans son pays, surtout pour Bamako, et était considéré, de son vivant, comme un grand artisan du développement de la région de Ménaka en général et de sa commune en particulier. En effet, à travers la coopération décentralisée et des initiatives culturelles, il venait en aide à sa communauté, les Touaregs des Ouliméden. Quant à la paix, il a œuvré pour sa consolidation,   aux côtés des autorités officielles du pays.

Cet assassinat peut remettre le feu aux poudres

Et c’est probablement cette posture de faiseur de paix qu’il vient de payer de sa vie. Certes, l’attaque n’a pas été revendiquée, du moins pour le moment. Mais, les pistes ne manquent pas. Il peut s’agir d’un acte du Mouvement national de libération de l’Azawad  dont il fut proche, avant de prendre ses distances au profit de Bamako. Il est également possible que le coupable soit à rechercher du côté du Mouvement Unique pour le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO). Bien des observateurs penchent plutôt pour cette seconde hypothèse. De toute façon, au regard des connexions secrètes et douteuses entre les groupes armés qui font la loi dans le Nord-Mali, il n’est pas toujours aisé de distinguer qui fait quoi. En tout cas, le moins que l’on puisse dire, c’est que ces groupes armés, qui contrôlent plus ou moins cette zone du pays, ne sont pas étrangers à cet assassinat. Cette embuscade a été soit leur œuvre personnelle, soit celle de personnes qui ont bénéficié de leur complicité active ou passive.

C’est un truisme de dire que pour les islamistes radicaux qui sévissent encore au Nord-Mali, tous ceux qui sont proches de Bamako sont des ennemis à abattre. Ils sont dans une logique d’éliminer tous ceux qui travaillent dans le sens du retour définitif de la paix dans le pays, étant donné qu’eux n’envisagent aucune trêve avec les autorités maliennes. Leur tâche est rendue quelque peu facile par le fait que l’Etat malien n’a encore aucune maîtrise du Nord du pays. Cet assassinat est encore un couteau planté dans le dos de la paix, un obstacle de plus  dressé sur le chemin du retour de la paix au Mali. Ce drame qui intervient à quelques jours de la reprise des négociations inter-maliennes à Alger, n’est pas, de toute évidence, de nature à apaiser les esprits. C’est un acte de nature à polluer davantage un climat de négociations déjà bien lourd. Sans oublier que sur le terrain, cet assassinat peut remettre le feu aux poudres. C’est du reste ce que laissent comprendre des partisans de l’élu disparu, qui disent que ce crime ne restera pas impuni, évoquant la nécessité de régler les comptes aux auteurs de cette attaque, une fois le deuil passé.

C’est dire que la zone risque de connaître des journées chaudes.

Les terroristes doivent être combattus avec détermination et méthode

Certes, un règlement de comptes entre groupes du Nord, qui fragiliserait les groupes armés partisans de l’autonomie de cette zone, ne serait pas pour déplaire à Bamako. Bien au contraire ! Ce serait pain bénit pour le régime du président Ibrahim Boubacar Kéita, si les groupes armés qui lui sont hostiles pouvaient être fortement secoués. Mais, rien n’est gagné d’avance. Car, ces combats entre « nordistes » peuvent être préjudiciables à la paix et sources de nombreux dérapages en matière de droits humains.

En tout état de cause, cette embuscade meurtrière pose, une fois de plus, toute la problématique de la sécurisation de la région sahélo-saharienne. Les terroristes auraient voulu envoyer un message fort qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement. Car cette attaque sonne comme une réponse des terroristes du Nord-Mali à la tournée de Jean-Yves Le Drian dans cette région, dans le cadre de la lutte anti-terroriste. C’est une sorte de pied de nez fait aux forces internationales, notamment à Barkhane dont la mission est justement de prévenir et combattre le terrorisme dans la région. Une façon pour les terroristes et trafiquants de toutes sortes, qui écument la zone et qui n’ont aucun intérêt à ce que les autorités légitimes et légales en aient le contrôle, de réaffirmer leur détermination.

La sécurisation de cette zone est donc loin d’être une promenade de santé. Surtout que le défi dépasse le seul cadre de l’Etat malien. Comme l’ont du reste relevé le président nigérien, Mahamadou Issoufou, et le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, il faudra s’attaquer à la racine du mal, résoudre le problème en amont. Il est en effet de notoriété publique, au stade où nous en sommes, que la source du terrorisme au Sahel se trouve, pour l’essentiel, dans le sud-libyen. En effet, c’est cette partie du territoire libyen, sanctuaire des islamistes depuis la chute du régime Kadhafi, qui sert de réservoir pour les islamistes. C’est de là que partent de nombreux djihadistes et d’importantes quantités d’armes vers la bande sahélo-saharienne dont le Nord du Mali. Il est donc d’une impérieuse nécessité que le problème soit résolu en amont. Les terroristes doivent être combattus avec détermination et méthode. La saisie des armes illégales au Sahel dont ont fait cas les autorités militaires françaises, doivent se poursuivre et se renforcer. Mais, c’est surtout le repère de « vipères » que constitue le Sud de la Libye, qui devra être nettoyé, autant que faire se peut. Et cela passe nécessairement par une action internationale concertée et bien menée.

« Le Pays »


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