HomeA la uneATTAQUE DE LA SOUTE A MUNITIONS DE YIMDI : Le sergent-chef Ali Sanou raconte les faits

ATTAQUE DE LA SOUTE A MUNITIONS DE YIMDI : Le sergent-chef Ali Sanou raconte les faits


Pourquoi ont-ils attaqué la poudrière de Yimdi? Comment cette attaque s’est-elle passée ? Qu’ont-ils pris dans le magasin à munitions ? Ce sont des questions que plusieurs personnes ont eu à se poser maintes fois. Celui qui semble être le cerveau de l’attaque, le sergent-chef Ali Sanou, a dévoilé sa stratégie à la barre, le samedi 1er avril 2017, devant les juges militaires.

« Dans la nuit du 21 au 22 janvier 2017, pour attaquer la poudrière de Yimdi, j’ai utilisé mes connaissances militaires. J’étais le seul à savoir ce que j’allais faire. J’ai fait deux équipes. A la tête de ces équipes, il y avait Ollo Stanislas Sylvère Poda et Ousmane Djerma. Je leur ai donné des consignes séparément. Je ne possédais pas d’arme, Ollo Poda non plus, mais Djerma avait un Pistolet automatique (PA). Moi, mes armes qui étaient une HK et un PA,  étaient dans ma voiture. Je suis parti à Yimdi sans arme. La mission de l’équipe de Poda était de neutraliser la sentinelle et les postes de garde sans coup de feu. C’était la même mission et la même consigne que j’ai données à l’équipe de Djerma. La mission a été effectivement exécutée selon les ordres et les consignes. Ollé Bienvenu Kam, lui, était chargé de rester à côté des engins. Pour arriver au niveau du magasin, nous avons procédé par des pas d’approche pour aller vers le BC. Nous étions en train d’avancer quand l’un de nous marcha sur une feuille morte. Ce qui attira l’attention de la sentinelle qui a fait signe au chef de poste qui lui a dit d’éclairer là où il a entendu le bruit. Ce qui fut fait, mais ils n’ont rien vu. Alors, le chef de poste a dit de tirer. Quand les coups sont partis, c’était la débandade au niveau des éléments de garde. Tous les gardes ont fui, en abandonnant ainsi leurs armes. Nous nous sommes alors dirigés vers le magasin d’armes. Arrivés à la porte du magasin, il y avait un cadenas sur la serrure. Je suis allé dans le poste de garde  et j’ai demandé à un élément de venir nous aider à ouvrir la porte du magasin. A mon retour, j’ai trouvé que la porte du magasin était ouverte. Nous sommes rentrés dans le magasin, avec l’élément de garde. L’objectif était de chercher des roquettes et des RPG7. Mais nous n’avons rien trouvé de tous cela. Alors, nous avons replié en prenant soin de ramasser les armes des gardes que j’ai cachées dans la cour du maçon qui faisait mes travaux ». A la question de savoir comment il a fait pour mobiliser les éléments  qui étaient avec lui la nuit de l’attaque, Ali Sanou a laissé entendre qu’il a procédé par des techniques d’approche qu’il a apprises à l’école militaire, pour pouvoir les amener à rentrer au Burkina Faso, étant donné que la vie était dure à Abidjan. Selon lui, ils venaient pour se rendre. « Pourquoi avez-vous perpétré cette attaque ? », question du parquet. Le sergent-chef Ali Sanou a laissé entendre, en guise de réponse, que tout est parti «d’une  information, qu’il a reçue à Abidjan en janvier, selon laquelle le général Zida préparait une révolution, un coup d’Etat au Burkina Faso, au cours de laquelle  les deux généraux devaient être  abattus et  Zida devait revenir d’exil pour être président ».

« Information ou renseignement »

C’est pourquoi il a pensé à ce coup, afin de libérer les généraux pour faire échouer le coup de Zida. « C’était une information ou un renseignement ? », a tenu à savoir le juge qui a ajouté : « Parce que l’information est différente du renseignement, en ce sens que le renseignement est une information recoupée, à laquelle on peut se fier. Ce qui n’est le cas de l’information ». Sanou confirme qu’il s’agit bien d’une information qu’il a reçue. Et il ajoute, « mais j’ai su que c’était vrai, quand on nous a attaqués à Pô et à Kayao ».

Pour ce qui concerne le complot militaire, le sergent-chef Ali Sanou a précisé que complot, il n’y en avait pas, en ce sens qu’il a été le seul à monter le projet de l’attaque. La preuve est que quand ils ont quitté la Côte d’Ivoire pour le Burkina Faso, ils ne sont pas rentrés ensemble, encore moins le même jour. Selon ses dires, il est  rentré à Ouagadougou avec Ollé Kam, sur sa moto. Et ils sont passés par le Ghana. Ils sont arrivés le 21 à l’aube. A peine arrivé chez lui, Ali Sanou a fait comprendre que rester à la maison n’était pas sécurisant. Il est dont sorti prendre un taxi qui l’a conduit à Dagnoen, dans un maquis. Il y est resté jusqu’à midi. « Je réfléchissais et je coordonnais », a-t-il dit à la barre. « J’ai appelé Ollé Kam, qui est venu me chercher au maquis vers  12h 30mn ». Ils ont passé leur temps à changer de maquis et de quartier, l’objectif étant de ne pas se retrouver au même endroit longtemps. « Nous sommes allés au maquis Alex. De là, j’ai appelé Couldiaty qui est venu avec Handi. J’ai aussi appelé Djerma et Abou Ouattara. Gounabou est venu nous trouver au maquis Alex. Vers 19h, Kam m’a déposé chez moi. Après, je me suis rendu à Boulmiougou, dans un terrain vide qui sert d’espace pour un maquis. C’est à partir de là que j’ai commencé à appeler les uns et les autres, sans qu’ils ne sachent ce que je voulais faire. A partir de 21h, nous étions sur le pont de Yimdi, Djerma, Poda, Couldiaty, Napon, Handi, Drabo, Nébié, Ollé Kam, Aboubakren et moi-même Ali Sanou ». Par ailleurs, au début de son audition, le sergent-chef Ali Sanou a tenu à s’incliner sur la mémoire  de ceux qui ont perdu la vie lors du putsch manqué. Il a aussi présenté des excuses à ses compagnons, pour les avoir entraînés dans cette aventure.

Auparavant, dans la matinée du samedi 1er avril 2017, est passé à la barre le sergent Ollo Stanislas Sylvère Poda. Il lui est reproché  les faits de « complot militaire, détention illégale d’armes à feu ou de munitions, violence et voies de fait sans ITT, et désertion à l’étranger en temps de paix ». Par rapport à la désertion, Poda explique au Président du tribunal : « Monsieur le Président, j’ai déserté pour sauver ma vie ». Il explique, qu’« après le coup d’Etat manqué, le 27 nuit, ils sont venus pour me chercher, mais c’est mon petit frère qu’ils ont trouvé à la maison. Comme il a dit qu’il ne savait pas où j’étais, ils l’ont torturé et ils sont partis. Comme on me cherchait, j’ai quitté le pays le 28 septembre 2015, la veille de l’assaut sur le camp Naaba Koom. J’étais avec le sergent-chef Zerbo. Je suis allé à Abidjan, chez mon oncle qui logeait à Yapougon. Vu les conditions difficiles dans lesquelles je me trouvais, j’ai quitté Yopougon pour Doropo, un village situé à 9 km. De Doropo, je suis allé à Kampti d’où je suis reparti à Doropo. Je suis revenu au Burkina Faso parce que de nouvelles autorités sont au pouvoir ». Et l’attaque de Yimdi était, selon ses dires, une manière de se venger du général Zida, pour tout ce qu’il avait fait à lui et à ses parents.

Françoise DEMBELE

 


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