HomeA la uneATTAQUES TERRORISTES AU BURKINA : De terribles conséquences tous azimuts  

ATTAQUES TERRORISTES AU BURKINA : De terribles conséquences tous azimuts  


 

Le Burkina n’a pas encore fini de pleurer ses morts que l’incertitude économique et sociale des lendemains  des attaques terroristes, noue les gorges. Au plan économique, les tragiques évènements du week-end dernier pourraient, en effet, accélérer la désintégration du tissu d’une économie déjà durement éprouvée par l’insurrection et les péripéties de la Transition. Déjà, les effets sont perceptibles sur la petite économie dans la capitale. Beaucoup de commerçants tétanisés par les évènements, tardent à sortir de l’hypnose, maintenant, quatre jours après, les volets de leurs boutiques clos. Le secteur des maquis et de la restauration suffoque. Le « Ouaga by night » se meurt  car les artères de la ville, d’ordinaire si animées, se vident de leurs clients dès 21h, donnant par endroits à la cité, des allures de ville fantôme. Les petits boutiquiers qui vivaient de cette intense activité nocturne, assistent impuissants au déclin de leurs chiffres d’affaires.

Le coup des lieutenants de Mokhtar Belmokhtar  est une fort mauvaise publicité pour le Burkina Faso

Et le couvre-feu décrété à l’occasion n’est pas pour arranger  les choses. A cela, il faut bien entendu ajouter le cas des centaines de travailleurs du Cappuccino, de « Taxi Brousse », de Splendid Hôtel et de Hôtel Yibi  dont l’emploi est menacé. A plus long terme, il faut redouter que ces symptômes possiblement passagers, ne laissent la place à des conséquences économiques plus structurelles et donc plus graves. Le régime de Roch Marc Christian Kaboré,  échaudé par ces attentats djihadistes, sera tenté d’amorcer un virage sécuritaire hautement coûteux. Dans un contexte post-transitoire où les caisses de l’Etat connaissent une période d’étiage, certaines activités d’investissement pourraient souffrir de réajustements budgétaires qui, immanquablement, vont se produire. Pire les embrouilles avec certains Etats voisins soupçonnés, en raison de leurs liens avec le régime déchu au Burkina, d’être de mèche  avec les terroristes, pourraient occasionner des goulots d’étranglement au niveau de l’approvisionnement national si elles venaient à perdurer. Au plan international, le mauvais coup des lieutenants de Mokhtar Belmokhtar  est une fort mauvaise publicité pour le Burkina Faso. Déjà victime des récriminations des investisseurs du fait de  la forte corruption latente et la puissance du mouvement syndical aux yeux des investisseurs, le Burkina Faso se voit peint en noir par ce coup de pinceau de Al-Mourabitoune. Les investisseurs  n’aiment pas les incertitudes.  Et les secteurs qui vont en pâtir le plus, c’est le tourisme et l’industrie extractive ; ce qui tombe bien mal pour le projet du pôle de développement du Sahel, une région déjà victime de rapts d’étrangers et des attaques désormais récurrentes contre les forces de sécurité. Par ailleurs, suite aux attaques terroristes, des voix se sont élevées dans le milieu des organisations sociales pour récuser la présence de troupes étrangères sur le territoire national. Connaissant la politique du « donnant-donnant» des puissances occidentales, il faut craindre des mesures de rétorsions économiques si le pouvoir venait à accéder à cette requête. On ne peut en somme qu’être d’accord avec le chroniqueur de RFI, Jean-Baptiste Placca, quand il conclut que sur les économies nationales, «les djihadistes peuvent, au bout du compte, être aussi nocifs que le virus Ebola. »

 

Le fait de vivre cloîtré pourrait être à l’origine d’un baby-boom avec ses conséquences

Au plan social, les conséquences pourraient être aussi terribles. La crainte que le Burkinabè se méfie désormais du Burkinabè est forte, menaçant de facto la cohésion sociale et l’unité nationale dans le contexte post-insurrectionnel où la réconciliation nationale reste un défi. Cette méfiance morbide, en plus de sonner le glas de certaines valeurs traditionnelles comme la tolérance et l’hospitalité qui ont traversé les âges pour encore caractériser les Burkinabè aujourd’hui, peut entraîner des actes irréparables comme les agressions  au faciès  déjà signalées, ou encore la baisse de fréquentation des lieux de socialisation ou de culte. La mobilité même des Burkinabè s’en trouve affectée et le fait de vivre cloîtré pourrait être à l’origine d’un baby-boom avec ses conséquences bien connues. Malgré la survivance du courage des artisans de l’insurrection, la vie sociale des Burkinabè est drapée du voile de la peur, tout comme «les animaux malades de la peste» de la Fable de la Fontaine. Contrairement aux Européens qui aiment vivre dangereusement, les Burkinabè ont du mal à renouer avec leur mode de vie d’antan. Il est alors né un « après 15 janvier social ». Un tel tableau ne pourrait manquer d’entraîner de terribles répercussions politiques. Si le Burkina venait à s’installer durablement dans le viseur des djihadistes, Roch Marc Christian Kaboré aurait un mandat pourri, une situation qui ne serait pas pour déplaire à l’ancien régime qui pourrait entretenir davantage le mythe de l’indispensabilité de Blaise Compaoré. C’est dire que le gouvernement doit tout faire pour éviter, dans les mois à venir, des situations du genre de ce que le Faso vient de vivre. En plus de compter sur la coopération sous-régionale à laquelle le président appelle, il doit actionner le levier de la proximité avec son peuple. Pas seulement cette proximité qui consiste à demander  mécaniquement sa collaboration dans le renseignement, mais plutôt cette solidarité politique, économique et socioculturelle qui permet à chaque Burkinabè de se sentir  bénéficiaire de la richesse nationale, elle-même  conditionnée par la paix et la sécurité nationales.

« Le Pays »


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