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CHRISTOPHE DABIRE, PREMIER MINISTRE, A PROPOS DE L’ALLEGEMENT DES MESURES CONTRE LE COVID-19


Le Premier ministre, Christophe Joseph Marie Dabiré, était, le 5 mai dernier, face à la presse. Actualité nationale oblige, le chef du gouvernement est revenu sur la pandémie du Covid-19. Il a notamment insisté sur les allègements des mesures restrictives qui, dit-il, ne signifient pas la fin de la maladie. Pour ce faire, il en appelle à la conscience de chaque Burkinabè. Nous vous proposons cet entretien retranscrit par le service communication de la Primature. Lisez !

Les allègements des mesures restrictives de libertés ne font-ils pas craindre un rebond de la maladie ?

Christophe Joseph Marie Dabiré : Chaque Burkinabè doit prendre conscience qu’en ne respectant pas les mesures de restrictions définies par le gouvernement, il peut être à la base de la propagation de la maladie. C’est pourquoi nous comptons sur la disponibilité et l’engagement de chacun, pour faire en sorte que lui-même ne soit pas à la base de la propagation de la maladie, en respectant les mesures décidées par le gouvernement. Une des premières conditions, c’est le port du masque. Si le président du Faso et le gouvernement ont décidé de généraliser le port du masque et de le rendre obligatoire, c’est parce qu’il a été démontré que le masque, à lui seul, peut être un facteur de réduction de la contamination, à un niveau qui peut se situer autour de 70%. De ce point de vue, en refusant de porter le masque, parce qu’on estime que ce sont les mesures gouvernementales restrictives, on est soi-même celui qui contribue à faire en sorte qu’il y ait le rebond de la maladie. Donc, nous comptons sur la population qui doit prendre conscience de cette réalité et travailler à faire en sorte que nous ne soyons pas trahis par les décisions qui ont été prises par le gouvernement. Bien évidemment, nous nous réservons le droit de revenir sur ces mesures. Et c’est un droit régalien, de dire qu’à partir du moment où les populations ne se satisfont pas de ces restrictions, et contribuent à faire en sorte que la maladie reparte de plus belle, nous serons obligés de revenir sur ces mesures. Et ce sera au détriment de la population, parce que nous sommes là pour servir les populations et les aider à se développer. Nous sommes convaincus que le comportement de nos compatriotes ne nous fera pas mentir.

Est-ce la pression populaire qui a eu raison de la fermeté du gouvernement quant au maintien des mesures-barrières contre le Covid-19 ?

Non, c’est une décision qui a été prise en essayant d’analyser les contours de cette nécessité et à aller dans cette direction. A partir du moment où on a décidé d’aller vers la réouverture des écoles, en essayant d’étaler cela dans le temps, nous avons voulu apporter une réponse à une des préoccupations de notre processus de développement, à savoir faire en sorte que les élèves et les étudiants de ce pays, ne soient pas les premières victimes du coronavirus. C’est pourquoi nous avons jugé qu’il était possible, dans le contexte actuel, d’aller vers la réouverture des écoles, après avoir discuté longuement avec les partenaires du monde de l’Education. Ce n’est pas une pression qui nous a amené à cela. Maintenant, qu’il y ait des manifestations ça et là, je peux comprendre. C’est tout à fait normal, parce que chacun se dit que son activité économique constitue un élément important pour sa survie, dans le contexte actuel. Nous tenons compte de cela, et je peux vous dire que la décision d’aller vers l’allègement des différentes mesures, c’est après avoir discuté avec les acteurs de ces différents secteurs. Au niveau des Transports, le ministre de tutelle a eu quatre réunions avec les transporteurs, pour définir la manière dont on pouvait reprendre la circulation des bus, dans les villes et à l’interurbain. Ce sont les transporteurs eux-mêmes qui ont défini les conditions dans lesquelles ils allaient reprendre leurs activités. Au niveau des bars, des maquis, des restaurants, le ministre du Commerce a pris contact avec les différents opérateurs. Ils ont discuté avant que nous puissions aller vers l’allègement des mesures restrictives en la matière. En ce qui concerne la réouverture de ces marchés, il y a eu des discussions de plusieurs jours avec les acteurs de ce secteur pour arriver à la conclusion qu’il fallait ouvrir, avec des conditions précises. Ce n’est pas parce que les gens sont sortis dans la rue que nous avons rouvert. Vous savez que pour ce qui concerne la fermeture des mosquées, des églises et des temples, ce sont les responsables religieux qui se sont réunis et ont convenu qu’il fallait accompagner le gouvernement dans la lutte contre cette maladie. Aujourd’hui, dans le processus de réouverture, nous sommes repartis vers eux pour demander leur accompagnement, afin que la maladie ne reparte pas de plus belle. Ils ont défini ces conditions et ils ont indiqué ce qui pouvait être fait. Je pense que c’est un processus participatif et ce processus est extrêmement important dans le travail que nous faisons au niveau du gouvernement.  Nous ne voulons pas prendre des décisions au Conseil des ministres et les imposer aux populations, sans que celles-ci ne soient associées.

Quand on annonce la reprise des classes, on doit compter sur les acteurs que sont les enseignants, alors que le front social n’est pas apaisé. Certains commentaires disent que les mesures qui interdisent les marches et où il faut avoir une autorisation obligatoire sont dirigées contre les syndicats. Alors, qu’en dites-vous ?

Pour ce qui concerne le front social, les ministres techniques ont pris contact avec les différents acteurs. Au niveau de l’éducation, le ministre de l’Education nationale, de l’alphabétisation et de la promotion des langues nationales a rencontré les parents d’élèves, les propriétaires des établissements privés, les enseignants organisés ou non organisés. Il a discuté avec eux, de la manière dont il fallait aller à l’ouverture des différents établissements d’enseignement primaire et secondaire. Nous avons écrit aux organisations syndicales pour les inviter à revenir autour de la table, pour que nous puissions engager le dialogue gouvernement-syndicats. Elles nous ont répondu qu’elles ne sont pas encore prêtes et que quand elles le seront, elles vont nous proposer une date pour que nous puissions démarrer nos travaux. Mon engagement avec celui du chef de l’Etat, c’est d’apurer tout ce qui est passif dans les rapports avec les syndicats. Nous avons travaillé à cela. Nous avons regardé protocole d’accord par protocole d’accord, pour voir ce qui n’a pas été satisfait avant et voir ce qui peut être fait aujourd’hui en rapport avec les capacités financières de notre Etat. Nous souhaitons que les acteurs de l’éducation nationale s’associent aux efforts que le gouvernement fait. Il y aura toujours des contentieux à satisfaire. Ces contentieux, il faut les poser autour d’une table et on verra ensemble ce qu’on peut régler, ce qu’on ne peut pas régler pour l’instant, ou ce qu’il faut différer. Mais, si ce n’est pas une démarche constructive qui nous permette de le faire, le front social sera toujours en ébullition. Ma conviction, depuis que je suis arrivé à la tête de ce gouvernement, est de cultiver le dialogue et de travailler avec les partenaires sociaux, pour que nous puissions avancer ensemble.  Je lance un appel aux organisations syndicales du monde de l’éducation, de travailler à faire en sorte qu’elles puissent nous accompagner dans les efforts que nous sommes en train de développer pour sauver l’année scolaire et universitaire. Tous autant que nous sommes, nous sommes des parents et personne n’a intérêt à ce que l’année soit perdue.

La lutte contre le Covid-19 semble reléguer au second plan celle contre le terrorisme. Apparemment, les groupes terroristes profitent de la situation pour gagner du terrain dans les régions de l’Est, du Nord, du Centre-nord. Est-ce que le gouvernement a prévu de répondre promptement pour que ces terroristes ne s’installent pas durablement, surtout avec l’arrivée de la saison des pluies ?

Nous sommes tous responsables du fait qu’il n’y ait pas de visibilité sur le travail que le gouvernement fait aujourd’hui sur les autres fronts, à savoir sur le front du développement, de la lutte contre l’insécurité et le front social. Il y a des choses qui se font à ces différents niveaux.  Nous avons le sentiment que rien n’est fait sur le terrain de la lutte contre le terrorisme, puisque tout le monde est focalisé sur le Covid-19. Mais en réalité, il y a des choses qui se font sur le terrain. On travaille à renforcer les capacités de nos Forces de défense et de sécurité, on continue de travailler à renforcer nos dispositifs sur le terrain. On continue à développer des mouvements de drone pour permettre de contrer l’avancée des terroristes. Mais cela ne se dit pas puisque nous donnons la priorité, tous autant que nous sommes, à la lutte contre le Covid-19. Je peux vous rassurer que nous travaillons à cela et dès les prochains jours, vous verrez ce qui se fait dans ce domaine.

Depuis le lundi 27 avril, le port obligatoire du masque est entré en vigueur ; mais, on constate que la mesure n’est pas respectée par tous. Comment l’Etat compte-t-il s’y prendre, pour faire appliquer certaines mesures qui devraient permettre de rompre la chaîne de transmission de la pandémie ?

Pour ce qui concerne le port du masque, c’est une décision extrêmement importante. Nous avons pris la décision et nous avons dit que le port du masque peut contribuer à réduire la contamination communautaire dans notre pays. Le port du masque est obligatoire depuis le 27 avril, mais il y a une phase de sensibilisation. Nous allons continuer à faire cette sensibilisation. Aujourd’hui, nous travaillons à faire en sorte qu’il en soit ainsi sur l’ensemble du territoire national. Maintenant, une fois la phase de sensibilisation passée, nous serons obligés de passer à une phase répressive, c’est-à-dire à une phase de contrôle de l’application de la mesure, parce que force doit rester à la loi. Nous ne voulons pas en arriver là. Il faut que chacun, volontairement, puisse aller dans cette direction. Une fois que cela sera résolu, nous pensons que nous allons vivre paisiblement ensemble et en paix dans ce pays.

Aujourd’hui, une crise de confiance est née entre les autorités et les populations, suite aux polémiques liées à la gestion de la crise sanitaire au Burkina Faso. Certaines personnes vont jusqu’à demander la démission de la ministre de la Santé. Quelle est votre réaction à cette question ?

En ce qui concerne la crise de confiance, lorsque que vous voyez ce qui se passe à travers le monde, je n’ai pas encore noté qu’un pays n’a pas connu des difficultés d’organisation et de coordination de la riposte à la pandémie du coronavirus. Même ceux qui sont mieux organisés que nous, ont connu des difficultés. Et ce n’est pas la responsabilité d’un individu, mais c’est la responsabilité de l’ensemble. Je pense que les populations sont toujours impatientes d’avoir des réponses appropriées pour leurs préoccupations. Très rapidement, nous avons pris conscience que les effets pervers de cette maladie touchaient l’ensemble des compartiments des secteurs public et privé. Nous avons essayé de nous réorganiser pour apporter la réponse appropriée. Nous continuons à mener la réflexion pour voir où ça n’a pas marché, quels sont les choix qu’il faut opérer et si nous arrivons à finir cette évaluation, nous irons de l’avant, avec un système de coordination beaucoup plus renforcé, qui prenne en charge tous les compartiments de la lutte que nous sommes en train de mener. Si des décisions doivent être prises, elles le seront le moment venu, après qu’on ait mis devant le Président du Faso, les éléments d’évaluation de la lutte contre cette maladie et la manière dont nous allons apporter la riposte contre cette maladie.

Votre mot de la fin

En décidant de venir vous rencontrer, j’ai voulu faire passer un message d’apaisement. Aujourd’hui, nous sommes en train de nous battre contre un virus. Au début, il y avait une psychose réelle lorsqu’on a parlé de Covid-19. Au point que nous avons assisté à des préoccupations importantes qui nous ont amené à dire qu’il fallait faire en sorte qu’il y ait un apaisement au niveau de la population. Nous avons pris des mesures restrictives. Cela, en vue de répondre immédiatement à la montée de la maladie dans notre pays. Nous constatons qu’aujourd’hui, la maladie semble, je pèse bien mes mots, avoir atteint un certain palier et que les choses sont en train de s’améliorer. Ce n’est pas cela qui nous amène à dire qu’il faut lever les mesures restrictives, c’est parce que nous ne pouvons pas continuer à demander aux populations de rester « confinées » en oubliant que le développement économique et social en prend un coup. Nous devons, à travers les décisions qui ont été prises par le chef de l’Etat, montrer qu’on a confiance à l’ensemble de nos populations et que nous faisons confiance aux aptitudes de cette population à s’adapter à la situation que nous connaissons. On n’a pas besoin de mettre un policier derrière chaque Burkinabè et dire : « Tu ne t’es pas lavé les mains ! Lave les mains. » « Tu n’as pas pris le gel ! Prends le gel. » « Tu n’as pas porté le masque ! Porte le masque. » Nous appelons cette population à être responsable. Je crois que le peuple burkinabè a démontré sa responsabilité dans plusieurs situations. Aujourd’hui, nous faisons recours à cette responsabilité. Que chacun respecte les mesures-barrières préconisées par le ministère de la Santé.  Nous devons rappeler à nos voisins, à nos compatriotes, qu’il est important de respecter les mesures-barrières. Parce que, comme le disent les spécialistes, les mesures-barrières sont à l’origine du recul de la maladie, de l’ordre de 70 à 80%. Des instructions ont été données par le Président du Faso pour faire en sorte que nos structures de santé, où qu’elles se trouvent, puissent être disponibles pour traîter la maladie, pour accueillir les malades ou ceux qui présentent les symptômes, et que l’on fasse en sorte que la prévention précède tout le reste. Nous devons faire confiance au gouvernement, au ministère de la Santé, aux agents de santé, qui sont en train de travailler pour qu’il en soit ainsi.  Nous avons fait confiance à notre peuple pour que ce peuple comprenne qu’il y a des endroits dans lesquels, en ayant une certaine pratique, on peut être à l’origine du départ de la maladie. Voilà un message d’espoir, un message apaisant, pour que la psychose disparaisse dans nos comportements au quotidien. Cela ne veut pas dire que la maladie n’est pas là. Je dis que nous devons apprendre à vivre avec le coronavirus, parce qu’il est là. Et si on accepte qu’il en est ainsi, et que nous travaillons à faire en sorte qu’elle ne se propage pas, nous aurons gagné la bataille.

Propos recueillis par DCRP/Primature


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