HomeA la uneCONFERENCE D’ENTENTE NATIONALE AU MALI :  L’os de l’Azawad reste intact

CONFERENCE D’ENTENTE NATIONALE AU MALI :  L’os de l’Azawad reste intact


La grande palabre entre frères maliens s’est achevée le 2 avril 2017. En effet, la salle du Palais de la culture de Bamako qui a servi de cadre, une semaine durant à ces pourparlers, a refusé du monde à l’occasion de la cérémonie de clôture de la Conférence d’entente nationale, marquée essentiellement par la présentation du rapport final des trois commissions  « unité », « paix » et « réconciliation nationale ». Ce rapport qui comporte des mesures pour améliorer la gouvernance, rétablir la sécurité et mieux gérer, par exemple, les diversités culturelles,  doit servir de matrice à la  future charte de réconciliation nationale. Même si le gouvernement malien peut déjà se féliciter de ce résultat  et d’avoir pu conduire à destination une rencontre qui s’est difficilement mise en route, il est difficile de partager son enthousiasme et son optimisme, tant le bilan semble mitigé. Cela dit, l’on peut même se risquer à dire que le président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) n’est pas parvenu à réditer l’exploit de son aïeul Soundiata Kéita qui, en 1236, après sa victoire de Kirina sur Soumaoro Kanté,  avait réussi le pari de faire adopter la Charte de Kurukan Fuga  avec le souci de fonder des règles de vie commune et surtout d’établir entre les membres d’une même famille et entre les clans, l’entente et la convivialité.

La Conférence d’entente nationale n’aura pas réussi à exorciser le vieux mal qui ronge le Mali

Contrairement aux délégués de Kurukan Fuga qui, selon le Professeur Djibril Tamsir Niane, s’étaient véritablement « préoccupés de la recherche d’une paix durable », leurs descendants, pendant une semaine de débats à Bamako,  ont plus mis l’accent sur ce qui les divise plutôt que sur ce qui les unit. Et les principales pierres d’achoppement, comme il fallait s’y attendre, ont été le statut de l’Azawad et la lutte contre le péril djihadiste. Sur la question précise de l’Azawad, les Maliens ont, en effet, une fois de plus étalé toutes leurs divergences. En effet, alors que l’ambition du gouvernement malien était de réaffirmer l’unicité et l’indivisibilité du territoire malien, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), elle, tablait sur une reconnaissance juridique et politique du Nord-Mali. Même si le rapport final de la Conférence a divisé la poire en deux en reconnaissant l’Azawad comme une entité géographique, culturelle et historique, il faut dire que cela est loin de faire le consensus. C’est dire donc que la CMA n’a pas renoncé pas à ses revendications indépendantistes et comme les mêmes causes produisent les mêmes effets, il faut toujours s’attendre à des bruits de bottes dans le septentrion malien. La Conférence d’entente nationale n’aura donc pas réussi à exorciser ce vieux mal qui ronge le Mali depuis l’indépendance, ni à désarmer les cœurs pour fumer le calumet de la paix entre Maliens du Sud et leurs frères, les hommes bleus du désert. Il faut même craindre que dans un Mali dont l’espace géographique a abrité de grandes et nombreuses entités historiques, le cas de l’Azawad n’ouvre la brèche à d’autres velléités sécessionnistes  comme on le voit avec le Macina. Quant au second point des palabres, il concerne la lutte contre les djihadistes. En effet, Alors que certains estiment que l’on doit continuer à frapper d’ostracisme et à traquer les leaders extrémistes comme le prédicateur radical Amadoun Kouffa ou le fennec du Sahara, Iyad Ag Ali,   d’autres pensent que le moment est venu de  leur tendre la main et de les intégrer dans le processus de réconciliation nationale.

Cette fois-ci, le miel n’est pas présent dans la ruche

Si l’on peut comprendre qu’aucun sacrifice n’est de trop pour la paix, au regard de l’incapacité des Forces armées maliennes (FAMA) à anéantir les réseaux terroristes qui écument le Nord-Mali, l’option d’un dialogue avec les djihadistes risque d’être une pillule amère à avaler. Car, non seulement les nombreuses familles endeuillées du fait des attaques sanglantes des terroristes  auront du mal à ravaler leurs rancœurs, mais il est aussi difficilement envisageable que le Mali, qui vit sous perfusion de la communauté internationale, réussisse à convaincre ses partenaires occidentaux, de l’accompagner dans le sens d’une ouverture politique à des terroristes dont la tête de certains a été mise à prix par la communauté internationale. Sur cette question donc, la Conférence d’entente nationale n’aura réussi qu’à placer le Mali face à un problème insoluble. En somme, sur ces questions qui troublent le sommeil des Maliens, la Conférence d’entente nationale n’a pas eu l’effet escompté et l’on peut se demander si elle était le cadre adapté pour en discuter. Du reste, ce bilan mi-figue mi-raisin  apporte de l’eau au moulin de l’opposition et de  la CMA qui, dès le départ, dénonçaient certains aspects organisationnels de la Conférence tels les thèmes abordés et la durée même du dialogue. Mais pouvait-il en être autrement, quand on sait que ce qui manquait le plus aux participants à cette grand’messe, c’est la sincérité et que le Mali semble victime de la malédiction de Sisyphe, condamné à pousser vers les hauteurs de l’Olympe une grosse pierre qui lui retombait inlassablement sur les pieds, réduisant à néant ses efforts ? Mais il faut déjà se féliciter que les Maliens aient pu s’élever au-dessus des montagnes de morts pour s’asseoir autour d’une même table. Du reste, l’unanimité est faite entre participants à ces pourparlers, que la parole était libre et que des débats ont eu lieu entre toutes les populations, débats qui n’auraient jamais pu exister sans cette conférence.  Même si cette fois-ci, le miel n’est pas présent dans la ruche, on peut l’espérer à la prochaine floraison.  En attendant, le souhait est que tous les acteurs de la scène politique malienne aient à cœur de préserver les acquis et de mettre en œuvre les décisions prises dont l’une des plus importantes est la criminalisation de toutes les revendications faites sous la menace d’une arme ou de la violence. Ce n’est sans nul doute pas un pari gagné d’avance dans un pays où le langage des armes a, depuis une décennie, remplacé celui des hommes.

« Le Pays »


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