HomeA la uneCONTESTATION DE LA VICTOIRE DE DEBY : Que peut encore l’opposition ?  

CONTESTATION DE LA VICTOIRE DE DEBY : Que peut encore l’opposition ?  


 

Le président tchadien, Idriss Deby, au soir de la publication des résultats  provisoires de l’élection présidentielle du 10 avril par la CENI, avait appelé ses partisans et sympathisants à refreiner leur élan de joie en attendant la proclamation des résultats officiels. C’est désormais chose faite depuis ce mardi 4 mai 2016. Le Conseil constitutionnel donne le président sortant vainqueur de l’élection dès le premier tour, avec un peu moins de 60% des suffrages. Deby et les siens peuvent à présent laisser exploser leur joie et savourer leur victoire.  Le processus électoral est donc désormais bouclé et Deby peut reprendre son bâton de commandement. Mais l’opposition rassemblée autour de Saleh Kebzabo, n’entend pas  les choses de cette oreille. En effet, depuis l’annonce des résultats provisoires il y a 2 semaines, elle dénonce « un hold-up électoral » et a appelé les populations à observer une journée ville morte, hier 5 mai, en signe de contestation.  Cette manifestation, si l’on en croit les organisateurs, est la première d’une série destinée à terme à gripper la machine de Deby et l’empêcher de gouverner. L’opposition n’exclut même pas l’extrémité de former un gouvernement parallèle. Mais au-delà des effets d’annonce, quelles sont véritablement  les chances de succès de ce mouvement d’humeur orchestré par Saleh Kebzabo et ses 5 autres mousquetaires ? Sans jouer les Cassandre, tout laisse croire que c’est une bataille contre des moulins à vent, qu’ils viennent d’engager. D’abord, parce que le scrutin a été homologué par les observateurs nationaux et internationaux qui lui ont tous  délivré leur quitus.  Les simples allégations de fraude de l’opposition sur la base de ses propres calculs, peineront à émouvoir le pouvoir tchadien et la communauté internationale. Ensuite, parce que dans  le contexte sécuritaire sous-régional caractérisé par le péril djihadiste, Deby qui s’est illustré par ses victoires militaires au Nord-Mali et au Nigeria, s’impose comme l’homme de la situation. Cette épopée militaire lui vaut encore bien des soutiens dans les milieux occidentaux.

La lutte de l’opposition risque de connaître le sort d’un fleuve endoréique

Enfin, parce que l’opposition elle-même pêche, tant dans ses stratégies de lutte que dans sa crédibilité auprès des Tchadiens. Les manifestations sporadiques ne peuvent maintenir durablement la flamme de la mobilisation. Du reste, exception faite de Saleh  Kebzabo, en matière de mobilisation, les autres opposants ne pèsent pas lourd sur l’échiquier politique national.  Il suffit, pour s’en convaincre, de se référer  aux suffrages  qu’ils ont obtenus lors des élections. Leur crédibilité aux yeux  des Tchadiens est donc douteuse. On ne peut, cependant, pas faire à l’opposition le procès de tenter sa chance, car le contexte s’y prête. Elle tente non seulement de surfer sur les relents de colère et de révolte suscités par les frasques des dignitaires du régime Deby, mais aussi de tirer profit du climat international ambiant défavorable aux pouvoirs à vie. Même si, dans l’immédiat, elle ne peut espérer grand-chose, elle sème pour l’avenir. En un mot comme en mille, on ne court pas grand risque en disant que l’opposition aura beau aboyer, la caravane Deby passera. Il reste à savoir quels dégâts le passage de la caravane causera sur la meute des aboyeurs. Si les perturbations venaient à perdurer, on se demande, en effet, quelle serait la réaction du camp d’en face. Une chose est certaine, le temps des bains de sang est révolu.   Deby qui a déjà la sulfureuse réputation de sanguinaire depuis l’époque de la guerre civile tchadienne, ne voudra plus se rougir  à nouveau du sang de ses concitoyens. Même s’il venait à  être tenté par une nouvelle orgie, le contexte ne s’y prête pas. Les échos du procès de son ex-mentor à Dakar et les risques de se retrouver un jour devant la Cour pénale internationale (CPI), sont suffisants pour l’en dissuader.  Il va donc, dans un premier temps, s’essayer à l’achat des consciences. En Afrique, du fait de l’indigence financière, la résistance des opposants est vite annihilée par l’odeur des espèces sonnantes et trébuchantes. Il reste à savoir si, du fait de l’effondrement de la manne pétrolière, le régime dispose encore en la matière, d’une grosse force de frappe.  Dans tous les cas, si cette option s’avérait inopérante, il reste encore la méthode douce de la répression, celle qui consiste à laisser la Justice agir par procuration. Il suffit juste de « faire acheter la bagarre » par des  juges qui se chargeront de transformer l’arène de combat des opposants, en de minuscules cellules de prison. La lutte de l’opposition risque de connaître donc le sort d’un fleuve endoréique, celui d’aller mourir dans les sables du désert, en l’occurrence, celui du Ténéré.

 

SAHO


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