HomeA la uneCONTESTATION ELECTORALE EN ANGOLA : Réveil citoyen ou calculs politiciens ?

CONTESTATION ELECTORALE EN ANGOLA : Réveil citoyen ou calculs politiciens ?


Les résultats de la présidentielle du 24 août dernier, en Angola, ont été rendus publics le 29 août 2022. Mais avant même leur publication, la contestation montait dans les rangs de l’UNITA (Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola). En effet, le parti de Jonas Savimbi, qui a, soit dit en passant, opéré sa mue sous le leadership d’Adalberto Costa Junior qui en est aujourd’hui le porte-étendard, réfute les résultats provisoires de la Commission électorale, qui donnent un peu plus de 51% des voix au MPLA (Mouvement populaire pour la libération de l’Angola), du président sortant, Joao Lourenço. « Nous sommes sereins, nous avons notre propre décompte des voix et savons que nous obtiendrons plus de députés », a-t-il notamment déclaré, en marge des obsèques de l’ancien président, José Eduardo Dos Santos, qui avaient lieu le week-end écoulé, à Luanda. De là à voir dans cette sortie du candidat de l’opposition, une attitude de mauvais perdant, il y a un pas qu’il faut cependant se garder de franchir quand on sait qu’au sein même de la Commission nationale électorale (CNE), l’unanimité est loin d’être au rendez-vous par rapport à ces résultats.

 

Les contradictions internes à la Commission électorale pourraient rendre davantage suspicieux ces résultats

 

En effet, cinq des seize commissaires qui composent l’instance électorale, pointent du doigt des irrégularités qui entacheraient la crédibilité de ces résultats qui placent le président sortant, Joao Lourenço, en pole position pour remporter ces élections qui s’annoncent comme les plus serrées de l’histoire de l’Angola. Des contradictions internes qui apportent non seulement de l’eau au moulin du candidat de l’UNITA, mais qui pourraient aussi rendre davantage suspicieux ces résultats s’ils ne le confortent pas dans ses convictions qu’il y a anguille sous roche dans la compilation des votes.  La question est de savoir si ces voix discordantes qui s’élèvent au sein de la CNE pour dénoncer des dysfonctionnements, ne sont pas la traduction d’un réveil citoyen au sein d’une institution décidée à jouer son rôle d’arbitre en toute impartialité, ou si elles participent plutôt de petits calculs politiciens visant à semer le doute et à jeter le discrédit sur les résultats d’une élection qui aurait pu pencher d’un côté comme de l’autre, au regard du faible écart de voix entre les principaux prétendants à l’investiture nationale. La question est d’autant plus fondée que si ces tiraillements au sein de la CNE peuvent, d’un certain point de vue, être considérés comme l’expression de la vitalité de l’institution électorale dans une volonté de transparence, ils peuvent aussi traduire un certain malaise au sein de cette institution, de nature à jeter de l’huile sur le feu de la contestation électorale. Toute chose qui finit, bien souvent sous nos tropiques, par des violences parfois meurtrières hautement dommageables à la paix et à la cohésion sociale. L’Angola n’a pas besoin de ça.

 

Aussi rare soit-elle, ce n’est pas la race des hommes au sens élevé du patriotisme, qui manque dans nos républiques

 

Surtout que le scénario de 1992 avec la violente contestation assortie de menaces de reprise des armes par le défunt leader charismatique de l’UNITA, Jonas Savimbi,  est encore frais dans les mémoires. C’est pourquoi l’on ne saurait suffisamment encourager les différents protagonistes à privilégier les voies légales de recours et de règlement du contentieux électoral. Quant à la Commission électorale, ses difficultés à parler d’une seule voix, semblent plutôt symptomatiques du manque de neutralité à la base, des acteurs qui la composent. Au lieu d’être un avantage pour la transparence des résultats, la composition des commissions électorales semble plutôt un handicap en Afrique, avec des commissaires dont on se demande si certains ne se croient pas investis d’une mission de défense, bec et ongles, d’intérêts partisans plutôt que de s’efforcer à la neutralité et à l’objectivité qui devraient faire la force de telles institutions. Mais cela n’est pas propre à l’Angola. Et c’est ce qui contribue à faire le malheur des pays africains où les élections sont devenues des moments redoutés de tensions multiformes. Comment peut-il en être autrement quand au-delà des partis politiques dont les bords sont déjà connus, les autres composantes de ces institutions électorales, à savoir la société civile ou encore des confessions religieuses notamment, peinent souvent à montrer qu’elles se situent à équidistance des chapelles politiques ?  Ce n’est donc pas le fait du hasard, si dans le cas d’espèce, les frondeurs se retrouvent à être les représentants de l’opposition au sein de la CNE. Et pourtant, aussi rare soit-elle, ce n’est pas la race des hommes au sens élevé du patriotisme, capables de se mettre au-dessus des intérêts partisans, qui manque dans nos républiques. C’est dire si au-delà des institutions, c’est la probité morale et la qualité des hommes qui les animent, qui est ici en question. Quand l’Afrique aura trouvé ces hommes-là, elle aura résolu, en grande partie, le problème des contentieux électoraux.

 

« Le Pays »

 


No Comments

Leave A Comment