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DECES DE KOFI ANNAN


 Hommage mérité a une grande voix morale !

Décédé le 18 août dernier, l’ancien Secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a rejoint son pays où seront organisées en sa mémoire des obsèques nationales. Bien qu’il ne fût plus aux commandes de l’institution depuis 2007, la nouvelle de la disparition du prédécesseur de Ban Ki Moon n’avait laissé personne indifférent. En effet, les réactions ont fusé de toutes parts. Et elles ont été marquées par la consternation et les hommages. C’est la preuve, s’il en est encore besoin, que l’homme, de son vivant, a marqué l’histoire dans le bon sens. Cette perception peut être étayée par les faits suivants. Premièrement, il a réussi le tour de force, en 2008, d’éviter que le  Kenya sombre dans un chaos généralisé lié à la crise postélectorale que ce pays a connue.

Il a fallu le sens poussé de la négociation du natif du Ghana, pour tirer le Kenya de l’enfer

En rappel, après l’annonce de la victoire contestée de Mwaï Kibaki contre Raïla Odinga, des affrontements communautaires mettent aux prises les  tribus Kikuyu  d’un côté et Kalenjin et Luo de l’autre. Le bilan est tout simplement effroyable : plus de 1000 morts et 600 000 déplacés. Il a fallu le sens poussé de la négociation du natif du Ghana, pour tirer le Kenya de l’enfer dans lequel certains de ses fils et filles avaient choisi, en toute conscience, de le plonger. Les Kényans s’en souviennent encore et ont tenu à saluer son œuvre et sa mémoire. L’ancien président Mwaï Kibaki a exprimé cela en ces termes : « On se souviendra de M. Annan pour sa médiation  en faveur du retour de la paix ». De nombreux Kényans anonymes, dans les médias et sur les réseaux sociaux, n’ont pas tari d’éloges à son égard, à l’annonce de son décès. Et cela s’inscrit dans la logique des choses, selon l’analyste politique Nanjala Nyabola. En effet, pour ce dernier, « il n’y a pas un pays dans le monde qui soit plus redevable à Kofi Annan que le Kenya ». Le deuxième fait de l’illustre disparu qui a marqué positivement l’histoire, a été posé en 2006. En effet, en 2006, il a réussi à arracher un accord entre le Nigeria et le Cameroun au sujet de la péninsule  pétrolière de Bakassi. Le mérite de Kofi Annan est d’autant plus grand dans la conclusion de cet accord, qu’aucun des deux belligérants n’était disposé à mettre de l’eau dans son vin pour permettre une résolution pacifique de la crise. Il a fallu toute la magie de Kofi Annan pour amener Nigérians et Camerounais à fumer le calumet de la paix. Un tel dénouement heureux est suffisamment rarissime pour être souligné. Le troisième haut et noble fait que l’on peut mettre à l’actif de Kofi Annan, est lié à la lutte contre le VIH/Sida. En effet, en 1997, alors que Kofi Annan prend ses fonctions de patron de l’ONU, l’épidémie brillait de mille feux : 24 millions de personnes sont infectées et plus d’un million de morts tous les ans. Kofi Annan a su trouver les mots justes pour interpeller la conscience du monde. Il avait notamment appelé à la solidarité internationale pour freiner le fléau. Et cet appel a été entendu puisqu’il a débouché sur la création du Fonds mondial de lutte contre le SIDA. Et ce mécanisme de financement porté par les pays nantis, a permis de sortir bien des malades de l’article de la mort, en ce sens qu’il a contribué à développer les offres de traitement et de prévention dans les pays qui n’en ont pas les moyens.

Il laisse un grand vide

L’Afrique, en particulier, reste redevable à Kofi Annan pour tout ce qu’il a fait pour desserrer l’étau du SIDA, autrement appelée « maladie du siècle ». Et le paradoxe de la situation, quand Kofi Annan invitait le monde à aller en croisade contre l’épidémie, se résumait à ceci : les malades étaient au Sud et les offres de traitement et de prévention au Nord. Kofi Annan a réussi l’exploit de tourner le regard du Nord vers le Sud où le fléau faisait des ravages, faute de moyens. Le dernier et grand acte posé par Kofi Annan est le fait qu’il n’a pas craint d’afficher publiquement son opposition à la grande et puissante Amérique au sujet de l’invasion de l’Irak en 2003. Ce refus d’être  un « yes man », c’est-à-dire un béni-oui-oui des Etats-Unis, lui « valut l’ire de l’Oncle Sam mais aussi l’admiration de tous ceux qui pensent que la paix dans le monde réside beaucoup plus dans le multilatéralisme que dans le diktat de l’Amérique ». Ce que certains pays disaient tout bas, de peur des représailles de l’Oncle Sam, Kofi Annan a osé le déclarer publiquement et en des termes qui ne souffraient d’aucune ambiguïté. Tout ce qui vient d’être évoqué participe du côté lumière de l’homme, si fait que son décès peut s’apparenter à une grande voix morale qui s’est tue à jamais. En cela, il laisse un grand vide, car même après sa longue carrière onusienne, il a mis un point d’honneur à s’investir dans des œuvres qui participent de la recherche de la paix en Afrique et au-delà. Pour voir maintenant le côté ombre de Kofi Annan, si l’on peut s’exprimer ainsi,  l’on peut se permettre de citer le génocide rwandais de 1994 et le massacre de Srebrenica en 1995. La modestie et l’humanisme de Kofi Annan l’avaient amené à se sentir en partie responsable et à faire son mea-culpa. Mais à l’analyse, l’on peut se poser la question de savoir si ces deux drames ne sont pas imputables au mode de fonctionnement de l’ONU. Et sous ses deux mandats, justement, Kofi Annan n’a eu de cesse d’appeler à la réforme de l’institution dans le sens d’en faire un véritable instrument au service des grandes causes de l’humanité. En vain. Assurément, c’est une grande étoile qui s’est décrochée à jamais du firmament. Il reste à souhaiter qu’après cette gigantesque icône onusienne, d’autres grandes voix morales poursuivront son œuvre car les raisons pour lesquelles l’ONU a été mise en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, sont plus que d’actualité.

« Le Pays »


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