HomeDroit dans les yeuxDéclaration des biens des personnalités : arrêtons d’amuser la galerie

Déclaration des biens des personnalités : arrêtons d’amuser la galerie


Le 20 février dernier, le président du Conseil constitutionnel du Burkina a reçu en audience une délégation de l’Association des municipalités du Burkina Faso (AMBF) au sein de son institution à Ouagadougou. Le premier responsable de l’institution, Dé Albert Millogo, a profité de cette occasion pour inviter les maires à déclarer leurs biens. Il faut rappeler, à ce propos, que la loi fait obligation au président de la République, aux membres du gouvernement, aux présidents d’institutions ainsi qu’aux maires et à leurs adjoints, de déclarer leurs biens au moment où ils entrent en fonction. Selon le président du Conseil constitutionnel, seule une trentaine de maires sur 300 avaient déjà fait la déclaration de leurs biens.

Tant que l’on peut contribuer aux finances du parti pour acheter les consciences, l’on peut être sûr de n’être jamais inquiété

L’on peut déjà à ce niveau être stupéfait de constater que seulement 10% des maires ont respecté cette disposition. Pourtant, l’objectif de la déclaration des biens, aux dires de Dé Albert Millogo, est « de lutter contre la corruption ». Le président du Conseil constitutionnel aurait dû ajouter à la « lutte contre la corruption », la lutte contre l’enrichissement illicite. L’on peut a priori noter que l’objectif est noble. Les contribuables devraient en principe applaudir des deux mains cette sortie de Dé Albert Millogo contre les prédateurs de la République. Mais à l’analyse, l’on devrait plutôt en pleurer. En effet, le Conseil constitutionnel est à l’image de toutes les autres institutions de contrôle et de régulation mises en place par les républiques bananières. De ce point de vue, l’on peut estimer que le Conseil constitutionnel s’inscrit harmonieusement dans un décor constitutionnel qui triche avec les principes de la bonne gouvernance et de la démarche. Ces principes auraient voulu que le Conseil constitutionnel procédât autrement si tant est que son souci soit de combattre la corruption et l’enrichissement illicite.

D’abord, la nomination à certaines charges de la République ainsi que l’exercice de certains mandats électifs devraient être précédés d’une véritable enquête de moralité. Tant que ce préalable n’est pas fait selon les règles de l’art, l’on ne devrait pas être étonné de voir des gens au casier judiciaire chargé, à la tête de nos institutions et de nos mairies. Dans certains cas, l’on peut même avoir l’impression que les critères éthiques et moraux sont royalement ignorés dans le choix de ces personnalités au profit du seul critère de l’appartenance au parti au pouvoir. Résultat, la République est perçue comme une véritable vache laitière qu’il faut traire au maximum dans une impunité assurée par le pouvoir et le parti. Tant que l’on peut contribuer aux finances du parti pour acheter les consciences, l’on peut être sûr de n’être jamais inquiété. Dans un tel système, l’honnêteté devient une folie et un délit.

La peur du contrôle citoyen aurait pu limiter au Burkina la boulimie de certains prédateurs de la République

Ensuite, quel crédit peut-on accorder dans ces conditions à une déclaration de biens dont le contenu de surcroît est uniquement connu de deux personnes et de Dieu ? Sous nos tropiques, il faut avouer que l’opération est franchement ridicule. Le devoir de transparence commande que le contenu de l’enveloppe soit porté à la connaissance du public, qui pourrait constituer en réalité le premier niveau de contrôle, celui des citoyens. De ce point de vue, l’on doit se convaincre que dans une démocratie, la lutte contre l’enrichissement illicite et la corruption ne peut se faire de manière bureaucratique sans l’implication des citoyens. La peur du contrôle citoyen aurait pu limiter au Burkina la boulimie de certains prédateurs de la République.

Enfin, l’on a l’impression que le contrôle en aval, qui devrait permettre de donner un quitus ou non aux personnalités en fin de mandat, est rarement effectué. Au cas où il serait fait, tout indique qu’il est perçu comme une banale formalité administrative que l’on expédie par acquis de conscience.

Rarement des personnalités indélicates ont été épinglées et traduites en Justice pour détournement de deniers publics et abus de biens sociaux. Pourtant, personne ne peut nier la réalité de ces pratiques au Burkina. Dans le domaine précis du trafic des parcelles par exemple, certains maires, connus pour avoir fait fortune dans la vente illicite des parcelles, vaquent tranquillement à leurs occupations. Les quelques rares dossiers de maires indélicats confiés à la Justice ont le temps de jaunir dans les tiroirs. Pendant ce temps, les juges qui ont pourtant la possibilité de s’auto-saisir de certains dossiers sales de la République sont plus prompts à sévir contre les citoyens présumés coupables de délits mineurs qu’à faire rendre gorge à tous ceux qui jouissent de manière illicite des biens de la République. Dans un tel contexte marqué par une impunité ambiante dont profitent les voleurs à col blanc, quel crédit les citoyens peuvent-ils accorder au président du Conseil constitutionnel dans sa lutte contre la corruption ? L’on est tenté de dire que toutes ces professions de foi sont à usage externe. Elles sont notamment destinées aux bailleurs de fonds, à qui l’on veut donner l’impression qu’au Burkina, on ne badine pas avec la corruption. Au plan interne, personne n’y croit. D’ailleurs, le peu d’empressement dont font preuve les maires et certaines personnalités dans la déclaration de leurs biens, est suffisamment révélateur du peu d’égards qu’ils ont vis-à-vis des organes et des institutions de contrôle et de vérification de la République. Tout cela malheureusement se passe sur le dos du contribuable burkinabè pressuré à l’extrême, pour financer des institutions qui n’apportent quasiment rien au pays.

Sidzabda


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