DEMISSION DE OBASANJO DU PARTI AU POUVOIR : Quand Boko Haram sépare des frères en Christ
On savait que le torchon brûlait entre le président nigérian, Goodluck Jonathan, et son prédécesseur, le très respecté Général Olusegun Obasanjo. Considéré à juste titre comme le pilier du parti au pouvoir, Obasanjo était jusque-là la seule personnalité encore capable de rassembler les partisans et de galvaniser les troupes du parti au pouvoir, à l’orée des présidentielles prévues pour le 28 mars prochain. Mais depuis un certain temps, Obasanjo n’est plus en odeur de sainteté auprès de son poulain. Conséquence logique de cette détérioration des relations, le Général Obasanjo a claqué la porte du PDP, laissant désormais Goodluck Jonathan plus que jamais seul.
Cette défection arrive au mauvais moment
Et pour marquer avec plus de force cette rupture, l’ex-président n’a pas hésité à déchirer publiquement sa carte de membre du parti. A six semaines des élections présidentielles, on peut dire que cette défection est un coup dur pour le président nigérian. Lui qui semblait pourtant bien parti et caracolait même en tête des sondages, malgré son impopularité chez les populations du Nord, traumatisées par les exactions de Boko Haram. Seul de tous les candidats à s’être rendu dans cette région, et sans doute la peur au ventre, il avait finalement accepté de faire une rapide apparition à Maïduguri pour solliciter les voix de ce qu’il y restait comme électeurs, après les massacres et les déplacements provoqués par la peur de Boko Haram. Ce départ de Obasanjo va sans doute peser sur l’évolution de la politique nigériane et surtout sur les élections à venir. Et cela, parce que Obasanjo est une voix qui compte énormément et il est certain que son départ ne manquera pas de faire boule de neige. Pauvre Jonathan ; il faut dire qu’ il n’avait vraiment pas besoin de cela. Déjà abandonné par la plupart de ses plus proches camarades qui ont choisi de rejoindre avec armes et bagages l’opposition politique, dans le viseur de la secte islamiste qui menace de le tuer, celui qu’il convient désormais d’appeler « Badluck » Jonathan (le malchanceux), va devoir resserrer sa ceinture de soldat car c’est sans doute maintenant qu’il prend véritablement le chemin de Golgotha. Cette défection arrive vraiment au mauvais moment. Mais pour tout dire, rien de ce qui arrive aujourd’hui à Goodluck ne devrait le surprendre. En effet le président sortant n’a pas compris que si Obasanjo jouit aujourd’hui d’une si grande notoriété, cela est dû avant tout à sa très forte personnalité, à son tempérament de gagneur et surtout au courage qu’il a de dire chaque fois et avec force, son opinion, quoi que cela puisse lui en coûter. Autant de vertus qui sont malheureusement loin, très loin de coller à la personnalité de Goodluck Jonathan que ses proches qualifient plutôt de pleutre dubitatif et de maladroit. Le soutien de Obasanjo avait propulsé Goodluck au devant des sondages puis à la victoire en 2011, mais cela ne l’avait pas empêché, dans ses mémoires d’ancien chef d’Etat, d’émettre quelques critiques sur la gouvernance de son successeur. Pour ne rien arranger, l’incompétence et le tâtonnement avec lesquels Goodluck Jonathan gère le dossier Boko Haram, sont jugés humiliants et inacceptables par ce bouillant général qui, à 77 ans, veut encore montrer le chemin de l’honneur à son poulain. Pour Olusegun Obasanjo, comme pour nombre de ses compatriotes, l’actuel président a suffisamment fait la preuve de son incompétence à bien gouverner le Nigeria et devrait donc rendre le tablier à la fin de son mandat constitutionnel. Chose que Goodluck n’entend pas de cette oreille. Il ne restait plus donc au général que la solution extrême, la démission du parti.
Les Etats civilisés devraient mutualiser leurs efforts
Et maintenant, que va-t-il devenir ? Cette crise au sein du PDP ne peut que réjouir Abubakar Shekau, lui qui a déjà menacé d’empêcher le bon déroulement des élections. Or, si cette menace est effectivement mise à exécution, ce ne sera plus à une crise au sein du PDP que Goodluck devra faire face, mais à une véritable crise politique à l’échelle nationale. Ce qui risque d’affaiblir la coalition internationale contre Boko Haram. On sait pourtant que cette coalition est, pour le moment, la seule chance pour le continent de vaincre cette pieuvre qui ne fait que s’internationaliser. En effet, en faisant allégeance à l’Organisation de l’Etat islamique, la plus grande organisation criminelle à l’heure actuelle, Boko Haram s’assure le soutien d’un allier redoutable aussi bien en termes de logistique militaire que de cruauté tout court. Les Etats civilisés devraient donc mutualiser aussi leurs efforts si tant est qu’ils tiennent à préserver le monde des affres de ces illuminés. La seule stratégie qui puisse venir à bout de ces hordes de tueurs sans foi ni loi, est incontestablement la coalition, l’anticipation au niveau militaire et le partage des informations à l’échelle planétaire. Et c’est dans ce sens qu’il faut saluer l’entrée du Niger dans la coalition, aux côtés des soldats tchadiens et camerounais, d’une part et d’autre part, l’initiative du président égyptien, le général Al Sissi, dont l’armée a bombardé des bases de l’Etat islamique en Libye. En détruisant les bases et les stocks de munitions de l’Ei en Libye, l’armée égyptienne ne fait pas que venger l’assassinat des chrétiens coptes d’origine égyptienne ; elle porte surtout un coup à l’organisation internationale du terrorisme, et donc aussi à Boko Haram. Il faudrait maintenant que l’UA qui a pris la décision de mettre en place une force internationale pour combattre la bande de Shekau, fasse preuve de dynamisme et pour une fois, s’inspire de l’Union européenne qui ne dort pas, tant que la vie d’un seul européen est menacée, où que ce soit dans le monde.
« Le Pays »