HomeA la uneDESIGNATION DU DAUPHIN DU PRESIDENT BURUNDAIS:L’après-Nkurunziza se précise

DESIGNATION DU DAUPHIN DU PRESIDENT BURUNDAIS:L’après-Nkurunziza se précise


Le 8 juin 2018, alors que le Burundi venait d’adopter une nouvelle Constitution par référendum, permettant à Pierre Nkurunziza de briguer deux nouveaux mandats  de sept ans, ce dernier, à la surprise générale, avait annoncé qu’il ne serait pas candidat à sa succession en 2020. Depuis lors, le cap a été maintenu. En effet, le  21 janvier dernier, l’Assemblée nationale a adopté un projet de loi qui assure à Pierre Nkurunziza une vie de pacha à la fin de son mandat. Dans la foulée, Pierre Nkurunziza a fait ses adieux à ses partisans au cours de la clôture de trois jours de prières organisées par le parti CNDD-FDD, le parti au pouvoir. Le 26 janvier dernier, l’après-Nkurunziza s’est précisé par la désignation de son dauphin. La personne qui a l’honneur de jouer désormais ce rôle est l’un des apôtres les plus proches du président Nkurunziza. En effet, le général Evariste Ndayishimiye, puisque c’est de lui qu’il s’agit, fait partie du groupe de généraux issus de l’ex-principale rébellion hutu au pouvoir depuis 2005.

Le général Evariste aura toutes les chances de succéder à son mentor Nkurunziza

A cela, il faut ajouter qu’il occupait le poste de secrétaire général du CNDD-FDD. Pierre Nkurunziza a donc jeté son dévolu sur un homme qui lui doit tout. De ce point de vue, sa désignation comme dauphin est loin d’être une surprise. L’on peut déjà saluer Pierre Nkurunziza pour avoir tenu effectivement parole. Et de la part d’un homme qui, naguère, se faisait passer pour un envoyé de Dieu pour diriger le Burundi, le simple fait d’accepter de passer le témoin à un autre Burundais, fût-il de son écurie, est un acte qui peut lui valoir des sympathies.

Le 20 mai prochain donc, sauf tremblement de terre ou retournement de dernière minute, le général Evariste aura toutes les chances de succéder à son mentor Nkurunziza. En effet, depuis 2005, date de l’avènement de ce dernier au pouvoir, c’est le CNDD-FDD qui régente le Burundi. En réalité, c’est un parti qui a pratiquement le statut de parti-Etat et qui, de ce fait, avait réussi à bouter hors du pays toutes les formations politiques qui osaient critiquer l’Evangile selon Saint Pierre Nkurunziza. Et ce n’est pas parce que ce dernier s’en va que le pays va changer de fond en comble, comme par enchantement, au point de devenir un haut lieu de la démocratie. Car, il ne faut pas se faire beaucoup d’illusions. Pierre Nkurunziza ne va jamais se choisir un dauphin qui va immédiatement, une fois élu, le traîner devant les tribunaux. Et quand on connaît l’immensité et la gravité des dérives dont il s’est rendu coupable pendant son règne, l’on peut comprendre pourquoi il veut un dauphin susceptible de lui assurer une retraite paisible et dorée.

En effet, sous son mandat, Pierre Nkurunziza a sévi contre le Burundi. Des violences y ont fait, d’après les estimations de la Cour pénale internationale (CPI), au moins 1200 morts et plus de 400 000 réfugiés entre avril 2015 et mai 2017. Nkurunziza a donc intérêt à s’offrir un successeur qui ne se permettra pas un droit d’inventaire sans complaisance.

D’ailleurs, on peut se poser la question de savoir si le général choisi par le dictateur, a lui-même intérêt à ouvrir les placards de son mentor puisqu’il l’a accompagné de manière active, à transformer le Burundi en satrapie. Mais   sait-on jamais !

Le Burundi aussi est capable d’une mue avec le général  Evariste

Le général Evariste peut surprendre agréablement. En tout cas, l’on peut espérer qu’il s’illustre, dans l’hypothèse où il est élu par le peuple burundais en mai prochain, dans une sorte de devoir d’ingratitude envers son mentor de manière à inscrire le Burundi post-Nkurunziza dans une logique de vérité, de justice et de réconciliation. En tout cas, c’est un passage obligatoire pour une refondation politique du Burundi, sur des bases assainies. Et pour réunir les ingrédients d’un tel paradigme politique, il doit se donner les moyens de marcher sur les traces de l’actuel Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed. Ce dernier, en effet, n’a pas eu peur de rompre, de manière significative, avec les méthodes expéditives et dictatoriales de ceux qui l’ont hissé au sommet de l’Ethiopie. Résultat : le pays, sous sa gouvernance, est en train de s’aménager une place dans le concert des nations civilisées. Le Burundi aussi est capable d’une telle mue avec le général  Evariste, même s’il faut reconnaître que ses états de service et son parcours politique n’invitent pas à l’optimisme quant à ses chances d’incarner un changement de qualité pour le Burundi.

En attendant, le cas burundais peut inspirer l’enseignement suivant : les dictateurs coûtent cher à leur pays quand ils sont au pouvoir. Quand ils n’y sont plus, ils coûtent toujours  cher. Après Kabila en RDC, c’est Pierre Nkurunziza qui se taille une retraite dorée. Le paradoxe est que cela se passe dans un pays où le simple fait, pour le citoyen lambda, de se payer un médicament générique pour soigner des maux de tête, demeure un luxe.

« Le Pays »a


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