DIALOGUE NATIONAL AU GABON : Savoir poser le bon diagnostic dans l’intérêt du peuple
Un mois ! C’est la durée que doit prendre le Dialogue national qui s’est ouvert le 2 avril au Gabon et qui vise à poser les jalons du renouveau du pays. Des concertations nationales qui se veulent inclusives et qui interviennent quelque sept mois après le coup d’Etat du Général Brice Clotaire Oligui Nguema qui a renversé le président Ali Bongo dans les conditions que l’on sait. Si l’initiative de ces concertations inter-gabonaises est bonne et louable, elle n’est pas nouvelle sous nos tropiques où elle est devenue un passage privilégié pour bien des pays en transition. Et dans le cas d’espèce du Gabon, au-delà de la durée de la transition, l’autre mission de ce Dialogue national inclusif est de définir les grands principes d’organisation de l’Etat et des pouvoirs publics. C’est dire l’importance de ces assises nationales qui s’annoncent cruciales pour l’avenir du pays et qui visent à baliser le terrain de la gouvernance du Gabon de demain, aussi bien sur le plan politique, économique que social et culturel. En cela, le président de la transition à l’initiative de ce dialogue national, pose un acte de haute portée historique et politique pour son pays. Car, après plus d’un demi-siècle de pouvoir sans partage des Bongo (père et fils), le Gabon a besoin de redéfinir son avenir.
L’inclusion tant chantée par les autorités de Libreville, ne sera pas forcément au rendez-vous au cours de ces assises
Toute chose qui passe par une large concertation et qui requiert des « forces vives de la nation », de savoir poser le bon diagnostic dans l’intérêt du peuple. La question qui se pose est de savoir si les 580 participants attendus à ce dialogue, seront dans la même dynamique. La question est d’autant plus fondée qu’avant même le lancement de ces pourparlers, des voix et pas des moindres au sein de l’ancienne opposition qui n’a pas rallié la cause des militaires, s’élèvent pour dénoncer une parodie de dialogue visant à tracer la voie royale de la légitimation de son pouvoir par les urnes, au Général Oligui Nguema. Comment peut-il en être autrement quand on sait comment les participants à ce dialogue national ont pratiquement été triés sur le volet par une junte au pouvoir manifestement désireuse de contrôler les débats et qui s’est fait la part belle en s’assurant de la présence d’une majorité de représentants acquis à sa cause ? Comment peut-il encore en être autrement quand dans la Charte de la transition édictée par les militaires au lendemain du coup d’Etat du 30 août dernier, l’éligibilité de tous les autres dirigeants de la transition au scrutin à venir, est remise en question à l’exception du président de la transition, qui n’est pas par hasard l’actuel homme fort du pays ? C’est dire si les récriminations de l’opposition ne manquent pas de fondements et que l’inclusion tant chantée par les autorités de Libreville, ne sera pas forcément au rendez-vous au cours de ces assises. Toutefois, sans remettre en cause l’opportunité et la pertinence de ce dialogue national, il a besoin d’être véritablement sincère pour traduire les aspirations profondes du peuple gabonais.
Le peuple gabonais a tant souffert qu’il ne mérite pas de se voir imposer une dictature en remplacement d’une autre
Autrement, s’il s’agit de travailler à tailler, sans vouloir y paraître, un costume à la mesure des forts du moment, il est à craindre que les mêmes causes ne tardent pas à produire, dans quelques années, les mêmes effets. Mais le peuple gabonais a tant souffert qu’il ne mérite pas de se voir imposer une dictature en remplacement d’une autre. En attendant, il faudrait déjà sortir de la période d’exception. Et ce dialogue national vise aussi à décider de la durée de la transition et à entériner un calendrier définitif de retour à l’ordre constitutionnel. C’est dire si les Gabonais sont aujourd’hui à un tournant de leur histoire. Et il leur appartient de savoir l’écrire dans le sens de l’intérêt général. Car, les dirigeants passent, mais les peuples et les nations demeurent. Et en plaçant les travaux de ce dialogue sous le pilotage des religieux, sans doute les autorités de la transition espèrent-elles lui donner encore plus de crédit, au-delà de la volonté affichée de dépassionner les débats. C’est peu dire donc que la responsabilité de ces derniers est donc grande devant l’Histoire. Et il leur appartient de se montrer à la hauteur de leur rôle, en ayant à cœur l’intérêt supérieur de la Nation et en travaillant à rapprocher les Gabonais. En tout état de cause, en attendant l’organisation d’un référendum d’adoption de la future Constitution du pays avant les élections, ce dialogue se veut une étape importante de cette transition entamée au lendemain de la chute du président Ali Bongo. Et, il appartient aux Gabonais de savoir transformer l’essai pour mieux s’ouvrir la voie des élections de fin de transition qui se veulent celles de la rupture avec un passé de souffrances.
« Le Pays »