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DIALOGUE REPUBLICAIN EN RCA : L’introuvable consensus ?


Réélu au terme de la présidentielle du 27 décembre 2020 dans des conditions qui ont fait couler beaucoup d’encre et de salive – moins d’un tiers de la population avait pu voter en raison des attaques coordonnées des groupes rebelles à travers le pays- le président Faustin Archange Touadéra avait promis un  dialogue républicain. Un dialogue censé permettre au pays de tourner la page de la crise multiforme à laquelle il est confronté depuis plusieurs années maintenant. Ouvert le 21 mars 2022 en présence de plusieurs anciens chefs d’Etat centrafricains, ce dialogue se tiendra finalement sans l’opposition politique qui a claqué la porte au dernier moment, estimant que certaines de ses exigences et non des moindres, n’ont pas été prises en compte. Notamment  l’inclusion des groupes armés audit dialogue ainsi que le débat sur la réélection du président Touadéra dont la légitimité est toujours remise en cause par la même opposition. Cela n’a pas empêché le maître de Bangui de déclarer que ce dialogue « n’est pas un dialogue de trop mais  une chance de plus pour la paix ».   La question que l’on pourrait se poser est de savoir à quoi servira un tel dialogue dit républicain s’il ne peut réunir les principaux protagonistes de la crise pour discuter des questions essentielles de la vie de la Nation.  

 

La confiance ne semble pas la chose la mieux partagée entre les Centrafricains

 

Déjà que les groupes rebelles ont été écartés, quel sera l’intérêt de ce dialogue si le pouvoir de Bangui doit aussi composer sans l’opposition censée pourtant jouer son rôle de contrepouvoir pour un meilleur équilibre des débats ? Un monologue insipide qui créerait beaucoup plus de problèmes qu’il n’est censé en résoudre, en ce que les frondeurs auront toute la latitude de ne pas se sentir liés par ses conclusions même si celles-ci pourraient, de fait, s’imposer à eux. Mais est-ce vraiment la solution ? Rien n’est moins sûr. Car, si l’histoire a souvent montré les limites de la politique de la chaise vide dont l’opposition centrafricaine vient de prendre l’option, elle est aussi pleine d’enseignements sur les dangers de décisions obtenues au forceps et qui cachent souvent bien mal des desseins inavoués. Dans le cas d’espèce, l’opposition centrafricaine « n’entend pas servir de faire-valoir à cette parodie de dialogue » quand certains de ses membres ne justifient pas leur boycott par leur refus de participer à une concertation « en forme de plébiscite du chef de l’Etat pour modifier la Constitution ». C’est dire si dans ce dialogue supposé républicain, la confiance ne semble pas la chose la mieux partagée entre les Centrafricains. Comment, dans ces conditions, trouver le consensus nécessaire à une véritable sortie de crise, surtout quand les protagonistes donnent le sentiment d’être agrippés à leurs intérêts égoïstes ? A moins qu’en choisissant de faire sans l’opposition politique,  l’objectif réellement visé par le pouvoir de Bangui ne soit ailleurs, d’autant que la tenue de ce dialogue est l’une des conditions posées par les bailleurs de fonds occidentaux pour continuer à apporter leurs appuis financiers à l’ex-Oubangui Chari.

 

Au-delà même du dialogue républicain, c’est de la réconciliation des cœurs dont les Centrafricains ont le plus besoin aujourd’hui

 

Quoi qu’il en soit, avec ces défections de poids, la Centrafrique semble partie du mauvais pied pour un dialogue républicain fructueux. Au-delà, tout porte à croire que tant que les acteurs politiques centrafricains ne se mettront pas dans une logique de dialogue franc et sincère en s’élevant au- dessus de leurs intérêts personnels pour privilégier l’intérêt supérieur de la Nation,  le pays ne connaîtra pas la paix. Cette paix qui, de François Bozizé à Faustin Archange Touadéra en passant pas Michel Djotodia et autre Catherine Samba Panza,  n’est pas loin d’être une arlésienne ; tant chacun semble voir midi à sa porte. C’est dire si au-delà même du dialogue républicain, c’est de la réconciliation des cœurs dont les Centrafricains ont le plus besoin aujourd’hui. Mais comment y parvenir avec des groupes armés disséminés à travers le pays, parfois cornaqués par des opposants revanchards comme l’ex-président François Bozizé dont l’objectif ne semble rien d’autre que la reprise du pouvoir par les armes ? Il faut bien se le dire, le problème de la Centrafrique, comme dans bien des pays africains, reste principalement le manque de sincérité des acteurs politiques aux ego souvent surdimensionnés. Or, tant qu’il en sera ainsi, on aura beau multiplier les dialogues et autres cadres de concertation, le résultat  sera toujours le même : l’échec. Dans le cas de la Centrafrique, si l’objectif est la paix, la nécessité de tendre la main aux groupes armés (ce que demande l’opposition), ne souffre pas de débat. Mais ces derniers ont tellement souvent fait preuve de mauvaise foi en violant des accords précédents que l’on peut se demander s’ils ne sont pas dans la logique de la seule et unique volonté de conquête du pouvoir d’Etat, ou encore s’ils ne refusent tout simplement pas d’être liés par un accord afin d’avoir les mains libres pour continuer leur lutte. L’histoire le dira.

 

« Le Pays »


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