HomeA la uneDISCOURS DE PAUL KABA THIEBA SUR LA SITUATION DE LA NATION : Les chiffres c’est bien, mais le panier de la ménagère c’est mieux

DISCOURS DE PAUL KABA THIEBA SUR LA SITUATION DE LA NATION : Les chiffres c’est bien, mais le panier de la ménagère c’est mieux


Le 14 avril 2017, le Premier ministre (PM) Paul Kaba Thiéba était devant les députés pour son premier Discours sur la situation de la nation, après sa Déclaration de politique générale du 5 février 2016. En effet, pendant plus de trois heures, Paul Kaba Thiéba a tenu son auditoire en haleine, pour peindre à sa manière l’action de son gouvernement, avant de revenir pour une phase de questions qui aura aussi duré près de deux heures. Il s’agissait, en effet, pour le chef du gouvernement, de faire le bilan de l’année écoulée et dresser un diagnostic de l’état de santé de la Nation. Du discours de locataire du palais de Koulouba, l’on retiendra en substance que « des progrès substantiels » ont été réalisés dans divers domaines par son gouvernement, en témoigne, entre autres, le taux de croissance qui est passé d’environ 4% à 6,2%.

Pour la grande majorité des Burkinabè, la croissance se mesure à l’aune du contenu du panier de la ménagère

Pour cette raison et pour bien d’autres, il ne fait l’ombre d’aucun doute, pour l’enfant du Sourou, que « Burkina Faso is back ». Quoi qu’il en soit, les Burkinabè n’en demandent pas mieux, et l’on a envie de croire le chef du gouvernement sur parole, tant les chiffres parlent pour lui. Mais il reste que pour la grande majorité de ses concitoyens, la croissance se mesure à l’aune du contenu du panier de la ménagère qui n’en finit malheureusement pas de se dégrader d’année en année, depuis que le vocabulaire de la vie chère s’est invité au quotidien des Burkinabè. Et l’on ne peut pas dire que ce contenu s’est fondamentalement amélioré, ces dernières années. C’est pourquoi l’on a envie de dire que les chiffres c’est bien, mais le panier de la ménagère c’est mieux. Toutefois, il reste entendu que pour y parvenir, cela ne relève pas de la seule responsabilité du gouvernement. Il faudrait que les Burkinabè, dans leur ensemble, se donnent la main pour sortir le pays de la passe difficile dans laquelle il se trouve depuis bientôt trois ans. En cela, l’on ne peut pas donner tort au PM, quand il dit au passage que les actions des syndicats à travers les grèves à répétition, ont eu pour effet de freiner peu ou prou l’élan du gouvernement ; toute chose qui a pu impacter négativement sur certains chiffres. Cela dit, dans la forme, l’on peut dire que le discours de Paul Kaba Thiéba n’a pas dérogé à la règle de la longueur, par rapport à ceux de ses prédécesseurs qui étaient déjà jugés harassants, si fait que l’on s’est souvent demandé si les honorables représentants du peuple en retiraient véritablement quelque chose de substantiel, certains brillant visiblement par un manque de concentration, quand ils ne somnolaient pas tout simplement. Mais comment peut-il en être autrement, quand on sait qu’il s’agit de faire le bilan de l’action gouvernementale dans son ensemble, et que cet exercice est une disposition de la loi, en l’occurrence l’article 109 de la Constitution, qui fait obligation à tout locataire de la primature de rendre compte de la gestion des affaires de l’Etat, au moyen d’un exposé sur l’état de la Nation livré devant la Représentation nationale ? Du reste, d’aucuns n’ont pas manqué, malgré tout, de relever que certains domaines n’ont pas été suffisamment abordés par le PM, comme certains acteurs du monde de la culture par exemple, qui estiment que le temps accordé à leur domaine par le PM n’aura pas excéder trois minutes, preuve, si besoin en était, qu’ils demeurent encore et toujours les parents pauvres de la politique du gouvernement. Mais il faut reconnaître que dans l’organisation de ce rendez-vous important du chef du gouvernement avec les élus nationaux, il y a eu des améliorations. Car, en commençant dans la matinée, cela permet d’avoir beaucoup plus l’attention soutenue des représentants du peuple qu’au moment où il le discours du PM débutait dans l’après-midi pour se terminer très tard dans la nuit. Nonobstant cela, l’on peut relever que compte tenu de la longueur de l’exposé, le temps réservé aux réponses ne permet pas toujours au PM de trop s’étendre sur certains sujets ; obligé qu’il est de ramasser certaines réponses ou de survoler des questions. Toute chose qui peut laisser certains de ses interlocuteurs sur leur faim. Cela dit, il ne serait donc pas superflu de songer, autant que faire se peut, à réfléchir à un format plus court sans toutefois éluder les questions de fond, pour éviter à la longue que cet exercice dont l’importance n’est plus à démontrer, ne devienne un rituel folklorique, d’autant plus qu’il n’est pas soumis à un vote.

L’on a eu plus le sentiment du verre à moitié plein que de celui à moitié vide

Du reste, à l’occasion de ce discours sur la situation de la Nation, l’on aura remarqué un Paul Kaba Thiéba très en verve comme à son habitude, mais avec quelquefois des piques ciblées et une teinte d’offensive quelque peu poussé contre ses détracteurs. Cela peut se comprendre étant donné que beaucoup de députés ont transformé cette tribune en une tribune de provocation. Dans le fond, à l’écoute du discours du PM, l’on a eu plus le sentiment du verre à moitié plein que de celui à moitié vide, comme si tout allait pour le mieux au pays des Hommes intègres. Mais la question que l’on pourrait se poser, est de savoir si cela est le sentiment de la majorité des Burkinabè. Rien n’est moins sûr. Quoi qu’il en soit, il faut reconnaître que dans l’ensemble, les chiffres parlent pour Paul Kaba Thiéba. Et il est indéniable que dans plusieurs domaines, des efforts et même des réalisations ont été faites. Notamment, entre autres, dans le domaine de l’eau avec l’accession des populations à l’eau potable, dans le domaine de la santé avec la gratuité des soins pour la mère et l’enfant de moins de cinq ans, dans le domaine de la lutte contre l’insécurité où les lignes commencent à bouger. Maintenant, reste qu’en ce qui concerne le nerf de la guerre, l’argent ne circule pas. Si le PM y voit un effet induit de la lutte contre la corruption, pour le citoyen lambda, c’est l’un des critères majeurs de la vitalité de l’économie, et le gouvernement gagnerait à ne pas perdre cela de vue. En d’autres termes, les discours d’amphi, c’est bien, mais au-delà de la réalité qu’ils traduisent, ils ont plus le don d’embrouiller les citoyens lambda pour qui seule compte la réponse à la lancinante préoccupation du « Viima y a kanga* ».

 

« Le Pays »

*viima ya kanga : la vie est dure, en langue nationale mooré.

 


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