HomeA la uneDOSSIER NORBERT ZONGO : Désamorcer enfin la bombe

DOSSIER NORBERT ZONGO : Désamorcer enfin la bombe


La Justice burkinabè, on se rappelle, avait prononcé en 2006, un non-lieu à propos de l’affaire Norbert Zongo, du nom de ce célèbre journaliste d’investigation atrocement assassiné en 1998 à Sapouy. Ce déni de justice avait choqué et suscité l’indignation de bien des Burkinabè. Il a fallu attendre l’avènement de la Transition pour relancer le dossier. Le premier acte fort allant dans ce sens, a été la nomination d’un nouveau juge d’instruction en lieu et place de celui qui avait pris la responsabilité historique de prononcer le non-lieu en 2006. Le deuxième acte fort, de toute évidence, a été l’inculpation de trois militaires de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP). La décision a été prise par le doyen des juges d’instruction, Emile Zerbo, le jeudi 10 décembre 2015 dernier, soit 3 jours avant la commémoration du 17e anniversaire de l’assassinat du journaliste. Les militaires qui ont été alpagués sont le soldat Christophe Kombacéré, le Caporal Wampasba Nacoulma et le Sergent Banagoulo Yaro. Ces 3 soldats, faut-il le rappeler, avaient également été épinglés par la Commission d’enquête indépendante mise en place, à son corps défendant, par Blaise Compaoré suite à cet acte ignoble. L’on doit, à la vérité, de dire que c’est l’impunité qui lui a été réservée, qui a été en partie le ferment et l’élément déclencheur des différentes luttes héroïques du peuple burkinabè contre les excès du régime de Blaise Compaoré. De ce point de vue, l’on peut se risquer à affirmer que les évènements des 30 et 31 octobre 2014 qui ont contraint Blaise Compaoré à quitter son trône pour prendre la route de l’exil, trouvent leur cause lointaine dans la gestion désastreuse et nauséeuse du dossier Norbert Zongo. C’est pourquoi l’on peut dire que sa réouverture s’imposait au pouvoir de la Transition.

Les textes ne suffisent pas pour consacrer l’indépendance réelle des juges

Et l’on peut se permettre de relever et de saluer tous les actes qui ont été posés par les nouvelles autorités allant dans le sens de la manifestation de la vérité dans cette affaire. L’on peut également saluer l’indemnisation des ayants droit de Norbert Zongo et de ses compagnons d’infortune ainsi que la volonté des autorités de la Transition d’immortaliser la mémoire du journaliste assassiné en lui dédiant une avenue à Ouagadougou. Tous ces faits sont les signes des temps nouveaux que l’on peut observer depuis la chute de Blaise Compaoré. Et le peuple burkinabè, peut-on dire, ne semble pas disposé à tolérer le moindre acte posé par ses gouvernants, qui n’irait pas dans le sens de ces temps nouveaux. C’est pourquoi tous ceux qui disposent d’une parcelle d’autorité dans ce pays, doivent impérativement prendre en compte dans leurs actes de tous les jours, ce renouveau démocratique auquel aspire fortement et légitimement le peuple burkinabè. Tous ceux qui seront tentés de s’en écarter un seul instant, en paieront un lourd tribut. Cet enseignement, le gouvernement à venir doit en faire son vade-mecum. Il doit notamment se comporter de manière à favoriser enfin la manifestation de toute la vérité dans le dossier Norbert Zongo. Car, celui-ci s’apparente à une bombe. Tant qu’elle ne sera pas désamorcée dans les règles de l’art, le Burkina Faso ne connaîtra pas de répit. L’on peut également, relativement à ce dossier, se risquer à interpeller les acteurs du pouvoir judiciaire. Désormais, ceux-ci doivent mettre un point d’honneur à traduire dans les faits, toute la portée de leur serment et ce principe sacré pour toute démocratie digne de ce nom, c’est-à-dire l’indépendance de la justice. Le parlement de la Transition a déjà, en partie, légiféré sur la question en votant un texte qui ne fait plus du président du Faso le président du Conseil supérieur de la magistrature. Cela est un pas dans la bonne direction. Mais les textes ne suffisent pas pour consacrer l’indépendance réelle des juges. Il faut aussi que ces derniers s’assument. C’est cet impératif qui peut les conduire à satisfaire la soif de justice du peuple burkinabè. Au-delà de l’affaire Norbert Zongo, les uns et les autres doivent courageusement s’investir pour combattre efficacement l’impunité en exhumant et en traitant tous les dossiers de crimes de sang et de crimes économiques. Dans cette perspective, les organisations de la société civile ont un rôle d’interpellation à jouer. Mais elles doivent savoir que dans un Etat de droit, la justice doit être à l’abri de toute pression et de toute ingérence, d’où qu’elles viennent.

Sidzabda


Comments
  • Merci pour ce bel article. En résumé, l’on peut affirmer à la suite de feu Norbert Zongo que: “Vous aurez beau tuer Norbert Zongo, tôt ou tard la vérité sur l’assassinat crapuleux de David Ouédraogo jaillira”. De même la vérité sur les crimes odieux de Sapouy verra jour tôt ou tard, nonobstant le déni de justice autrefois consacré sous le régime précédent. Comme le dit l’adage, je cite: “Le mensonge a beau courir, la vérité le rattrape un jour”. Je suis parfaitement d’accord avec vous que les textes seuls ne suffisent pas pour une justice impartiale. En effet, cela dépend surtout des hommes chargés d’appliquer les dits textes et d’animer cette justice. C’est le lieu pour moi, à la suite des voix autorisées, d’interpeller une fois de plus, nos professionnels de la justice qui condamnent sans sourciller les voleurs de “poules” et laissent en toute impunité et liberté, les voleurs aux “cols blancs” et autres acteurs de crimes économiques et de sang. La justice, dans une société humaine, constitue le premier pilier de l’édifice social et partant, d’une vie communautaire paisible. De plus, sur le plan économique elle constitue un baromètre, ô combien important, pour les investisseurs, surtout étrangers qui y regarderont par deux fois avant de placer leurs billes dans un pays. Ce paramètre fait partie de ce qu’on appelle “le risque-pays” établi régulièrement par des institutions spécialisées pour permettre aux investisseurs, en un coup d’œil, de prendre le pouls d’une économie avant de s’y aventurer. C’est pourquoi, lorsque, par exemple, des juges condamnent des banques en mailles avec leurs clients, sous le prétexte fallacieux que celles-ci ont l’argent, c’est rendre un mauvais service à toute l’économie nationale.

    Il faut saluer les autorités de la transition qui, par des mesures audacieuses, redonnent de l’espoir au citoyen lambda quant au verdict auquel il sera confronté demain dans les tribunaux et, ce en toute impartialité des juges. Au demeurant, ceux-ci doivent enfin saisir la perche qui leur est ainsi tendue pour redorer leurs blasons jadis ternis par leurs atermoiements et faire restaurer la virginité de la justice qui était devenue la première prostituée de la cité (excusez-moi de l’expression).

    Au-delà des crimes indescriptibles et médiatisés qui ont fait coulé tant d’encre, la justice gagnerait à faire une opération “portes ouvertes” des maisons de correction pour rendre justice et faire indemniser, ces nombreux citoyens anonymes et démunis qui croupissent en prison pour des broutilles et dont on a fini par oublier l’existence pour nombre d’entre eux. Cela aussi participe de la réconciliation des fils et filles de ce beau pays qui vient d’écrire une page glorieuse de son histoire et d’apporter sa pierre à l’édification d’un monde meilleur où comme Dieu le veut :” les loups dormiront avec les brebis et les enfants joueront avec les vipères sans dommages”. Que Dieu bénisse le Burkina Faso!!! Amen!

    15 décembre 2015

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