DRAME DE PERKOA : Il faut situer toutes les responsabilités
Le mont Sanguié dont les entrailles abritent la mine de Perkoa dans le Centre-Ouest du Burkina Faso, n’a finalement pas accouché du miracle tant espéré par les Burkinabè. En effet, la course contre la montre engagée depuis le 16 avril dernier, n’a pas permis de sauver Charles Bama et ses compagnons d’infortune, pris au piège suite à la furie meurtrière des eaux dans la mine souterraine où ils travaillaient. Il faut donc se rendre à l’évidence, le Burkina n’est donc pas le Chili où, il y a quelques années, un tel scénario-catastrophe s’était produit mais où le suspense avait connu finalement un dénouement heureux. En tout cas, tous les dysfonctionnements qui ont conduit à la tragédie humaine de Perkoa ou qui l’ont entourée, rendant inespéré le sauvetage des 8 mineurs, le prouvent bien. Mais avant de revenir sur ces manquements, il convient de saluer la mémoire des disparus qui, comme bien des travailleurs burkinabè, se sont levés, un matin, pour aller chercher leur pitance quotidienne afin de subvenir aux besoins de leurs familles respectives mais qui, finalement, ne sont pas rentrés le soir comme l’espéraient les leurs.
L’Etat doit mieux assurer son rôle de contrôle de l’activité minière
Face à l’épilogue douloureux de l’inlassable entreprise de sauvetage de ces 8 mineurs, l’on ne peut qu’avoir une pensée émue pour les familles qui, un mois durant, se sont accrochées au mince espoir de retrouver les leurs vivants et qui se retrouvent devant la brutalité de ce triste dénouement. Cela dit, comme en pareilles circonstances, il faut tirer toutes les leçons de ce drame si l’on ne veut pas être condamné à revivre les mêmes horreurs dans un pays qui rêve d’un destin minier encore plus grand que celui d’aujourd’hui. Et le premier des enseignements à tirer est que l’Etat doit mieux assurer son rôle de contrôle de l’activité minière en ouvrant l’œil, et le bon, sur le respect des cahiers de charges par les entreprises minières. Les graves manquements décriés à Perkoa ne sont que la partie visible de l’iceberg des entorses que les sociétés minières font à la législation en vigueur dans le pays. Il est plus que jamais temps que les intérêts personnels des dépositaires de l’autorité de l’Etat, fassent place à l’intérêt général surtout que l’on sait que les graves conséquences de l’activité minière peuvent impacter durablement les générations à venir. C’est d’ailleurs le lieu déjà d’interpeller les différents acteurs de la mine de Perkoa qui entre dans ses dernières années d’activités, au respect de toutes les mesures après services afin que ces béantes excavations souterraines laissées par l’exploitation, ne se transforment en hécatombes pour les populations locales. La seconde leçon importante à tirer de cette tragédie, est l’absence d’une véritable offre de services sécuritaires et de matériels logistiques adaptés à l’industrie minière. Pour parer à l’urgence à Perkoa, l’on a été, par exemple, contraint d’importer des machines d’Afrique du Sud et du Ghana ; toute chose qui a nécessairement impacté les délais de sauvetage des mineurs.
La toute première urgence est de faire en sorte que la déception des populations ne se mue en colère
Il est donc nécessaire que sous l’impulsion de l’Etat et avec le concours du secteur privé, il soit mis en place une véritable chaîne de valeurs liée à l’industrie minière comprenant les services en matière de sécurité sur les installations minières, qu’elles soient industrielles ou artisanales. Enfin, la dernière leçon et pas la moindre à tirer de ce drame de Perkoa, c’est la nécessité de mettre en place, en pareilles circonstances, une véritable communication de crise gérée par des professionnels. En effet, si l’on peut saluer l’engagement du gouvernement aux côtés des travailleurs et des familles, la présence gouvernementale a parfois créé ce que l’on appelle en matière de communication, des bruits organisationnels qui ont quelques fois pollué l’atmosphère. Lorsqu’on lit les écrits sur les réseaux sociaux, certains ministres se tirent de cet épisode malheureux avec une image fortement écornée. Mais en attendant de s’attaquer à ces graves dysfonctionnements, il faut parer à l’urgence. Et la toute première urgence est de faire en sorte que la déception des populations ne se mue en colère dans une région qui constitue un véritable volcan social. C’est le lieu aussi d’appeler les familles et les proches, à la retenue. Car, aucun accès de colère ne ramènera à la vie ces mineurs engloutis par les entrailles de la terre. Et mieux, il faut poursuivre le combat mené par les disparus pour nourrir leurs familles et participer au développement de la province et de la région. C’est à cette seule condition que le martyre de Charles Bama et ses compagnons, gardera un sens. L’autre urgence est l’accompagnement des différentes familles pour traverser cette dure épreuve faite de boue, d’eaux sales et finalement de larmes. Cela est un impératif humain, humanitaire, social et culturel. Toutes ces mesures à prendre ne devront certainement pas occulter le fait qu’au sortir de ce deuil, toutes les responsabilités doivent être situées et s’il y a lieu, des sanctions doivent être prises. Cela ne signifie toutefois pas qu’il faut trouver coûte que coûte des boucs-émissaires à sacrifier mais que toute la lumière doit être faite sur cette tragédie qui s’est déroulée à l’ombre des galeries souterraines de Perkoa.
« Le Pays »