HomeA la uneELECTION DE GUTERRES A LA TETE DE L’ONU : Un nouveau pilote aux commandes d’un vieux machin

ELECTION DE GUTERRES A LA TETE DE L’ONU : Un nouveau pilote aux commandes d’un vieux machin


Antonio Guterres va prendre la succession de Ban Ki-moon à la tête de l’Organisation des Nations unies (ONU) à partir du 1er janvier 2017. Le Portugais a été élu par acclamation par le Conseil de sécurité, hier, 6 octobre 2016. Il n’y aura donc pas eu de surprise.  En effet, il a tenu la corde lors des opérations de sélection et aucun membre permanent du Conseil de sécurité ne s’est mis en travers de sa voie. Dès lors, sa désignation officielle n’était plus qu’une formalité. C’est fait à présent. Une des choses que l’on peut noter de prime abord, c’est que toutes les personnes qui s’étaient prises à rêver de l’avènement d’une femme à la tête de l’organisation mondiale, vont encore devoir patienter. Les représentantes de l’autre moitié du ciel, pourront toujours affûter leurs armes en attendant les batailles futures.

L’ONU est fragilisée par les vives tensions au sein du Conseil de sécurité

En attendant, on peut dire que le nouveau Secrétaire général a le profil de l’emploi. Celui qui est ancien Premier ministre de son pays et qui a dirigé le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés, connaît bien la maison ONU et fait l’unanimité autour de sa personne. Ses qualités et compétences sont connues. Ce qui, du reste, s’est reflété dans son élection par acclamation. Cette capacité à faire l’unanimité, il en aura bien besoin tout au long de son mandat. Car, tout compétent qu’il est, il n’en demeurera pas moins soumis à de rudes épreuves. Celle notamment de faire des Nations unies, une organisation davantage respectable et respectée, avec plus de succès dans ses actions, surtout dans la préservation de la paix, son objectif majeur. Car, après sept décennies d’existence de l’ONU, la paix mondiale demeure un serpent de mer. En effet, le monde est aujourd’hui en proie à toutes sortes de guerres et de crises armées et les vies des Casques bleus sont de plus en plus exposées dans les missions de l’organisation mondiale. Des voix s’élèvent pour demander que les opérations onusiennes soient de plus en plus musclées. L’ONU est aussi fragilisée par les vives tensions au sein du Conseil de sécurité. En effet, il exhale aujourd’hui, un parfum de guerre froide dans les allées du Conseil. Ce parfum se transforme en odeur de poudre et de gaz sur les théâtres des conflits comme en Syrie. La Russie, qui, pendant longtemps, a observé les Etats-Unis d’Amérique régenter le monde, semble désormais vent debout. En effet, le pays de Poutine n’entend plus céder la moindre once de leadership à son vieux concurrent américain, s’érigeant en obstacle rédhibitoire à l’Oncle Sam dans la résolution de certaines crises qui secouent le monde. En Syrie, restés longtemps en retrait, les Russes ont pris de court les stratèges occidentaux, désormais réduits à négocier avec Moscou, jusque-là, sans trop de succès. En somme, les tensions américano-russes mettent à nu une certaine impuissance des Nations unies. Elles révèlent à quel point ce sont les grandes puissances, surtout ces deux géants, qui dictent leur conduite à l’ONU et in fine, au monde. C’est scandaleux du point de vue éthique. A l’image de ce droit de veto, détenu par une poignée d’Etats qui font la pluie et le beau temps aux Nations unies. On voit bien que dans les faits, le nouveau Secrétaire général des Nations unies n’aura pas toutes les cartes en main pour la résolution de certaines crises dans le monde. Si ses propositions de solutions ne rencontrent pas l’assentiment des deux grandes puissances aux visions généralement opposés, ce sera peine perdue. La diplomatie se révèle, à bien des égards, impuissante face aux tout-puissants Russes et Américains. D’où la nécessité de remettre au goût du jour, le vieux débat sur la réforme de l’institution, pour limiter, à défaut de l’anéantir, la trop grande puissance des pays membres permanents du Conseil de sécurité.  Seulement, il ne saurait y avoir de justice politique sans justice sociale. Tant que l’essentiel des ressources des Nations unies proviendra des membres permanents, il sera difficile que les opinions des « petits contributeurs » pèsent suffisamment dans la balance, à l’heure des grandes décisions.

Guterres fera face aux mêmes difficultés que son prédécesseur Ban Ki-moon

En effet, jusqu’à présent, les détenteurs du droit de veto ont coutume de snober l’ONU et la légalité internationale, chaque fois que celles-ci se mettent en travers de leurs intérêts. C’est ce qu’on aura constaté avec l’intervention de l’Amérique de Georges Bush Junior en Irak. On se rappelle que malgré l’opposition d’autres membres permanents comme la France à cette opération, les Etats-Unis y sont allés, sous le regard médusé et impuissant du reste du monde. La suite, on la connaît. A présent et comme pour se venger de n’avoir pas été écouté à propos de l’Irak et de la Libye, c’est la Russie qui, à son tour, en fait voir des vertes et des pas mûres aux Nations unies, pour ce qui est de la crise en Syrie. C’est dire que dans bien des situations, l’ONU est cantonné au rôle de simple spectatrice. Ainsi, l’organisation mondiale traîne encore bien des tares et fait face quasiment aux mêmes problèmes qu’à sa création. Guterres est donc un nouveau pilote aux commandes d’un vieux machin. Il fera face aux mêmes difficultés que son prédécesseur Ban Ki-moon. Ses marges de manœuvre sont objectivement limitées. C’est dire toute l’immensité de la tâche qui l’attend.

« Le Pays »


Comments
  • Au poste administratif de Secrétaire Général, on n’élit pas sur un programme, on désigne son occupant.e. Cependant la nomination de l’ancien Premier ministre portugais et ancien Haut Commissaire des Nations Unies, Antonio Guterres, peut paraître une surprise pour certaines personnes, qui suivent l’actualité internationale. C’est un homme politique, qui se présente comme un homme d’action. Alors qu’il pourrait se présenter aux élections présidentielles dans son pays d’origine, à un moment où il avait une certaine popularité auprès de l’opinion publique. Mais il n’a pas voulu, choisissant le terrain d’action, plutôt que présider des cérémonies officielles et des inaugurations des bâtiments comme Président du Portugal.
    Un homme d’action, ce n’est pas uniquement qui agit, mais qui s’indigne, qui prend position en agissant. Or face à la régression des pays européens, de la politique européenne et du silence des pays arabes sur la situation des réfugiés près l’éclatement des Printemps arabes, Antonio Guterres s’est dans un silence total. Sachant que le mandat de Ban-Ki Moon tirait sur sa fin en 2016, est-ce que c’était une stratégie pour se positionner dans sa succession?
    Sa désignation par les membres permanents et non permanents du Conseil de Sécurité n’est pas une surprise en soit. D’une part, c’est un homme, qui n’a pas montré son opposition à la domination des grands pays, et surtout des Etats-Unis, qui use et abuse son droit de veto pour bloquer toutes les résolutions des conflits dans le monde, qui ne satisfait pas ses intérêts nationaux et d’autre part les membres non permanents jouant un rôle figurant (puisqu’ils changent tous les 2 ans) ne pouvaient mettre d’accord pour prendre une position contre la.e candidat.e du club des 3 permanents (Occidentaux) et non la Chine et la Russie. Il faut se rappeler la position radicale des Etats-Unis contre le deuxième mandat du premier Secrétaire Général d’origine africaine, feu Boutrous Bourtrous Ghali en 1992. Il avait présenté deux agendas : agenda de la paix et agenda du développement. Ce qui n’avait pas plu à la politique extérieure extrémiste du Gouvernement de Bill Clinton. On ne fait pas la paix avec des Casques Bleus, qui sont de plus en plus violents contre les populations qu’ils sont supposés apporter une protection. Certains d’entre eux sont des pédophiles, de violeurs des petites filles et des femmes. Ils sont protégés par leurs pays d’origine et le système onusien. Mettre au centre des politiques de cet organisme international la paix et le développement répondent aux objectifs de sa création. Mais ce qui manque c’est la volonté.
    En parlant de machin, le Général de Gaulle avait raison. Comme pensée par les dirigeants Britannique et Étasunien des années 1940 avant même la fin de la seconde occidentalo-asiatique, l’ONU a été créée comme un machin à leur disposition dans un monde où les ex puissances coloniales seraient un groupe minoritaire dans la nouvelle scène internationale.
    Si on observe les actions de cette organisation internationale depuis les années 1950, on se rend compte que la recherche de la paix et le développement n’ont jamais été des préoccupations des grands pays membres, qui sont supposés contribuer plus à son budget administratif. La réforme du Conseil de Sécurité n’a jamais été prise en sérieux. Les pays, qui voulaient avoir le statut de membres permanents comme l’Italie, le Japon, le Brésil, l’Afrique du Sud, le Nigéria, l’Egypte, l’Inde…, ont laissé une bataille inutile pour un machin, qui ne fonctionne pas. Mais pourquoi continuent-ils à être membres et à payer leurs contributions au budget de l’ONU? Ces contributions pouvaient financer des programmes dans leurs pays ou coopérer entre pays du Sud.
    Être Secrétaire Général de l’ONU, c’est une manière de faire de paraître sur la scène internationale sans avoir une responsabilité, c’est accomplir le diktat de quelques membres permanent d’un conseil, qui se ressemble plus à une organisation militaire comme un organe de consensus. Enfin c’est une manière bien finir sa vie politique et professionnelle et d’avoir son portrait dans les halls du siège central.

    11 octobre 2016

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