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EMEUTES EN TUNISIE : Le Jasmin va-t-il se flétrir ?


Il y a 5 ans, précisément le 17 décembre 2010, devant le gouvernorat de Sidi Bouzid, Mohamed Bouazizi, dans un acte désespéré, se faisait hara kiri par  le feu en protestation contre le chômage de fait où l’avait plongé le retrait de sa charrette qui l’aidait à masquer son statut de «  sans emploi ».  La suite des évènements est connue. C’est la révolution dite du Jasmin qui a contraint  le satrape Ben Ali à déserter, tambour battant, ses luxurieux appartements sur les côtes azurées de la Tunisie.  Cinq ans après, « bis repetita », car c’est dans cette même région du Centre-Ouest de la Tunisie déshéritée, rurale et toujours minée par le chômage, à Kasserine, qu’un autre jeune Tunisien, Ridha Yahyaoui, s’est fait électrocuter pour protester contre son retrait d’une liste d’embauche de la Fonction publique. Cet acte de désespoir mobilise depuis le week-end dernier des manifestants de plus en plus nombreux pour réclamer des solutions au chômage et, au passage, la fin de la corruption latente. C’est donc de l’euphémisme que de dire que la révolution du Jasmin, mère du printemps arabe qui avait soulevé tant d’espoirs, a, du point de vue des attentes sociales, accouché d’une souris si elle n’a pas tout simplement avorté. Les gouvernants tunisiens de l’ère « post-Ben Ali »  n’ont pas pu désamorcer la bombe sociale du chômage. Ils se sont plus préoccupés des réponses politiques à la révolution qu’aux causes profondes de l’insurrection. « Les mêmes causes produisant les mêmes effets », on n’avait pas besoin des services d’un marabout pour prédire l’embrasement à nouveau de la rue.  Les peuples ne vivent pas que de liberté, mais ils vivent aussi de pain et donc de travail.

Le pouvoir tunisien doit   trouver les moyens d’occuper le peuple en le remettant au travail

Les autorités tunisiennes, malheureusement, ne sont pas les seules sur le continent à faire l’autruche face au problème du chômage. En Afrique francophone surtout, il y a péril en la demeure car il y a une véritable carence en matière de politique d’emplois. L’emploi est plutôt perçu comme une monnaie politique pour appâter, de façon démagogique, un électorat essentiellement jeune. En témoignent les multiples promesses gouvernementales africaines qui n’ont de réalité de changement que le nom. Et ces gouvernants font leur nid sur un vieux socle culturel né du système colonial français : les populations vont apprendre à l’école du « gros français » conformément à la théorie de « l’assimilation » qui sous-tendait le système. Reste qu’elles se retrouvent après, contraintes de se tourner les pouces en attendant que l’Etat leur trouve de l’emploi. Cet « Etat-providence » est définitivement mort et le rôle de l’Etat moderne n’est pas de fournir des emplois, mais de créer les conditions qui génèrent l’emploi et ce, à travers une orientation économique et idéologique cohérente, soutenue par un système éducatif adapté. Les succès  dans les pays anglophones comme le Ghana prouvent que cela ne relève pas de l’utopie. Toutefois, à la décharge des autorités tunisiennes, elles viennent de prendre les commandes de l’Etat et ce, après une période d’instabilité politique qui n’a pas offert beaucoup de marges de manœuvre pour les questions de l’emploi. Pire, l’insécurité, du fait du terrorisme, a bouché l’artère principale d’une économie essentiellement extravertie, le tourisme  qui, à lui seul, représente 7 % du PIB et plus de 400 000 emplois directs et indirects. Ces obstacles permettent amplement de mesurer les défis à relever par le pouvoir tunisien, pour ne pas laisser faner entre ses mains, les immenses espoirs de la révolution du Jasmin. Il doit  impérativement  trouver les moyens d’occuper le peuple en le remettant au travail. A défaut, il le trouvera dans la rue. Et ce n’est pas en bandant les muscles comme il l’a fait, par la répression policière, qu’il viendra à bout d’un peuple qui a déjà admirablement fait la preuve de sa détermination en déboulonnant le régime trentenaire et féroce de Ben Ali.  «  Un homme qui a faim est un homme en colère », dit-on, mais  un peuple affamé est un tsunami en préparation.

SAHO


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