ETAT DE LA LIBERTE DE LA PRESSE DANS LE MONDE
Des progrès en dents de scie
Cette année encore, l’ONG Reporters sans frontières (RSF) a sacrifié à la tradition, en publiant son rapport de l’année écoulée sur l’état de la liberté de la presse dans le monde. De ce rapport 2017 publié le 25 avril dernier, en prélude à la Journée mondiale de la presse célébrée le 3 mai, l’organisation internationale peint une situation peu reluisante de la liberté de la presse dans le monde. Pire, selon ce rapport, au cours de l’année écoulée, la situation des journalistes dans l’exercice de leur fonction, s’est dégradée par rapport à l’année précédente. En effet, entre tentatives de musèlement, suspension de médias, coupures d’Internet, menaces, violences physiques, emprisonnements arbitraires, etc., les professionnels des médias ont été à la peine aux quatre coins du monde en 2017, quand certains n’ont pas payé de leur vie, leur engagement pour un métier qui est pourtant vécu par beaucoup comme un sacerdoce. Ainsi, d’Est en Ouest et du Nord au Sud, le 4e pouvoir comme le disent certains, a été rudement mis à l’épreuve sur la planète. Entre autres facteurs explicatifs, on peut évoquer les guerres au Moyen-Orient, la montée des extrémismes en Occident, le crime organisé en Amérique latine et les dictatures en Afrique.
Parlant du continent africain où l’ONG dit avoir observé de légers progrès dans la partie subsaharienne, la situation demeure globalement inquiétante dans de nombreuses autres contrées. Comme à l’accoutumée, des pays comme l’Erythrée, le Soudan et Djibouti apparaissent comme les plus grands prédateurs de la liberté de la presse sur le continent. A leur suite, le Togo, la Guinée, le Tchad, le Cameroun ou la République démocratique du Congo (RDC), présentent un palmarès peu reluisant, surtout en matière de couverture des manifestations à caractère politique. Comment peut-il en être autrement quand les dirigeants de ces pays, à des degrés divers, présentent tous les attributs de dictateurs, à travers des actes et attitudes aux antipodes de la démocratie ?
Les journalistes resteront encore pour longtemps, la mauvaise conscience de certains dirigeants
En tout cas, dans ces pays et dans bien d’autres comme le Burundi, les deux Congo ou encore le Rwanda, la presse est sérieusement malmenée, quand les travailleurs des médias ne sont pas simplement persécutés. Et il y a lieu de croire que les professionnels de la plume, de l’image et du micro, resteront encore pour longtemps, la mauvaise conscience de certains dirigeants, en l’occurrence les dictateurs. En tout cas, dans ces pays, les journalistes ont toutes les peines du monde à exercer convenablement leur métier. De là à conclure que les déboires de la presse avec les pouvoirs publics, sont la preuve que l’Afrique a mal à sa démocratie, il y a un pas que certains ont vite franchi. Et il est difficile de leur donner tort quand on voit que dans cette grisaille, des pays comme le Ghana, la Namibie, l’Afrique du Sud et le Cap Vert qui font bien mieux que se défendre en se classant devant des pays comme l’Espagne, la France et le Royaume-Uni, font partie des meilleurs élèves de la démocratie sur le
continent. C’est dire si à la lumière de ce rapport, l’on peut affirmer que, d’année en année, la situation de la liberté de la presse évolue en dents de scie. Malheureusement, pendant
que certains font des efforts pour améliorer leur situation, d’autres continuent de végéter dans les profondeurs du classement quand ils ne font pas tout simplement des bonds en arrière. Mais il y a lieu de noter qu’il n’y a pas qu’en Afrique où les journalistes sont les souffre-douleur de certains dirigeants. Même dans les démocraties les plus avancées, ils ne sont pas toujours en odeur de sainteté avec les princes régnants. Il n’y a qu’à voir, par exemple, les rapports peu cordiaux entre le président américain, Donald Trump et la presse, pour s’en convaincre.
En tout état de cause, au-delà du devoir d’informer, eu égard au rôle qui est le leur en tant que lanceurs d’alertes et autres éveilleurs de conscience, les journalistes ont besoin d’être protégés dans l’exercice de leur fonction dans le monde. A ce propos, l’on se demande ce que devient le projet des Nations unies qui, dans un souci de protection des Hommes de médias, visait à qualifier les crimes commis contre les journalistes, de crimes contre l’humanité. Peut-être, est-il grand temps de le dépoussiérer.
Outélé KEITA