HomeA la uneEXAMEN DE L’AVANT-PROJET DE LOI SUR LES REFORMES AU TOGO :  L’opposition a gagné une bataille mais pas la guerre

EXAMEN DE L’AVANT-PROJET DE LOI SUR LES REFORMES AU TOGO :  L’opposition a gagné une bataille mais pas la guerre


 

Initialement absent de l’ordre du jour de la session extraordinaire de l’Assemblée nationale du Togo qui s’est ouverte le 12 septembre dernier, l’avant-projet de loi adopté en Conseil des ministres la semaine dernière, sur les réformes que l’opposition réclame à cor et à cri, a finalement atterri sur le bureau de la Représentation nationale le 13 septembre. En attendant que le texte puisse être soumis au vote des députés, c’est une victoire d’étape pour l’opposition togolaise qui peut se féliciter d’avoir pu quelque peu forcer la main au pouvoir pour accélérer le chronogramme d’examen de ce texte. Elle a donc gagné une bataille mais pas la guerre. Car, si cela peut être vu comme une avancée, il ne fait l’ombre d’aucun doute qu’avant d’en arriver à l’ultime étape du vote, il y a bien du chemin à parcourir ; le texte devant d’abord passer en commission.

Entre torpilles et tentatives de blocages, les obstacles ne manqueront pas

Mais depuis hier, l’opposition qui a pu prendre connaissance de son contenu, a pu s’en faire une première idée. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est maintenant que le vrai combat commence. En effet, dans un parlement majoritairement dominé par le parti au pouvoir, l’UNIR du président Faure, il y a lieu de croire que les députés de la majorité ne manqueront pas de tirer la couverture sur leur mentor, en faisant le minimum de concessions. On voit déjà les débats achopper sur l’inévitable question de la rétroactivité. Et comme ils vont immanquablement glisser dans un débat juridique, c’est la casuistique du plus fort qui sera la meilleure. Et là, l’on ne voit pas comment les partisans du président Faure se priveraient d’évoquer le sacro-saint principe de l’impersonnalité de la loi et du fait qu’elle dispose pour l’avenir. En cela, elle ne devrait donc pas exclure de citoyens, encore moins être taillée contre un seul individu. C’est là où les choses pourraient se corser pour l’opposition dont on se demande sur quels arguments juridiques elle pourrait se fonder pour satisfaire ceux de ses partisans qui demandent ici et maintenant le départ du chef de l’Etat. Même à supposer qu’elle veuille éventuellement intégrer une disposition particulière dans le nouveau texte et permettre à Faure de terminer son mandat en cours, l’on ne voit pas comment elle pourrait réussir à écarter constitutionnellement l’actuel locataire du Palais de Lomé II de la prochaine présidentielle en étant minoritaire au Parlement. Et elle n’est certainement pas au bout de ses peines, quand on sait que le projet de texte en question prévoit non seulement la limitation du nombre de mandats présidentiels, mais aussi parlementaires. Pour sûr, l’on peut s’attendre à ce que bien des députés, et pas seulement de la majorité, ne veuillent pas se faire hara kiri si une telle loi devait être rétroactive. C’est donc un véritable pavé que cet avant-projet de loi adopté en Conseil des ministres, jette dans la mare des élus du peuple. C’est pourquoi derrière cette victoire d’étape, il y a lieu d’observer une certaine prudence. Car, non seulement la procédure s’annonce d’ores et déjà des plus longues, mais il est une certitude qu’entre torpilles et tentatives de blocages, les obstacles ne manqueront pas. Et il n’est pas exclu qu’au finish, les élus du peuple donnent constitutionnellement quitus au président Faure de prolonger son bail à la tête de l’Etat, pour au moins encore deux mandats. Dans un tel cas de figure, le combat de l’opposition ressemblerait à un coup d’épée dans l’eau, c’est-à-dire un échec total pour tous ceux des Togolais qui pensaient se débarrasser enfin d’un président qui est en train de boucler 15 ans de règne, mais qui ne montre toujours pas de signe de satiété.

Faure préfère laisser ses sous-fifres faire le sale boulot de son maintien à la tête de l’Etat

C’est en cela que l’on peut être fortement chagriné de voir à quel point l’Afrique manque de véritables Hommes d’Etat, capables de s’élever au-dessus de leurs intérêts personnels et claniques pour prendre en compte les aspirations de leur peuple. C’est pourquoi l’on ne saurait véritablement reprocher au peuple togolais de se montrer à la limite maximaliste en demandant le départ hic et nunc de son président. Si Faure  avait été de la trempe des Léopold Sédar Senghor ou autre Nelson Mandela, il aurait eu, après trois mandats, ce supplément d’âme pour tirer les conséquences du mécontentement et de la grogne de son peuple en sachant entrer dans l’Histoire. Et Dieu seul sait ce qu’il gagnerait à être à l’écoute de son peuple et à prendre en considération les conseils avisés d’une haute personnalité comme l’ex-président nigérian, Olusegun Obansanjo, qui lui a lancé une invite dans ce sens.

En tout état de cause, il revient à chaque être humain d’écrire son histoire et il appartient à l’Histoire d’en juger. Nelson Mandela a choisi de faire un seul mandat à la tête de l’Etat sud-africain, alors qu’il avait la possibilité d’en briguer un autre et de le remporter. Mais, son nom restera à jamais gravé dans l’Histoire en lettres de marbre. Si Faure Gnassingbé aime vraiment son peuple, rien ne l’empêche, au terme de son troisième mandat, de mettre fin à ses souffrances en prenant la décision souveraine de ne pas faire rebelote. Mais, d’une telle décision qui le grandirait sans nul doute aux yeux du monde, l’on est malheureusement bien loin. Il y a  même lieu de se convaincre que c’est un rêve impossible ! Car, pour l’heure, tout porte à croire qu’il préfère laisser ses sous-fifres faire le sale boulot de son maintien à la tête de l’Etat, sous les artifices de la légalité. Pauvre Togo !

« Le Pays »


No Comments

Leave A Comment