HomeA la uneEXIGENCE D’UN CALENDRIER ELECTORAL CLAIR EN RDC : L’opposition ne veut plus se faire rouler dans la farine

EXIGENCE D’UN CALENDRIER ELECTORAL CLAIR EN RDC : L’opposition ne veut plus se faire rouler dans la farine


L’opposition politique de la République démocratique du Congo (RDC) n’entend pas baisser la garde. Elle exige de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), un calendrier clair des prochaines élections dans le pays. Comme on le sait, les partisans de Kabila ont tenté d’inclure dans la loi électorale qui vient d’être votée, des dispositions qui lient la tenue des élections à venir à un recensement des populations. Pour les observateurs avisés, ces dispositions avaient un objectif inavoué et inavouable. Celui de permettre au président Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir après la fin de son dernier mandat légal en 2016. Le camp de Kabila espérait certainement conserver ainsi le pouvoir, le temps de trouver l’astuce pour tripatouiller la Constitution. Les manifestations des opposants contre ce projet funeste, ont certes été réprimées dans le sang, mais elles ont eu leurs effets bénéfiques. Les dispositions querellées n’ayant pas été retenues dans le texte final de la loi.

Il ne faudra laisser à Kabila et à ses hommes de main, aucune chance de ruser

C’est donc un combat de gagné pour les opposants à un nouveau mandat de Joseph Kabila après 2016. Mais ces opposants sont conscients des limites de leur acquis. Ils ont remporté une bataille, certes. Mais pas encore la guerre. Car, il est évident que le président Kabila et ses affidés ne vont pas arrêter d’ourdir toutes sortes de stratégies pour arriver à leurs fins. Si bien sûr ils en ont l’occasion. Le régime Kabila peut en effet traîner les pieds dans la préparation des scrutins. Surtout en ne mettant pas à la disposition de la CENI et à temps, les ressources nécessaires pour faire correctement son travail. Ce faisant, l’impossibilité de tenir la présidentielle de 2016 à bonne date, s’imposerait à tous. Kabila aurait ainsi son bonus, de facto. C’est dire combien la victoire des opposants, en ce qui concerne l’abandon des dispositions de la loi électorale controversée, est à relativiser. En d’autres termes, cet abandon ne garantit pas à lui seul la tenue desdits scrutins à temps. Le pouvoir a peut-être reculé pour mieux sauter.

Il est donc de bon ton pour ces opposants de rester vigilants. Et cette exigence d’un calendrier électoral clair montre leur détermination. L’opposition ne veut plus se laisser rouler dans la farine. Joseph Kabila s’étant déjà illustré de par le passé, par ses manœuvres politiciennes. On peut citer l’exemple de la révision, par le camp Kabila, de la loi électorale pour ramener la présidentielle à un seul tour. C’était juste après le dénouement de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire. Nul doute que les déboires de Laurent Gbagbo n’avaient pas été étrangers à cette manœuvre de Kabila qui venait de s’apercevoir des risques potentiels d’un second tour. Comme il fallait s’y attendre, avec ce tour de force, Kabila fut réélu dès le premier tour, même si cette réélection n’a pas été des plus « clean ». Les résultats ont été, en son temps, l’objet de bien des contestations. C’est donc avec une légitimité sujette à caution, une légitimité suspecte, que Kabila a entamé son dernier mandat en cours. Et il ne semble pas avoir tiré les leçons de cette dernière présidentielle. C’est en tout cas ce qu’illustre son envie de briguer un autre mandat, malgré l’interdiction constitutionnelle et la protestation des opposants. L’opposition sait donc, plus que jamais, qu’elle ne doit pas compter sur la  bonne foi de ce chef d’Etat. Pour que la CENI arrive à fixer ce calendrier global des élections comme le réclamaient, du reste, l’Union européenne et les Etats-Unis avant l’opposition, il faudra maintenir la pression. Il ne faudra laisser à Kabila et à ses hommes de main, aucune chance de ruser.

La jeunesse ne se positionne plus en victime résignée

L’opposition devra donc se donner tous les moyens de maintenir un niveau élevé de vigilance. Et Kabila aurait tort de sous-estimer cette lame de fond. Fort des richesses énormes de son pays et du fait que la RDC a les capacités de financer elle-même ses élections, il pourrait être tenté de ne pas écouter les bailleurs de fonds occidentaux. Il pourrait même se trouver d’autres bailleurs de fonds comme la Chine, peu soucieux des questions de démocratie et de droits de l’Homme. Mais, ce serait pour lui, une grave erreur. Le monde étant devenu un village planétaire,  qui aspire à plus de démocratie et de liberté, il y a très peu de place pour les satrapes. Les technologies de l’information et de la communication mettent facilement à nue les dérives autocratiques des dirigeants aux quatre coins de la planète. Aucun chef d’Etat ne peut aujourd’hui massacrer tranquillement et dans le secret, ses opposants. Le monde entier en sera alerté. D’ailleurs, la récente répression sanglante des manifestants par le régime Kabila, a été une très mauvaise publicité pour lui. En retoquant la loi électorale controversée, le Sénat de la RDC a, du reste, montré qu’il n’a pas été insensible aux manifestations. Mieux, cela prouve qu’il a bien compris le message de la rue.

Cette rue qui refuse désormais de se laisser conter un peu partout en Afrique. En effet, ce qui se passe en RDC s’inscrit dans la logique d’une prise de conscience, d’un réveil de la jeunesse africaine en général. Les populations du continent sont majoritairement jeunes et ont un besoin urgent de jouir d’un niveau de vie décent. Hélas, la courbe des créations d’emplois ne suit pas celle de la poussée démographique. Pire, de nombreux dirigeants ne semblent pas s’émouvoir outre mesure de ces problèmes de non emploi et de chômage. Ils ne sont préoccupés que par la conservation de leur fauteuil. Pendant que les jeunes triment au quotidien, c’est la gabegie et le népotisme à souhait, au sommet de bien des Etats. Les jeunes intellectuels qui assistent à cette mauvaise gouvernance finissent par en avoir ras-le-bol, et se révoltent. En effet, la jeunesse ne se positionne plus en victime résignée. Les jeunes Africains ont pris conscience que le salut de leurs pays respectifs dépend de leur mobilisation. C’est ce qu’on a  pu observer avec le mouvement « Y en a marre » au Sénégal. C’est l’exemple qu’ont donné à voir les jeunes Tunisiens à l’origine du printemps arabe. C’est le message qu’ont véhiculé bien plus récemment le Balai citoyen et d’autres mouvements de jeunes au Burkina Faso. Le travail de conscientisation et de mobilisation des populations par la société civile et les partis d’opposition, auquel on assiste un peu partout sur le continent, est à saluer. Il faudra consolider ces efforts et conforter cet élan pour l’avènement d’une gouvernance vertueuse en l’Afrique.

« Le Pays »


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