HomeLe fait du jourFILETS SOCIAUX DE SECURITE : « Le niveau de mise en œuvre insatisfaisant pour l’instant », dixit Karime Ganemtoré

FILETS SOCIAUX DE SECURITE : « Le niveau de mise en œuvre insatisfaisant pour l’instant », dixit Karime Ganemtoré


Malgré le rôle majeur qu’il joue en faveur des personnes vulnérables, le Secrétariat permanent du Conseil national pour la protection sociale (SP-CNPS) est peu connu des Burkinabè. Pour lever un coin du voile sur cette structure, ses missions, les activités réalisées en 2015 et celles prévues pour l’année en cours, la protection sociale et son financement, nous avons rencontré le premier responsable de ladite institution, le 29 mars 2016. Et c’est avec force détails et sans langue de bois que Karime Ganemtoré, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a apporté des éléments de réponse à nos différentes questions. Lisez plutôt.  

 

« Le Pays » : Quand est-ce que le SP-CNPS a-t-il été créé?

 

Karime Ganemtoré : Le Secrétariat permanent du Conseil national pour la protection sociale (SP-CNPS) a été créé le 19 août 2013. Il est l’organe administratif et technique du dispositif institutionnel de suivi- évaluation de la Politique nationale de protection sociale (PNPS). Sa création vient en application du décret portant institution d’un dispositif institutionnel de suivi-évaluation de la Politique nationale de protection sociale, en date du 20 juin 2013 et qui prévoit deux types d’organes à savoir, l’organe d’orientation et de décision qui est le Conseil national de protection sociale et les organes de coordination que sont le Secrétariat permanent du Conseil national pour la protection (SP-CNP), les deux cellules interministérielles spécialisées, l’une en charge des filets sociaux et l’autre de l’assurance sociale et enfin, les cellules régionales de la protection sociale au niveau des 13 régions du pays. La création du Secrétariat permanent du Conseil national pour la protection sociale ainsi que la mise en place du dispositif institutionnel de suivi-évaluation de la Politique nationale de protection sociale, viennent également en application des dispositions de ladite politique qui a été adoptée le 31 décembre 2012.

 

Quelles sont les missions du SP-CNPS ?

 

Le Secrétariat permanent du Conseil national pour la protection sociale est l’organe administratif et technique du dispositif institutionnel de suivi- évaluation de la Politique nationale de protection sociale (PNPS) et est placé sous l’autorité du Premier ministre. Il est chargé de la préparation des sessions du CNPS, de l’exécution et du suivi des décisions et recommandations. Le Secrétariat permanent du Conseil national pour la protection sociale est chargé, entre autres, de conduire et/ou coordonner les études relatives à la protection sociale; élaborer les rapports de mise en œuvre de la Politique nationale de protection sociale sur la base des travaux des cellules spécialisées et régionales; organiser les revues à mi-parcours et annuelles de la mise en œuvre de la PNPS ; préparer les dossiers techniques et organiser les différentes rencontres du CNPS; participer à la définition des indicateurs avec l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD); mettre en place une base de données nationales en matière de protection sociale ; élaborer et mettre en œuvre un plan de renforcement des capacités des acteurs impliqués dans la mise en œuvre de la PNPS; développer et diffuser les stratégies de communication et les bonnes pratiques en matière de protection sociale; vulgariser les textes en matière de protection sociale; coordonner les travaux d’élaboration des plans d’actions triennaux glissants de la PNPS; assurer les relations nécessaires avec les échelons régionaux pour les besoins de la mise en œuvre de la PNPS; contribuer à la prise d’initiatives pertinentes pour la mobilisation des ressources et le renforcement des capacités des acteurs de la PNPS.

Le SP-CNPS comprend 5 directions que sont : la Direction du suivi des programmes de filets sociaux et d’assurance sociale; la Direction du suivi des programmes de protection sociale au niveau régional; la Direction de la formation et de la modélisation de la politique de protection sociale; la Direction de l’administration et des finances  et la Direction de la communication.

 

Quelles sont les difficultés auxquelles le SP-CNPS fait face ?

 

La principale difficulté à laquelle le SP-CNPS fait face est l’absence d’un cadre de travail adapté où ses services pourront bénéficier de meilleures conditions pour conduire sereinement leurs missions. Nous avons trois bureaux pour environ quinze personnes. La mise à disposition d’un bâtiment favoriserait un meilleur déploiement de ces services dans des bureaux en nombre suffisant, favorisant une meilleure organisation. Une autre difficulté est la coordination qui reste encore à parfaire. Au niveau des ministères et institutions, la dynamique est bien instaurée, mais avec les ONG et associations, il faut instaurer une synergie dans le domaine de la protection sociale. Mais, nous travaillons à résoudre avec le soutien des autorités de tutelle, ces difficultés pour une mise en œuvre plus efficace de la Politique nationale de protection sociale.   

 

Qu’est-ce que la protection sociale ?

 

 Il existe plusieurs définitions de la protection. Aux termes de la Politique nationale de protection sociale, la protection sociale est définie comme « un ensemble d’interventions publiques qui aident les ménages et individus à mieux gérer les risques et à réduire leur vulnérabilité et leur pauvreté en leur assurant un meilleur accès aux services sociaux et à l’emploi.»

Elle peut être définie comme un ensemble de mesures publiques ou privées qui visent à réduire la pauvreté et les vulnérabilités économiques et sociales. Cet ensemble de mesures concourt à assurer à la population une sécurité minimale du revenu, à faciliter l’accès aux services de base et à aider les ménages à mieux gérer les risques auxquels ils sont confrontés.

 

Les instruments de la protection sociale

 

Elle est vue comme un investissement qui soutient le développement du capital humain et la croissance économique. C’est pourquoi, au Burkina, elle est soutenue par 4 instruments. Il y a les filets sociaux de sécurité qui sont des programmes de transferts directs non contributifs, réguliers et prévisibles qui visent à accroître directement leur consommation ou leur accès aux services sociaux de base. Il y a ensuite l’assurance sociale qui rassemble les programmes contributifs, obligatoires, à but non lucratif, organisés par l’Etat. Le 3e instrument est la réglementation sociale et le 4e est relatif aux services d’aide sociale qui sont l’ensemble des services de prévention et de réponse à des situations de risque ou de vulnérabilité sociale.

 

Justement, quel est le niveau de mise en œuvre des filets sociaux de sécurité dont vous avez fait cas. Est-il satisfaisant ou non ?

 

Pour l’instant, on ne peut pas dire que le niveau de mise en œuvre des filets sociaux de sécurité est totalement satisfaisant, car il y a beaucoup de problèmes qui se posent encore aux populations.  C’est lorsque ces problèmes seront résolus qu’on pourra dire que le niveau de mise en œuvre des filets sociaux de sécurité est satisfaisant. Nous y travaillons et nous espérons qu’à moyen terme, les résultats seront probants. Certes, cela dépendra des financements dont nous aurons bénéficiés. 

  

Existe-t-il plusieurs types et catégories de protection sociale ou est-ce un concept qui renvoie à une seule et même réalité?

 

 Ce concept renvoie à une seule et même réalité, à ce que nous venons de développer juste avant.

 

Comment la protection sociale est-elle financée au Burkina ?

 

La protection sociale est financée essentiellement par les ressources publiques, notamment à travers le budget de l’Etat et les ressources des collectivités territoriales. Les structures de la société civile, les acteurs du secteur privé, les ONG et associations interviennent également dans le financement des activités de mise en œuvre de la Politique nationale de protection sociale. Les cotisations salariales et patronales contribuent également au financement de la Politique.

Le financement de la Politique nationale de protection sociale se fait également à travers les contributions des partenaires techniques et financiers dans le cadre de la coopération bilatérale, multilatérale et décentralisée. L’Etat prévoit la mise en place d’un fonds national de protection sociale qui sera alimenté par le budget de l’Etat, le secteur privé, la société civile et divers donateurs. Le Secrétariat permanent du Conseil national a en charge de mener les réflexions avec le soutien de spécialistes pour la mise en place de ce fonds dont il aura la responsabilité de la gestion.

 

Quels sont les types de prestations sociales qu’offre la protection sociale ?

 

La protection sociale offre une gamme variée de prestations sociales. La prestation sociale  s’entend comme un versement d’argent ou de biens en nature à des individus ou à des familles par un organisme public pour couvrir des dépenses que la collectivité  considère correspondre à des objectifs sociaux comme la santé, le chômage, l’invalidité, etc.

 

Pouvez-vous nous citer quelques prestations ?

 

Dans le domaine des filets sociaux de sécurité par exemple, on peut citer entre autres, les transferts monétaires non conditionnels qui sont faits aux ménages vulnérables par les services  de l’Action sociale, l’octroi de subsides à des personnes en contrepartie d’un travail effectué, tel l’aménagement de pistes rurales. Mais cela se fait généralement dans le cadre d’un ciblage pour désigner ceux qui doivent en bénéficier. On a également tout ce que développent la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et la Caisse autonome de retraite des fonctionnaires (CARFO).

 

Y a-t-il un volet assurance ?

 

Il existe bel et bien un volet assurance dans le domaine de la protection sociale. Il existe au Burkina des programmes d’assurance sociale qui ont une fonction redistributive et protectrice couvrant les risques de chômage, vieillesse, handicap, mort du principal soutien de la famille et maladie. Au niveau des cellules interministérielles spécialisées, il existe une cellule chargée exclusivement de l’assurance sociale. La revue des programmes d’assurance sociale dans le cadre de la Politique nationale de protection sociale permet d’avoir une idée de ces programmes qui permettent de savoir qu’il existe des dispositifs formels, mais également des mécanismes informels s’appuyant sur les réseaux de solidarité familiale, villageoise et socioprofessionnelle.

Au niveau du dispositif public, nous avons le régime des travailleurs salariés, le régime des fonctionnaires, militaires et magistrats, la santé au travail. Au niveau du dispositif privé sans but lucratif, il existe les mutuelles sociales, les systèmes d’entreprise. C’est dire que l’assurance existe bel et bien. Mais il va falloir aller plus vers l’informel. Et je crois que l’assurance maladie universelle dont la loi a été votée, sera la bienvenue. Elle pourrait permettre d’obtenir des résultats positifs dans ce domaine.  

 

La méthodologie consensuelle de ciblage des personnes vulnérables permet-elle une meilleure mise en œuvre de la politique nationale de protection sociale ?

 

Il faut d’abord rappeler le contexte de création de la méthodologie consensuelle de ciblage des personnes vulnérables. La mise en œuvre réussie de la Politique nationale de protection sociale nécessite au préalable l’élaboration d’un registre unique des personnes vulnérables au Burkina Faso. C’est pourquoi, le gouvernement a constaté la nécessité, suite à l’adoption de la Politique nationale de protection sociale, de faire mener la réflexion en vue de l’adoption d’une méthodologie de ciblage des personnes vulnérables.

Les deux premières sessions du Conseil national pour la protection sociale, tenues respectivement le 23 novembre 2013 et le 20 mai 2014, développées par le ministère en charge de l’Agriculture, ont fortement recommandé d’élargir la méthodologie concomitamment aux questions structurelles et conjoncturelles tout en capitalisant toutes les dimensions liées à la vulnérabilité et prenant en compte la variable « urbaine ». Il fallait travailler dans l’optique de parvenir à une méthodologie qui soit consensuelle.  La méthodologie de ciblage des personnes vulnérables, adaptée au contexte du pays, a pu capitaliser toutes les expériences en la matière, notamment celle développée par le ministère de l’Agriculture et de la sécurité alimentaire (MASA), focalisée sur l’insécurité alimentaire et appropriée pour le milieu rural.

 

Comment définissez-vous un ménage vulnérable ? 

 

Aux termes de la Politique nationale de protection sociale, la vulnérabilité renvoie à la fragilité de l’existence humaine face aux aléas, risques et agressions dommageables. Les personnes vulnérables sont celles qui sont menacées dans leur autonomie, leur dignité ou leur intégrité physique et psychique. Elle traduit la réceptivité d’un individu ou d’un ménage à certains facteurs susceptibles de provoquer des effets négatifs, ces effets négatifs pouvant se produire ou non.  Le ménage est perçu comme un groupe de personnes, généralement unies par des liens de sang ou de mariage, logeant habituellement ensemble (sans que ce soit forcément sous le même toit physique), produisant et consommant ensemble, et dont l’autorité budgétaire relève, au moins théoriquement, d’une seule personne appelée chef de ménage.

 

Où en est-on avec le recensement de ces ménages vulnérables ?

 

Nous ne sommes pas encore passés à l’opérationnalisation de la méthodologie consensuelle de ciblage des personnes vulnérables au Burkina. Nous sommes toujours à l’étape préparatoire du processus qui implique un certain nombre d’activités de conception, d’adoption et de validation d’outils qui serviront à la mise en œuvre de la phase active du ciblage. Mais les fruits de ces réflexions doivent être soumis au Conseil national pour la protection sociale et avoir son quitus pour la suite du processus. Le Conseil se tiendra en avril et aura à examiner un certain nombre de documents sur la question.

 

 Il était question de mettre en place un registre unique des personnes vulnérables au Burkina qui devrait servir de référentiel à toutes les organisations et institutions intervenant dans le secteur. Où en est-on avec ce registre et pensez-vous qu’il sera adopté par toutes les structures intervenant dans le domaine de la protection sociale ?

 

L’objectif de mettre en place un registre unique des personnes vulnérables au Burkina est de faire en sorte que les acteurs du domaine de la protection sociale puissent s’en servir comme référentiel dans leurs interventions en faveur des personnes vulnérables. Cela a l’avantage de rationaliser les interventions, d’assurer leur cohérence et de les rendre plus efficaces et maîtrisables.

Le ciblage en prévision et qui passera par une phase pilote avant le passage à l’échelle, permettra d’identifier les personnes vulnérables au niveau de l’ensemble des 13 régions du pays, avant l’élaboration définitive du registre unique des personnes vulnérables.

 

« Les méthodologies de ciblage des personnes vulnérables au Burkina sont multiples »

 

Nous sommes conscients que les méthodologies de ciblage des personnes vulnérables au Burkina sont multiples et les acteurs du domaine de la protection sociale évoluent selon des approches différentes qui rendent difficile la synergie dans les interventions.

 

 Quels sont les organes chargés de la protection sociale au Burkina ?

 

Les organes chargés de la protection sociale sont le Conseil national pour la protection sociale (CNPS), le Secrétariat permanent du Conseil national pour la protection sociale (SP-CNPS), les cellules interministérielles spécialisées chargées respectivement des filets sociaux et de l’assurance sociale et les cellules régionales de la protection sociale.

Le CNPS est l’instance d’orientation et de décision et est présidé par le Premier ministre, assisté de trois vice-présidents. Il comprend près d’une quinzaine de départements ministériels, des institutions publiques, des représentants de la société civile dans la diversité de leur composante, des partenaires techniques et financiers comme observateurs. Le SP-CNPS, les cellules interministérielles spécialisées et les cellules régionales, sont des organes de coordination.

 

 Quelles sont les activités réalisées par le SP-CNPS en 2015 et quelles sont celles prévues pour 2016 ?

 

Au nombre des activités réalisées par le Secrétariat permanent du Conseil national pour la protection sociale, l’on peut retenir entre autres,  l’élaboration des documents de planification, notamment le rapport bilan 2014 et le plan d’action opérationnel 2015-2017, l’organisation de la 3e session du CNPS ; la vulgarisation de la PNPS auprès des journalistes de langue française et de langues nationales ; la traduction  de la brochure de la PNPS en 5 langues nationales en l’occurrence le mooré, le dioula, le dagara, le fulfuldé et le gourmantchema. En plus de ces langues, nous avons initié en fin d’année, la traduction de 6 autres langues dont le document sera bientôt à l’imprimerie. Toujours au titre des activités réalisées, on peut citer l’élaboration du profil type et du document cadre de réponse, des outils de collecte d’informations sur le terrain pour appuyer le document de la PNPS, etc.

En termes de perspectives, l’on peut noter que l’élaboration des documents de planification est bouclée. Il s’agit du rapport bilan 2015 de mise en œuvre de la Politique nationale de protection sociale et le Plan d’action opérationnel 2016-2018. Nous sommes engagés, en ce moment, dans la phase de préparation et l’organisation de la 4e session du Conseil national pour la protection sociale. Les actions inscrites au programme en cette année 2016 sont, entre autres, la réalisation de la phase test sur le profil type du ménage vulnérable, la réalisation de la phase pilote de l’opération de ciblage dans 3 communes à savoir un arrondissement, une commune urbaine et une commune rurale; la formation des cellules régionales sur les questions de protection sociale; la production de la brochure de la PNPS en six langues nationales; la diffusion de la PNPS dans les provinces, etc.

 

Quels sont les moyens dont dispose le SP-CNPS pour la réalisation de ces différentes activités ?

 

Le premier moyen que nous avons, c’est l’appui de la hiérarchie, en l’occurrence le Premier ministre. Nous avons aussi des cadres, un personnel assez dynamique qui est engagé pour la cause de la protection sociale, sans oublier l’appui des partenaires techniques et financiers, des acteurs de la société civile et des ministères et institutions.  En plus de ces moyens humains et techniques, l’Etat et les partenaires mettent des moyens financiers conséquents à notre disposition pour que nous puissions réaliser le travail que nous sommes en train d’accomplir dans le cadre de la mise en œuvre de la PNPS.

 

On constate que vous bénéficiez d’un grand appui de la part de l’Etat et des partenaires. Est-ce à dire que la protection sociale est considérée comme une priorité par ces derniers?

 

Bien sûr, la protection sociale est une priorité pour les gouvernants. En témoigne l’élaboration d’une politique nationale de protection sociale. Même dans le programme du président du Faso, la protection sociale figure comme une priorité.

 

Un mot pour conclure 

 

Pour conclure, je dirai merci au journal ‘’Le Pays’’ pour son initiative de venir vers nous pour mieux informer le public. La presse est un acteur majeur dans la mise en œuvre de la PNPS. Et notre souhait est que d’autres organes de presse emboîtent le pas aux Editions ‘’Le Pays’’ pour permettre à la population d’être mieux informée sur les questions de la protection sociale.

 

Propos recueillis par Dabadi ZOUMBARA

 

 

 

 

 

 

 


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