HomeA la uneGROGNE SOCIALE AU NIGERIA : Buhari face à la dure réalité de l’économie nigériane  

GROGNE SOCIALE AU NIGERIA : Buhari face à la dure réalité de l’économie nigériane  


 

On se souvient que le mercredi 11 mai dernier, le gouvernement du Général Buhari avait pris la décision de mettre un terme aux subventions de l’essence. La conséquence immédiate de cette mesure est que le prix de l’essence à la pompe a subi une hausse vertigineuse. En réaction, le mercure social est monté. En effet, après deux jours de discussion avec le gouvernement, qui, visiblement, n’ont pas réussi à répondre aux attentes des travailleurs, un syndicat, malgré l’interdiction, observe une grève illimitée et ce à partir d’hier, mercredi 18 mai. L’on peut dire que cette grève, qui n’a pas été observée par l’ensemble des syndicats, et qui n’a pas été, à ce que l’on dit, bien suivie, est tout de même la première épreuve sociale à laquelle le pouvoir du Général Buhari est confronté. Et l’hypothèse qu’elle se transforme en une crise qui viendrait davantage fragiliser ce géant d’Afrique déjà mal en point, est fortement probable. En effet, nous sommes en présence de deux logiques qui se font face, chacune avec ses arguments.

Il faut que chaque partie accepte de mettre un peu d’eau dans son vin

D’un côté, il y a celle du syndicat qui se fonde sur la cherté de la vie, ce qui est réel, pour exiger du gouvernement que le prix de l’essence à la pompe soit presque divisé par deux. Il faut apporter la précision qu’aujourd’hui, un litre d’essence coûte 145 nairas, soit 64 centimes d’euros. De l’autre, l’on a la logique du pouvoir de Buhari. En proie en effet à l’effondrement continu des cours de l’or noir, principale source de revenu pour le Nigeria, le gouvernement semble dans l’obligation d’alléger ses dépenses en mettant, entre autres, un terme aux subventions de l’essence. Comme on le voit, ces deux logiques sont difficilement conciliables. Pourtant, il le faut absolument. Pour ce faire, il faut que chaque partie accepte de mettre un peu d’eau dans son vin. De ce point de vue, les syndicats ne doivent pas perdre de vue que l’Etat providence ne peut plus prospérer par ces temps de vaches maigres au Nigeria. Par conséquent, ils peuvent ramener dans des proportions réalistes et réalisables leurs revendications initiales qui consistent à diviser par deux le prix de l’essence à la pompe. Le gouvernement de son côté, doit obligatoirement tenir compte du panier de la ménagère dans ses réformes économiques. Car, ne dit-on pas que « ventre vide n’a point d’oreilles » ? Et il n’est pas exagéré de dire qu’aujourd’hui bien des Nigérians ont le ventre vide, vide à l’image de la plupart de leurs stations d’essence. A tout le moins, ils tirent le diable par la queue. Et cette triste réalité constitue un paradoxe avec le fait que le Nigeria est le premier producteur d’or noir du continent. L’autre paradoxe est qu’en dépit de cela, il importe la majorité de sa consommation de carburant. Et on n’a pas fini avec les paradoxes. En effet, pendant que dans les pays non producteurs de pétrole, la tendance aujourd’hui est à la baisse progressive du prix de l’essence à la pompe, au Nigeria, c’est la hausse vertigineuse qui est d’actualité. Décidément, c’est à ne rien comprendre. Mais comme c’est le Nigeria, cela ne devrait étonner personne. Car l’affaissement moral de l’Etat nigérian et ce depuis l’indépendance du pays en 1960, a permis que l’or noir sorti de ses entrailles ne profite guère aux populations.

Il faut craindre que des pêcheurs en eau trouble en profitent pour installer le pays dans un chaos total

Bien au contraire, c’est l’oligarchie du pays, composée de la haute hiérarchie de l’armée et des élites politiques, de connivence avec les sociétés pétrolières occidentales, qui tire exclusivement profit des immenses ressources financières générées par l’exploitation de l’or noir. C’est ce passé fait de spoliations et de frustrations des populations qui prédispose celles-ci, peut-on le dire, à ne pas comprendre la politique d’austérité prônée par le Général Buhari, suite à l’effondrement vertigineux du prix du baril de pétrole sur le marché international. Et comme le Nigeria a fait le mauvais choix de reposer son économie sur la seule jambe de l’or noir, l’on peut affirmer que ce n’est pas demain la veille que le pays surmontera la grave crise économique actuelle. C’est pourquoi l’on peut dire que la grogne sociale à laquelle l’on assiste aujourd’hui, illustre le fait que Buhari est face à la dure réalité de l’économie nigériane. Et le moins que l’on puisse dire, est qu’elle est durement affectée par la chute du prix du pétrole. Et pour ne pas arranger les choses, cela se passe au moment où Buhari est engagé sur les fronts de la lutte contre Boko Haram, la corruption et les rebelles du Delta du Niger. De ce fait, il faut craindre, au cas où la grogne sociale serait mal gérée, que des pêcheurs en eau trouble, en profitent pour installer le pays dans un chaos total. Pour le moment, l’on est loin de ce scénario catastrophe, puisqu’au moment où nous tracions ces lignes, la grève générale connaissait un début timide. Pour autant, Buhari serait mal inspiré de faire dans le triomphalisme. Car, les problèmes soulevés par le syndicat sont réels. Et pour les résoudre, les menaces et les intimidations pourraient être contreproductives. La solution pourrait être le dialogue, le vrai, auquel tous les membres d’une nation civilisée devraient recourir, à chaque fois qu’ils font face à une crise.

« Le Pays »


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