INCULPATION DU FILS DE DOS SANTOS POUR DETOURNEMENT DE FONDS : Les eaux sales commencent à remonter à la surface
Il n’aura pas fallu attendre longtemps après le départ d’Eduardo Dos Santos du pouvoir en Angola pour que son empire politico-financier soit sérieusement menacé. En effet, après le limogeage de sa fille Isabel de la présidence de la compagnie pétrolière nationale (Sonangol) en novembre 2017, c’est au tour de son fils, José Filomeno, déjà éjecté de la tête du fonds d’investissement souverain du pays en janvier dernier par le nouveau président Joao Lourenço, d’entrer dans l’œil du cyclone. D’abord mis en cause dans le scandale des « Paradise Papers », « Zenu », comme on le surnomme, vient d’être formellement inculpé pour « fraude, détournement de fonds, trafic d’influence, blanchiment d’argent et association criminelle » pour avoir ordonné un virement suspect de 500 millions de dollars de la Banque centrale de l’Angola vers un compte privé en Grande Bretagne.
Cette affaire est symptomatique de la gestion du pouvoir sous l’ère Dos Santos
Son passeport a été, de cette affaire est symptomatique de la gestion du pouvoir sous l’ère Dos Santos ce fait, confisqué et lui-même s’est vu notifier une interdiction de sortie du territoire. Faut-il s’étonner de ces bruits de casseroles de la famille Dos Santos ? A cette question, l’on ne peut répondre que par la négative. Car, d’abord, ce n’est un secret pour personne que durant les 38 longues années de règne de l’ex-président, durant lesquelles il avait mis sous coupe réglée des pans entiers de l’économie confiés à sa famille et à ses proches et érigé la corruption en mode de gouvernance, son clan constitué de la minorité qui bénéficiait de la rente pétrolière et du trafic des diamants, s’était mué en une véritable mafia d’affaires dont les tentacules débordent largement le cadre du territoire angolais. Ensuite, l’on sait que la gouvernance d’Eduardo Dos Santos a toujours porté les marques de la longue guerre civile qu’a connue le pays et a toujours été aux antipodes de la transparence qu’impose la gestion de la chose publique. C’est pourquoi l’on peut affirmer sans coup férir, que cette affaire est symptomatique de la gestion du pouvoir sous l’ère Dos Santos et qu’elle n’est en réalité que la partie visible de l’iceberg. Enfin, il ne faut pas l’occulter, on est en Afrique, où le sport favori des dirigeants, c’est la course aux comptes étrangers qu’il faut bourrer de fonds illégalement tirés des trésors nationaux. Mais ce qui a de quoi surprendre, ce sont ces chiffres astronomiques qui donnent le tournis et qui n’ont d’égal que l’indécence morale des dirigeants du pays, à une époque où les habitants vivent parfois dans une extrême indigence. A titre d’exemple, l’Angola est le pays qui possède le pire taux de mortalité infantile dans le monde et il est difficilement concevable que, défiant toute cette misère sociale, la boulimie financière de dirigeants déjà hyper nantis les pousse à des appétits gargantuesques. Cela dit, il ne faut pas s’indigner de ce cas isolé de José Filomeno qui pourrait en cacher bien d’autres en Afrique. En tout cas, pour ce qui est de l’Angola, il faut se féliciter de l’alternance intervenue à la tête de l’Etat et dont les retombées sur la gouvernance sont perceptibles à travers cette affaire. Il faut tout aussi se féliciter du courage du successeur d’Eduardo Dos Santos, Joao Lourenço qui a pris le pari de secouer le cocotier alors qu’il aurait pu faire dans la continuité en assurant l’impunité à la famille de son ex-mentor et en confondant le trésor public angolais avec sa propre poche.
Les ennuis judiciaires de Dos Santos fils doivent résonner comme un gong d’avertissement pour tous les dirigeants africains
Mais, plus forte est l’audace du journaliste d’investigation et activiste Rafael Marques dont le travail a permis de lever le lièvre en janvier dernier. Il apporte, si besoin en était encore, la preuve que la presse est un levier important de la gouvernance dans un pays. On peut dire donc que la presse angolaise joue pleinement son rôle dans cette Angola post Dos Santos et il appartient à la Justice, comme elle en montre l’exemple dans cette affaire de détournement de deniers publics, d’y donner des suites conséquentes. L’on peut enfin et aussi se féliciter de l’attitude de la Grande Bretagne qui, ayant trouvé le virement fait pas José Filomeno suspect, avait gelé cet argent et promis de le rendre à l’Angola. L’acte, il faut le dire, est à encourager, car il constitue une opération de salubrité publique et doit de ce fait inspirer plus d’un. En tout état de cause, les ennuis judiciaires de Dos Santos fils doivent résonner comme un gong d’avertissement pour tous les dirigeants africains dont la fratrie et la progéniture sont impliquées dans la gestion du pouvoir d’Etat. Le réveil des opinions nationales et internationales ainsi que l’ouverture du monde par le biais des moyens de communication, rendent ce genre de pratiques de plus en plus difficiles et il n’existe plus un seul endroit sur terre où les fruits de leurs rapines peuvent bénéficier d’une sécurité éternelle.
« Le Pays »