INSTABILITE POLITIQUE CHRONIQUE SUR LE CONTINENT : Tant que l’Afrique francophone ne s’assumera pas pleinement et courageusement…
Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat, le 24 janvier 2022, Paul-Henri Sandaogo Damiba a été chassé le 30 septembre 2022 par un autre coup d’Etat, après seulement huit mois. Le Burkina offre ainsi un exemple type de l’instabilité politique sur le continent. Le sort de ceux qui perdent ainsi le pouvoir est souvent peu enviable. Que ce soit Sylvanus Olympio du Togo, Fulbert Youlou du Congo, Ahmed Ben Bella d’Algérie, Kwame Nkrumah du Ghana, Modibo Kéita et son successeur Moussa Traoré du Mali, Hamani Diori du Niger, N’Garta Tombalbaye et Hissène Habré du Tchad, Milton Oboté et Idi Amin Dada d’Ouganda, Moctar Ould Dada de Mauritanie, Jean-Bedel Bokassa de Centrafrique, William Tolbert et Samuel Doë du Libéria, Juvénal Habyarimana du Rwanda, Mobutu Sesse Seco du Zaïre, Ben Ali de Tunisie, Hosni Moubarak d’Egypte, Laurent Gbagbo de Côte d’Ivoire, Omar Hassan El Béchir du Soudan, et la liste est longue des chefs d’Etat africains qui, à leur départ du pouvoir, n’ont pas eu d’autres choix que l’exil, la prison ou la mort. On aura remarqué que, comme par malédiction, les pays d’Afrique francophone sont en surnombre. Au Burkina Faso, le président Thomas Sankara a été assassiné dans l’exercice de ses fonctions. Le premier président du pays, Maurice Yaméogo, a été chassé par une insurrection populaire le 3 janvier 1966, jugé en 1969, emprisonné, avant d’être libéré à l’occasion du dixième anniversaire de l’indépendance en 1970. Sangoulé Lamizana a été emprisonné par son successeur, Saye Zerbo qui, lui-même, fera l’expérience de la prison à l’occasion du coup d’Etat qui le renversa le 25 novembre 1980. Jean-Baptiste Ouédraogo aussi sera emprisonné après avoir été renversé par le coup d’Etat du 4 août 1983. Blaise Compaoré qui accéda au pouvoir par l’assassinat de Thomas Sankara, trouva son salut dans l’exil en Côte d’Ivoire quand il fut chassé par l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014.
Le principal gage de soutien du pouvoir reste la légitimité populaire
Yacouba Isaac Zida, par crainte de poursuites judiciaires, a choisi l’exil. Récemment, Paul-Henri Damiba vient aussi de prendre son baluchon pour l’exil. Roch Marc Christian Kaboré qui a été renversé par Damiba en janvier dernier est pour le moment tranquille chez lui. Seul Michel Kafando a fini son mandat en beauté et transmis le pouvoir à son successeur pour ensuite mener tranquillement sa vie. Encore que son cas est particulier. Venu au pouvoir à l’occasion du départ de Blaise Compaoré, il n’était qu’un président de transition au pouvoir bien encadré, et pour une durée d’un an. Ceci peut-il donc expliquer cela ? Pourquoi tant d’instabilités et de sorts peu enviables pour les anciens chefs d’Etat africains ? Il est vrai que cela n’est pas la particularité de l’Afrique. Ailleurs aussi, d’anciens chefs d’Etat ont eu des sorts peu enviables comme Alberto Fujimori du Pérou, Slobodan Milosevic de Serbie ou encore Lula da Silva du Brésil. Mais le cas de l’Afrique, et particulièrement de l’Afrique francophone est pathétique. Au point que, certains chefs d’Etat ne voient de solution à leur salut que dans le pouvoir à vie. C’est le plat qui a été servie par Houphouët- Boigny de Côte d’Ivoire, Eyadema Gnassingbé du Togo, Lassana Conté de Guinée, et Idriss Deby du Tchad. Paul Biya du Cameroun, Denis Sassou Nguesso du Congo, Théodoro Obiang Nguéma de Guinée équatoriale et Ali Bongo du Gabon semblent décidés à leur emboiter le pas. Il est vrai que certains anciens chefs d’Etat ont été victimes d’arbitraire. Toutefois, dans la plupart des cas, la mal gouvernance explique le sort peu enviable qui leur est parfois réservé après leur départ du pouvoir. Avant la pénétration coloniale, les sociétés africaines connaissaient une relative stabilité politique. La gouvernance était faite conformément aux us et coutumes, et rencontrait de ce fait l’assentiment des citoyens. C’est même toujours le cas pour les chefferies traditionnelles et coutumières dans lesquelles le chef, une fois accepté, règne à vie sans crise majeure de gouvernance. C’est même le cas pour les Etats africains modernes qui sont restés des monarchies comme le Maroc et le Lesotho. C’est donc dire que le principal gage de soutien du pouvoir, et la garantie de sécurité de l’après-pouvoir reste la légitimité populaire. Or, pour ce qui est de l’Afrique francophone, il est difficile d’avoir le soutien populaire sans contrevenir à la vision et à la place que la France a taillées pour chaque pays en fonction de ses propres intérêts. Le dirigeant d’Afrique francophone est donc chaque fois confronté à un choix douloureux : exercer le pouvoir en tant que serviteur de la France, tout en espérant conserver ainsi le pouvoir, quitte à perdre la légitimité populaire, ou se ranger du côté du peuple en heurtant les Autorités françaises et en mettant la France à la Place qu’il convient pour les intérêts de son peuple. Cela comporte bien sûr le risque d’être victime des intrigues de la politique étrangère française. Mais si le régime en place bénéficie réellement d’un soutien populaire, une telle politique de rupture et de redéfinition des rapports avec la France ne pourra être qu’une garantie de stabilité et de progrès pour le pays, et un espoir de vie normale après le pouvoir pour le dirigeant. Paul Kagamé du Rwanda, pour le moment, en est l’illustration. Avec le mouvement populaire qui a accompagné l’avènement au pouvoir du nouveau président du Faso, Ibrahim Traoré, il est permis de dire qu’il bénéficie d’un large soutien populaire pour entamer les réformes nécessaires dans l’intérêt du pays. A lui de savoir jouer.
Apolem