INTERPELLATION D’OPPOSANTS ET D’ACTIVISTES AU NIGER : Quand les radiations de l’uranium donnent de l’urticaire au pouvoir
Par les temps qui courent, il ne fait pas bon d’être opposant ni activiste de la société civile au Niger. En effet, plusieurs membres de ces associations ont maille à partir avec la justice, pour des motifs allant de « l’incitation au complot » à « l’incitation à la révolte ». Et ce n’est pas l’opposant Amadou Djibo, arrêté le 15 mai dernier et qui était devant les tribunaux hier, 23 mai, ni l’activiste Ali Idrissa brièvement interpellé le 20 mai dernier avant d’être relâché, qui diront le contraire. Encore moins Abdourahmane Insar, ce militant du Cadre d’action pour la démocratie et les droits de l’homme et également secrétaire général du CRI (Collectif pour le renouveau et l’innovation) qui a été arrêté quelques semaines plus tôt à Agadez, en raison de son activisme sur les réseaux sociaux tendant à fustiger le manque de détermination de la société civile à manifester pour réclamer la lumière dans l’affaire de l’uraniumgate. De cette affaire, parlons-en, puisque tout porte à croire que ce sont les radiations de cet uranium qui donnent de l’urticaire au pouvoir de Niamey qui a tendance à réagir au quart de tour, lorsqu’on évoque cette affaire. Et en embastillant à tour de bras tous ceux qui osent en parler, le pouvoir fait preuve d’une fébrilité pour le moins suspecte. Comme s’il avait peur que la lumière ne jaillisse à la face du peuple nigérien. De quoi aurait donc peur le pouvoir nigérien ? En tout cas, en manquant d’inclure les députés de l’opposition dans la commission d’enquête parlementaire mise en place pour élucider la question, le pouvoir de Niamey sème le doute dans les esprits quant à sa volonté de faire toute la lumière dans cette affaire aux relents fortement politiques.
Ce n’est pas en cassant le thermomètre que le pouvoir fera baisser la fièvre de la contestation
Et ces différentes arrestations et l’interdiction de certaines manifestations sont une mauvaise publicité dont le pays de Mahamadou Issoufou aurait pu se passer. A ce rythme, c’est l’image du Niger qui risque de s’effriter et celle du pouvoir d’aller en lambeaux. Autrement, comment comprendre qu’un chef d’Etat comme le président Mahamadou Issoufou qui se gargarise d’être parmi les démocrates du continent et qui a fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille, en vienne à donner l’impression de s’attaquer aux libertés individuelles et collectives pour des questions de revendications de plus de transparence dans la gestion de la manne de l’uranium ? Cela fait tout simplement mauvais genre. D’autant plus qu’en se montrant allergique à toute critique, le pouvoir apporte de l’eau au moulin de ceux qui pensent que la manne de l’uranium a longtemps profité et continue peut-être de profiter encore aux tenants du pouvoir, au détriment du peuple nigérien qui n’y voit que dalle. En tout cas, le pouvoir gagnerait à changer son fusil d’épaule. Car, ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’il fera baisser la fièvre de la contestation. Bien au contraire, en donnant l’impression de vouloir museler toute voix discordante, il court le risque de comprimer les frustrations des populations en attendant l’explosion de la cocotte-minute. C’est dire si le pouvoir de Niamey a tout à perdre dans cette affaire où il joue sa crédibilité, sans oublier que cela pourrait ragaillardir l’opposition et la société civile dont une collusion pourrait faire voir des vertes et des pas mûres au pouvoir de Mahamadou Issoufou.
Outélé KEITA